Algérie - Gawa


Le groupe Gawa
GAWA, qui signifie agelid ("roi") en berbère ancien, est animé par le chanteur Salah Gaoua, accompagné de quatre artistes qui mêlent chants et rythmes issus de différentes régions d’Algérie, rythmes traditionnels berbères (chaabi, aïssawa, g’nawa) et musicalité world, ce groupe de musiciens s’est créé à la Croix Rousse, quartier de Lyon.

Entre musique populaire et musique traditionnelle, le leader du groupe de "World-Berbère" de la Croix Rousse nous délivre sa passion pour les chants qui ont bercé son enfance. Salah Gaoua chante les deux pays qui lui sont chers. Natif de Kabylie, Salah Gaoua est imprégné d’une culture musicale qui a marqué sa région, notamment, Idir et Lounès Matoub.

Ses rencontres avec Atmane joueur de banjo aux envolées étincelantes et avec Ali qui l’initie à la tradition du aïssawa (chants sacrés), sont très importantes.
Sa, leur, musique s’ouvre très largement à beaucoup d’autres influences, et notamment pour les textes, avec des emprunts amicaux à Michèle Bernard et à Renaud, en déployant un univers proche du chaabi.

Citoyens et partisans des cultures du Monde, Gawa formation "World-Berbère" tire sa force de la musique traditionnelle avec des passerelles vers le celte, le flamenco et la chanson française.

"Quand je suis à Alger, je rêve de la France. Quand je suis en France, je rêve d’Alger. L’exil me pèse sur les reins, il est une douleur constante au réveil, au coucher et cela me poursuit même dans mes nuits" Salah Gaoua

Composition du groupe :
Salah Gaoua : Chants Lead - Bendir
Atmane Yahi : Banjo - Mandol - Chœurs
Thibault Chevalier : Piano - Mandoline - Chœurs
Zinou : Guembri - Percussions - Chœurs
Ali Bensadoun : Ney - Chants - Percussions


Entretien avec Salah Gaoua, musicien et fondateur du groupe Gawa

« àŠtre Algérien est un dur métier... » disait Kateb Yacine. Le groupe Gawa est né de l’amour partagé pour la musique, le verbe, l’Algérie démocratique, la liberté. Le premier CD est sous presse. Allons à la rencontre de Salah Gaoua, musicien fondateur du groupe et suivons son parcours nomade entre colline croix-roussienne (Lyon) et monts de Kabylie.

CMTRA : Comment avez-vous conçu ce premier disque ?
Salah Gaoua : Au départ, nous souhaitions réaliser un CD 4 titres, pour démarcher et sortir des lieux de diffusion croix-roussiens. Finalement, au hasard des rencontres, nous avons enregistré 9 titres. Manu Vallognes (basse), Red (guitare), Khalfa Rabah (derbouka), Tayeb (violon et guembri), les frères Diez qui font du flamenco, se sont joints à nous en nous donnant un coup de main gracieux, en plus des musiciens du groupe : Steeve Berteletti (guitare), Atmane Yahi (basse, mendol), Ali Bensaâdoun (ney et chant), Hamid (derbouka, karkabou) et moi-même (chant). Fateh Benlala, de l’ONB, a également participé au CD. C’est une auto-production, le CD a été mixé dans un grand studio parisien. La sortie officielle n’est pas encore prévue.

Vous rapprochez les esthétiques en combinant musique traditionnelle et variété française...
Nous interprétons Hexagone de Renaud et Je t’aime de Michèle Bernard. Je t’aime incarne l’amour du XXIème siècle, j’ai été envoûté par l’interprétation qu’en donne Michèle Bernard. Je me suis permis d’en faire un arrangement en ajoutant un couplet en kabyle, tout en respectant l’esprit de la chanson. La chanson de Renaud interpelle un pays en train de se détourner de ses idéaux. J’ai été touché par son talent de chanteur, d’artiste, d’homme. Nous avons rebaptisé ce chant Illusions, pour dire que s’il y a encore un combat à mener aujourd’hui, c’est contre l’islamisme que - après le fascisme noir et le fascisme rouge - je qualifie de fascisme vert. Je parle aussi de l’Algérie meurtrie. En tant qu’Algérien, aujourd’hui, je suis coincé entre les casquettes et les barbes (les militaires et les islamistes), ce sont les deux mâchoires d’une tenaille. Je suis natif de la Kabylie et imprégné d’une culture musicale qui a marqué cette région, avec notamment Idir et Matoub dans les années 80. Ma rencontre avec Atmane, d’Alger, le berceau du châabi (musique populaire algérienne), et avec Ali, natif de Mostaganem dans l’Ouest, avec la tradition du aïssawa (chants sacrés), a fait que nous avons mélangé les styles. Nous avons voulu donner un cachet d’ouverture à d’autres horizons musicaux, dont nous sommes bercés chaque jour en France. M. Mammeri, anthropologue et écrivain, disait « si le ghetto sécurise, certes, il stérilise aussi ». Je pense que la meilleure façon de tuer une culture est de la confiner.

Aujourd’hui tu n’aimes pas trop l’expression d’artiste engagé ...
Je trouve que c’est trop à la mode, et pour moi, un chanteur qui chante des chansons d’amour est aussi un artiste engagé. Je préfère parler de « chanson qui interpelle », les pouvoirs politiques ou les consciences individuelles. Je pense en mon nom, je ne représente pas une communauté, je n’aime pas ce terme. Nous allons commémorer bientôt le Printemps Noir, plusieurs centaines de morts et des blessés qui se comptent par millier. Je n’ai pas besoin d’intégrer un parti politique pour parler et chanter les problèmes de la Kabylie depuis deux ans, parce que c’est ma région, il s’agit de mes proches, mes amis.

Quel regard portes-tu sur le monde dans ces aller-retours entre colline croix-roussienne et montagnes de Kabylie (dont de beaux tableaux du peintre Haroun figurent dans la salle de votre restaurant) ?
Il se trouve que mon histoire “d’immigré” a commencé dans un bar-restaurant familial du haut de la montée de la Grand Côte à la Croix-Rousse. Cette colline m’a ouvert les yeux et m’a appris beaucoup de choses. Toutes mes rencontres, bonnes ou mauvaises, je les ai faites ici. Mais le regard que je porte aujourd’hui sur le monde n’est malheureusement pas très gai. En France, les atteintes aux libertés individuelles et aux principes de la République ne sont pas rassurantes, la montée de l’intégrisme fait peur, et l’attitude de G.W. Bush peut déstabiliser d’avantage encore le monde où nous vivons. Mais il y a cette beauté de la vie qui reste intacte.

Quels sont vos projets ?
Il faut peut-être laisser le temps faire les choses. Nous sommes à la recherche d’un producteur et d’un tourneur. Nous avons eu des propositions dans le cadre de l’année de l’Algérie mais nous avons dit non. L’Algérie, nous l’avons célébrée dès que nous avons pu. Je ne peux pas cautionner quelque chose qui va à l’encontre de ce que je suis. Je ne renie pas l’année de l’Algérie, je trouve même qu’ils ont mis bien longtemps à l’organiser ! Mais pas comme ça, les populations d’origine algérienne résidant en France sont à peine concernées par cet événement.

Où en sommes-nous du sentiment d’étrangeté et de familiarité entre Français “de souche” (ces mots sont définitivement détestables) et Français d’origine algérienne
En dehors des relations d’état à état, les deux peuples sont liés, incontestablement. Le premier pays francophone, après la France, c’est l’Algérie. Et la première langue parlée en France, après le français, c’est le berbère (Tifinagh*). Pour ma part, je suis lié d’amitié et d’amour avec mes amis français. Je crois à l’existence de cette relation, et je ne pense pas à l’avenir du bassin méditerranéen sans un rapprochement des deux peuples.

Propos recueillis par V.P. - CMTRA

* Tifinagh : nom de la graphie antique Berbère



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