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«Le groupe d'Oujda... une appellation d'origine (in)contrôlée»



«Le groupe d'Oujda... une appellation d'origine (in)contrôlée»
(?) La formule «groupe d'Oujda» a été employée pour la première fois par Ania Francos (journaliste française, ndlr). Le «groupe d'Oujda» est une appellation, contrôlée ou non, qui sera introduite dans les analyses et qui n'a pas beaucoup de sens. Si l'on crédite le «groupe d'Oujda» de partie prenante dans la crise de 1962, pourquoi ne pas citer l'EMG, et par extension l'armée, puisque l'EMG commandait l'ensemble de l'ALN, les combattants intérieurs et l'armée des frontières 'On peut même adopter le point de vue de certains qui voulaient réduire l'ALN à l'armée des frontières. Est-ce que le colonel Zbiri était à Oujda ' Ou bien le colonel Chaâbani de la wilaya VI, Larbi El Mili de la wilaya II ' Tout cela fait questionnement et on a l'impression d'une intention cachée : on dénature l'appellation en y introduisant un greffon pour provoquer le phénomène de rejet. On peut parler à la limite d'armée des frontières, mais c'est le FLN/ALN.Le terme «frontière» est lui-même inapproprié parce qu'il n'exprime aucune réalité : la plupart des officiers supérieurs ont passé une partie de leur vie combattante à l'intérieur et une autre à l'extérieur. Je reprends l'exemple du colonel Zbiri qui a passé plus de temps à la frontière tunisienne qu'à l'intérieur du pays, mais au moment de l'indépendance il se trouvait à la tête de la wilaya I.Le colonel Chaâbani n'a jamais quitté l'intérieur. Les combattants qui étaient avec moi à l'intérieur comme Abbès, devenu par la suite colonel, ou Djillali Guezzane, membre du bureau politique, sont restés au maquis, pendant que moi j'ai traversé la frontière marocaine. Finalement, les appellations ont été reprises et intégrées sans esprit critique ; elles sont entrées dans le langage courant (...)(?) Ce que je retiens du «groupe d'Oujda», à travers la nature des écrits de certains historiens français supposés spécialistes de l'Algérie, c'est la négation de la période où le pouvoir s'est véritablement exercé, après le départ de Ben Bella. Les trois ou quatre personnes qui détenaient un pouvoir réel, Medeghri à l'intérieur, moi-même responsable de l'orientation, puis du FLN, Bouteflika aux Affaires extérieures, et Kaïd Ahmed, avons été définis comme «groupe d'Oujda». Un certain journaliste a même écrit que Belkheir et Hamrouche en étaient?Peut-être y a-t-il une intention à vouloir identifier des responsables politiques par des appartenances, qui sont en fait des paraboles ; j'en veux pour preuve la dichotomie intérieur/extérieur, militaires/politiques, ALN/FLN. Quel crédit accorder à un analyste qui classe comme politique quelqu'un en poste en Indonésie et un autre qui, à titre égal et compétence égale, a combattu les armes à la main, de militaire ' Peut-on dire que Che Guevara ou Fidel Castro sont des militaires parce qu'ils portent des tenues militaires qu'ils n'ont jamais quittées ' Beaucoup, à l'indépendance, ont demandé, à ceux qui ont fait la révolution, d'entrer dans les casernes et de laisser le pouvoir aux civils.Les conjurés qui ont fini la guerre(?) Lorsque je nous qualifie de «conjurés», c'est seulement pour indiquer que nous, qui avons fini la guerre, pouvons être désignés par l'appellation la plus juste, en tant que génération, en tant que partie de la population ou en tant que cadres : nous sommes ceux qui avons fait la guerre. Il y a ceux qui l'ont déclenchée, et ceux qui l'ont terminée. Il m'arrive parfois d'expliquer pourquoi ce groupe est resté uni, indépendamment de la dynamique de l'histoire qu'il a vécue. Mon insistance à affirmer le caractère rigide de ce groupe tient au fait que beaucoup de démarches et de décisions ont dévié de l'objectif fixé et ces déviations nous ont soudés.Ce n'est pas seulement notre qualité d'anciens moudjahidine, c'est aussi le fait d'avoir vécu les mêmes aventures antérieures. Nous avons été obligés, avant, puis après l'indépendance, de résoudre un certain nombre de problèmes, ensemble, concernant la politique intérieure, parfois dans des aventures assez graves, les crises de toutes les contradictions qui se sont posées avant et après 1962. Il m'arrive de dire aussi que, ce qui nous liait, c'est ce contrat moral très fort qui nous a permis de nous identifier, à ce moment-là, à un groupe de conjurés. Je ne peux pas et ne veux pas dire que nous étions dans une conjuration. Je me dois de lever cette ambiguïté.Nous avons les mêmes liens pour avoir vécu à la fois la même aventure dans la lutte anticoloniale, dans le règlement des problèmes intérieurs nés de la Révolution, ou au moment de l'indépendance, en l'absence d'un pouvoir qu'il fallait mettre en place. J'extrapole parfois en affirmant que ce contrat moral a tenu lieu de régime, et la meilleure des preuves est qu'en 1965, lorsque l'on va mettre fin au régime de Ben Bella, à l'arrêt de la Constitution, à la dissolution de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire toutes les institutions qui pouvaient légitimer un pouvoir, la démarche ne nous a posé aucun problème.Dans un Conseil de la Révolution, qui comprenait 26 membres à son début pour se réduire à 8, le pouvoir, qui n'était peut-être pas légal, était plus crédible que l'ont été les pouvoirs précédents et suivants. C'est dire que, sans formuler de jugement d'appréciation positif ou négatif, ce contrat moral né de la vie que nous avons vécue ensemble a tenu lieu de régime et pendant 11 ans nous avons gouverné sans aucune structure.«Le rapport de Bouteflika et l'exécution du commandant Boucif»«(?) Le seul dont on peut dire qu'il corresponde à l'appellation «d'Oujda» est Bouteflika. Il n'a pas fait le maquis dans le sens où nous l'avons fait. Il est né à Oujda, y a grandi, y a été recruté en 1956. Il a été nommé contrôleur et n'a fait qu'un seul trajet dans les maquis. Il s'est rendu d'Oujda jusqu'aux frontières de la wilaya IV, dans le cadre d'un contrôle. Il va ressortir sans jamais y revenir. Il est d'ailleurs marqué par cette mission car elle sera à l'origine de ce que l'on a appelé l'affaire Boucif, commandant à l'époque.C'est un épisode peu connu. Boucif était un officier très courageux, arrivé sur le même bateau que Boumediène en 1955, le Dyna, qui transportait des armes. Boucif était, semble-t-il, apparenté à Boumediène. Il pénètre avec Othmane en Algérie et commande la zone IV après le Congrès de la Soummam qui avait découpé le pays en le réorganisant en wilayas et en zones. Des plaintes le concernant parvenaient à l'état-major. Bouteflika s'empare du dossier et s'implique.Il va donc faire l'enquête sur la base d'accusations qui existaient avant qu'il ne soit lui-même dans l'ALN. Il confirme que Boucif est coupable. Lorsque Abane et Dahleb, quittant l'Algérie, passent par sa zone pour rejoindre l'extérieur, il les accompagne. Sur la base du rapport de Bouteflika, il est arrêté à son arrivée à Oujda où il sera jugé et exécuté. C'est la seule action de Bouteflika dans le maquis. Il est ensuite resté constamment secrétaire de Boumediène, qu'il suivait dans tous ses déplacements.»
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