Poète et musicien, Guerouabi a su mêler le lyrisme aux bons mots, l'amour à la poésie. Il occupe une place centrale dans le monde de la chanson algérienne, maghrébine et arabe.
Son père, Sâad Guerouabi, originaire de Sour el Ghozlane, était venu s'installer dans le vieux quartier de la Redoute à Alger où il avait épousé une jeune Kabyle. De cette union étaient nés d'abord la grande s&oeligur du chanteur, puis El Hachemi le 6 janvier 1938, enfin ses deux autres s&oeligurs. La Seconde Guerre mondiale faisait rage, Sâad était intégré dans l'armée française pour lutter contre l'occupant nazi et juste après son retour il était atteint d'une maladie incurable dont il mourut peu après. Sa femme, de santé fragile, était morte aussi quelque temps après. La s&oeligur aînée, Fatma Zohra - de dix ans plus âgée que El Hachemi - s'occupa des enfants jusqu'au moment de son mariage avec Si Samil Driss, un horloger de Tizi-Ouzou. Les orphelins furent alors recueillis par une tante et un oncle paternels, la magnifique tante Taous et l'omniprésent oncle Belgacem, deux êtres extraordinaires de dévouement et d'amour, en dépit de leur condition modeste.
El Hachemi en voulait à la vie de lui avoir ravi trop tôt ce père qu'il aurait tant aimé connaître. De sa mère, il ne gardait en mémoire que la beauté incomparable et la voix si douce qui le berçait les soirs de sa petite enfance - il évoquerait longtemps plus tard, dans sa fameuse chanson annonçant un retour prochain à Alger, El Madania, le lieu sacré où elle repose à jamais. Malgré son jeune âge, il se sentait responsable de ses deux s&oeligurs cadettes et jouait avec elles au grand frère protecteur. Quant à sa soeur aînée, à laquelle il resterait toujours très attaché, il allait la voir à Tizi-Ouzou pendant les vacances. Beaucoup d'habitants du quartier Aïn Hallouf qui étaient de la génération de Guerouabi se souviennent de ce garçon fougueux qui maniait le ballon rond avec virtuosité et qui avait la répartie facile lorsque l'on tentait de le charrier sur son accent algérois.
Avec ses camarades de ce quartier populaire qu'était alors Belcourt (désormais Belouizdad), il avait commencé à jouer au football, mais une autre passion était née vers l'âge de 9 ou 10 ans, celle de la musique et de la poésie, Il commençait à taquiner le mandole et il découvrait le pouvoir que sa voix exerçait sur les autres. Dans le même temps, il supportait mal la discipline rigoriste de l'enseignement français de cette époque, tant et si bien qu'il fut renvoyé de l'école primaire par un instituteur coléreux, excédé de l'entendre constamment chanter et tambouriner en classe. « Tu n'auras jamais ton certificat d'études primaires », avait-il lancé d'un ton méprisant. L'élève Guerouabi qui avait changé d'école, revint en fin d'année exhiber le fameux sésame en interpellant son ancien instituteur : « Monsieur, je l'ai eu malgré vous ! »
Les deux passions de jeunesse de Guerouabi étaient donc le football et la musique il commença à s'intéresser à la musique et tout particulièrement à El-Anka, M'rizek, H'ssissen, Zerbout et Lachab.
Au music hall El Arbi, il se distingue en obtenant deux prix. Grâce à Mahieddine Bachetarzi, il rejoint l'Opéra d'Alger, de 1953 à 1954, ou il chantera Magrounet Lehwahjeb qui fut un sucées.
Engagé à l'Opéra comme chanteur, il fera aussi de la comédie et jouera dans plusieurs pièces et dans de nombreux sketches dont Dahmane la chaire et Haroun Errachid. Après l'indépendance, il rencontre Mahboub Bati avec lequel il enrichit ses connaissances, se perfectionne et enregistre des chansonnettes.
En 1962 et face à l'invasion des chansons occidentales et égyptiennes, il fallait trouver une place pour le chaâbi auprès des Jeunes. Guerouabi introduit des changements sur le genre et, avec EI barah, il aura beaucoup d'impact. Dans ce courant rénovateur auquel s'opposeront les conservateurs, on trouvera aussi El Ankis et bien entendu le compositeur Mahboub Bati. Toutefois, El harraz et Youm EI Djemaâ ont la préférence de Guerouabi qui excelle d'ailleurs dans le mdih et les nabawiyates.
Il effectue un pèlerinage à la Mecque en 1987.
Guerouabi qui a commencé à taquiner la mandale à l'âge de neuf ans a accumulé un capital immense grâce au contact et au travail assidu auprès de nombreux maîtres du genre. Toutefois son prestige découle du fait qu'il a su apporter sa touche personnelle et broder une variante singulière sur l'étoffe commune qu'est le chaâbi. Il n'a jamais cessé en fait, même pendant les moments difficiles de sa carrière, d'être à la hauteur de sa réputation, qui a largement dépassé les frontières nationales.
A son actif, des centaines de compositions, dont des adaptations de poèmes du 16éme et du 17éme siécles. Il encourage son fils Mustapha à le suivre sur le même chemin et chanter en duo avec lui en 1990. Héritier populaire des grands maîtres du genre et figure emblématique de toute une génération, il renoue avec les textes fiévreux et les poésies qui ont fait sa renommée, dès le début des années 50. La voix suave légèrement éraillée, le " rescapé" Algérois d'une musique qui s'évaporait de plus en plus dans la variété refait, au début des années 90, un retour éblouissant avec un CD sorti chez Sonodisc, en France, Le chaâbi des maîtres. Cithare, piano, tablas, violons, banjos et guitare constituent l'instrumentation d'un répertoire classique revitalisé et toujours distillé en arabe dialectal, avec une diction et une sérénité extraordinaires.
El Hachemi Guerouabi est décedé à cause d'une crise cardiaque, cette nouvelle douloureuse a fait le tour du pays à la vitesse de l'éclair. Guerouabi l'artiste, le maître, s'est éteint dimanche soir, le 16 juillet 2006, à l'hôpital de Zéralda. Le patrimoine musical algérien venait de perdre l'un de ses plus illustres représentants du chaâbi, un pan de son patrimoine culturel.
Référence :
Association culturelle El Hachemi Guerouabi
El Hadj El Hachemi GUEROUABI (Youcef DRIS)
 
Posté Le : 22/07/2014
Posté par : litteraturealgerie
Ecrit par : O.Hassoun