Algérie

Le grand test pour les députés



Après la forte agitation qui a caractérisé les débats la semaine dernière, les députés de l'Assemblée nationale populaire (APN) sont appelés, aujourd'hui, à se prononcer sur le projet de loi de finances complémentaires 2020. A la lumière de la teneur des débats de la semaine dernière, l'Exécutif a eu du mal à convaincre sur la pertinence des mesures qu'il a prévues dans le cadre de ce projet. En effet, les députés ont, unanimement, émis des réserves sur ces mesures déplorant l'examen qualifié d'expéditif de ce projet de loi dans ce contexte particulier lié à la pandémie du coronavirus et à la situation économique actuelle qui exigent, selon eux, de réfléchir à une nouvelle vision pour le développement de l'économie nationale.Les députés n'ont pas été tendres avec le gouvernement à qui il reprochaient l'introduction de nouvelles taxes et la révision à la hausse de certaines d'autres qui auront un impact direct sur le pouvoir d'achat des citoyens. C'est le cas pour celles concernant les produits pétroliers qui, forcément, provoqueraient une augmentation des prix des autres services et produits, et celles concernant les transactions sur les véhicules neufs, jugées excessives par les députés. Outre ces mesures décriées, les députés reprochent à l'Exécutif les revirements constatés dans ce projet sur certains mesures prévues dans la LF 2020 et validées par eux-mêmes, à l'instar de l'autorisation d'importation des véhicules de moins de 3 ans et la fixation du montant minimum en devises soumis à la déclaration douanière qui passe de 5 000 à 1 000 euros. L'agitation inhabituelle qu'a connu l'hémicycle durant les débats résulte également des manquements qui ont prévalu lors de l'examen de ce projet. Les députés ont, sans exception, dénoncé le rapport de la commission des finances, jugée très conciliante avec l'Exécutif, et rédigée, selon certains députés, par le président de l'Assemblée lui-même. De nombreux députés ont même affiché leur disposition à rejeter ce projet.
Nouveau cadrage macro-économique
Le projet de loi de finances complémentaire 2020 propose un nouveau cadrage macro-économique et budgétaire qui tient compte du contexte national et international caractérisé par une crise sanitaire sans précédent et une baisse drastique des prix du pétrole. Ce nouveau cadrage apporte de nombreuses modifications sur les principaux agrégats et indicateurs macroéconomiques et financiers. D'abord, le prix fiscal du baril de pétrole passerait de 50 à 30 dollars tandis que le cours du marché passerait de 60 à 35 dollars.
Le PLFC prévoit une croissance économique négative qui s'établirait à -2,63% contre 1,80% prévue dans la loi de finances initiale. Hors hydrocarbures, la croissance se situerait à -0,91% contre 1,78% dans la loi de finances initiale. Les recettes budgétaires diminueraient à 5 395,5 milliards de dinars (mds DA) contre 6 289,7 mds DA dans la loi de finances initiale 2020. La fiscalité pétrolière budgétisée dans le PLFC 2020 s'élèverait à 1 394,7 mds DA alors que les ressources ordinaires se situeraient à 4 001,1 mds DA. Les dépenses budgétaires se situeraient à 7 372,7 mds DA, contre 7 823,1 mds DA votées dans la loi de finances initiale.
Ces dépenses se ventilent en 4 752,4 mds DA en dépenses de fonctionnement et en 2 620,3 mds DA en dépenses d'équipement. Les dépenses de fonctionnement (hors masse salariale et hors transferts sociaux) baisseraient de 141 Mds DA (environ -3%) soit -150 mds DA de baisse de dépenses courantes et 9 mds DA pour couvrir l'impact de la revalorisation du SNMG. De leur côté, les dépenses d'équipement baisseraient de 309 mds DA (-10,5%) en passant de 2 929,7 mds DA à 2 620,3 mds DA. Le PLFC prévoit un déficit budgétaire de 1 976,9 mds DA, soit -10,4% par rapport au PIB, contre -1533,4 mds DA prévu dans la loi de finances initiale pour 2020 (-7,2% du PIB). Les importations de marchandises FOB (hors services non facteurs) baisseraient, en valeur courante, de 4,7 milliards de dollars pour atteindre 33,5 milliards de dollars, alors les importations de services baisseraient, en valeur courante, de 2,3 milliards de dollars. Concernant les exportations d'hydrocarbures, elles devraient atteindre 17,7 milliards de dollars à la fin de l'année 2020 contre 35,2 milliards prévues dans la LF 2020.
Soutien à l'investissement
Si le projet de loi de finances complémentaire 2020 a prévu des dispositions relatives à l'amélioration du pouvoir d'achat du citoyen, à travers l'abattement de l'impôt sur le revenu global qui ne dépasse pas 30 000 DA et la revalorisation du salaire national minimum garanti (SNMG), le projet charrie également une hausse des taxes notamment sur les produits pétroliers et véhicules neufs. La hausse des taxes sur les véhicule neufs intervient après l'autorisation, par le PLFC, des concessionnaires automobiles à importer des véhicules neufs. Il est également question dans le cadre de ce projet de la suppression de la règle 51/49%, à l'exclusion des activités d'achat et de revente de produits et celles revêtant un caractère stratégique.
Le projet prévoit aussi l'annulation du droit de préemption de l'Etat sur toutes les cessions d'actions ou de parts sociales réalisées par ou au profit d'étrangers, prévue dans le LFC 2010 et la loi 16-09 relatifs à la promotion de l'investissement ainsi que l'annulation des dispositions obligeant le financement des investissements étrangers par le recours aux financements locaux.
Tout porte à croire que l'Exécutif sera confronté à une délicate situation aujourd'hui à l'Assemblée. Devant un hémicycle, en apparence hostile, le ministre des Finances devra composer avec une situation qui de fait lui impose de faire des concessions. L'issue du vote semble dépendre donc de la suite qui sera donnée aux 30 amendements transmis par le bureau de l'APN à la commission des finances et du budget à l'issue de sa réunion tenue mercredi. À moins que, comme d'habitude, ce soit la solidarité politique qui prime.
Saïd Smati


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