Algérie - Revue de Presse

Le grand «bof» du pays qui baille



On se réveille avec l'idée d'écrire sur le retour d'Ouyahia,la chute vers le haut de Belkhadem et les volontés de Bouteflika puis, d'uncoup, on s'en lasse. Et en cours de route, on peut fignoler le délire : Belkhadema été appelé à représenter le choix du Président, Ouyahia le choix de sesopposants et Bouteflika le choix de lui-même. Puis on s'en lasse. La routeétant longue, on se dit qu'on peut aller plus loin : Belkhadem va servir defutur faux candidat, Ouyahia de futur vice-Président et Bouteflika va se servirdu peuple pour le futur de Bouteflika. Puis cela remonte à la bouche : le goûtfade de son propre cadavre piéton dans un pays qui se passe de vous. Même sicertains journaux républicains ont entamé la journée avec des éditosd'enterrement pour Belkhadem et de bienvenus pour le nouvel homme fort (qu'ilsfusillaient allègrement autrefois), l'essentiel est sous les yeux, dans labouche, visible depuis une décennie : on se passe de nous en notre nom. Le payspeut bien compter 36 millions d'habitants, seuls deux ou trois en possèdentl'acte de propriété et se disputent la cuisine. Dansle tas, on restera assis à regarder défiler la nation sans sous-titrage : Ouyahiaaime les chiffres, Belkhadem aime Bouteflika, Bouteflika s'aime lui-même et cesont nous qui portons la torchère pour éclairer au pétrole cette étroiteendogamie. Il s'agit d'une illusion populiste que d'attendre de ces hommes ceque le pays lui-même n'arrive pas à faire de lui-même. Le plus lassant dansl'affaire est qu'il va falloir en parler pendant quelque temps et leur couperles cheveux en quatre pour leur trouver de la teneur, du propos comestible ouquelques variantes de couleur pour meubler le temps. Cruelle métaphysique sanssel alors que le monde réduit, de plus en plus, ce pays à un jerrican d'essencegouverné par des gardiens de pompes. Pourquoi ce sentiment d'abîmement alorsqu'Ouyahia n'est ni pire, ni meilleur que les autres ? Parce que. Parce qu'ilest humain d'espérer le changement et qu'à force de l'attendre, on finit parespérer au moins une catastrophe ou une inondation javelisante. Dieu l'aaccordé pour Noé, pourquoi pas pour nous ? En attendant, Ouyahia est chez lui, commeBouteflika, comme Belkhadem. Ce sont nous qui sommesinvités à les regarder se choisir les uns les autres, en essayant de lire dansles couleurs des costumes, les épisodes des noces cachées et des sentimentsinvisibles.




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