Le docteur Mohamed Khadir, médecin légiste
exerçant au niveau de Saïda et animateur de la conférence « Ethique et
responsabilité médicale » au GRAS, n'est pas parti par trente-six chemins lors
des débats ayant suivi cette conférence. Interrogé sur la place de l'éthique
dans le système de santé nationale, il dira que « le système de santé est le
baromètre de la situation des droits de l'homme dans un pays ». Pour lui, le
fonctionnement de ce système, ses performances ou contreperformances,
ses disfonctionnements… sont un véritable indicateur
sur le respect ou non des droits de l'homme dans un pays donné. Il ne
s'empêchera pas de confirmer qu'« en Algérie, nous sommes en train de vivre les
problèmes de l'absence de l'éthique ». Et d'ajouter : « Nous les médecins, nous
n'avons aucune éthique. Collectivement et individuellement ». Il constatera que
« l'état de la santé en Algérie a atteint un niveau de déliquescence très
avancé. Et personne ne réagit ». Or, répètera-t-il, « le médecin, de par sa
profession, est un véritable défenseur des droits de l'homme ». Répondant à une
autre question sur la responsabilité médicale, Dr Khadir
estimera que « le droit est un facteur de progrès, puisqu'il oblige à la
conformité ». A l'aide d'exemples puisés dans le vécu, il établira le constat
de « la responsabilité disparate ». Et de s'interroger : « Comment se fait-il
que le médecin est poursuivi suite à la mort d'un patient et pas le ministre, responsable
de la pénurie des médicaments qui a causé des centaines, voire des milliers de
morts ? » Bien évidemment, l'intervenant se réfère aux pénuries qu'a connues le
secteur de la santé ces derniers mois et qui ont suscité énormément
d'accusations et de contre-accusations. Pour le légiste, et pour bien établir
le lien avec ses précédents propos, il estimera qu'en principe « la justice
s'autosaisit » et ouvre une instruction pour arrêter les responsabilités des
uns et des autres dans cette histoire de pénurie de médicaments qui a défrayé
la chronique. Les débats engagés ont abouti à une conclusion lourde de sens : «
il ne peut pas y avoir d'éthique médicale ou autre, en l'absence d'une justice
indépendante et épanouie des pouvoirs, notamment exécutif ». Parce que la
conférence du docteur Khadir a été trop théorique et
surtout axée sur l'histoire, les débats ont tourné autour des questions
concrètes et se rapportant à la réalité algérienne. Ainsi, on a soulevé une
question d'actualité brûlante : l'autorisation de l'avortement des filles
victimes d'actes incestueux. Reconnaissant la gravité de ce problème, déjà posé
concernant les milliers de femmes violées par les terroristes durant la
décennie noire, Khadir rappellera que «
l'interruption volontaire de la grossesse n'est autorisée que lorsque la
grossesse constitue une véritable menace pour la santé de la femme enceinte ». Tous
les participants à cette conférence, destinée aux doctorants en sociologie de
la santé que dirige le laboratoire de Mohamed Mebtoul,
ont été d'accord sur le décalage existant entre le législateur et la réalité
sociale. Dr Khadir a indiqué, d'autre part, que la France s'est dotée au début
des années 2000 d'un Droit des malades. Un tel dispositif juridique est devenu
une urgence dans notre pays, eu égard au délitement dans lequel se trouvent nos
structures sanitaires. Les participants ont aussi soulevé la question de
l'expert médical chargé d'éclairer les tribunaux, notamment sur la question de
la différence entre erreur et faute médicale.
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Posté Le : 26/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com