Algérie

Le gouverneur a parlé, le dinar noir conserve son AAA



La fuite des capitaux s'est accélérée d'Algérie depuis janvier 2011. Révolution en Tunisie, émeutes de la jeunesse en Algérie. L'écart entre le taux de change officiel dinar-euro et dinar-dollar et le taux de change au noir s'est alors creusé brutalement. De 25% en moyenne en 2010, il est passé à 45% de prime additionnelle à payer pour obtenir des devises sur le marché parallèle.Ce cycle ne s'est jamais refermé depuis 12 mois. A la fin de l'année, la Banque d'Algérie a choisi de le réduire par le bas. En dévaluant le dinar officiel. Les éléments qui ont joué contre le dinar à la baisse au square Port-Saïd sont connus. Les cambistes de la rue les résument en un symptôme. Afflux de dinars. Signe de désinvestissement en Algérie. Le choix des nationaux, qui en ont les moyens, de préparer l'avenir ailleurs n'est pas le seul comportement pourvoyeur de fuite. Les applications coercitives de la Banque d'Algérie des injonctions de Ahmed Ouyahia tiennent leur part aussi dans la spéculation à la baisse sur le dinar noir.
Fin 2010, une circulaire de la villa Jolie a tenté de bloquer des avances sur compte courant des maisons mères internationales à leurs filiales en Algérie en les obligeant ? a posteriori comme d'habitude - à faire entrer ce flux temporaire de manière définitive dans leur capital social. Les rapatriements de dinars par le flux parallèle ont enflé. Alimenté par le climat prohibitif entourant l'affaire Djezzy. Les dividendes peuvent ne plus ressortir d'Algérie. A tout moment. Une frange de cet argent, même infime, prend finalement le chemin de l'étranger en dehors des comptes. Et des guichets des banques commerciales. Le séisme de janvier 2011 est survenu sur un terrain miné déjà pour le dinar.
Les importateurs algériens payent leurs arrhes à Guandzhou en devises achetées sur le marché parallèle. Pas le temps de couvrir cette dépense d'urgence par lettre de crédit. Le crédit documentaire a sa logique temporelle que la foire de Canton ne comprend pas. Rarement en définitive, un Etat n'a, depuis la LFC de 2009, autant spéculé contre sa propre monnaie en alignant mesures de défiances en cohorte écervelée. L'année 2011 a été consacrée à essuyer les plâtres. Mesures de soutien à l'emploi des jeunes, distribution de crédits à la micro-entreprise, dialogue social élargissent au FCE dès le mois de mai, effacement de dettes bancaires et fiscales aux PME, bémol à la Banque d'Algérie sur les mesures de prise d'otages des flux internationaux. Mais la vente de dinars sur le marché parallèle ne s'est pas désenflée. Ou à peine.
Le différentiel de change entre les deux marchés est redescendu à 42% en février 2012. Les monnaies nationales tunisiennes et égyptiennes ont mieux résisté à la révolution dans leurs rues que le dinar algérien à son propre gouvernement. Le mal est donc profond. Comme le montre le processus électoral. Tous les discours officiels n'arrivent pas à endiguer l'ambiance abstentionniste dominante. Les Algériens détenteurs de volants de dinars hors circuits préfèrent les mettre à l'abri dans d'autres monnaies. Pourtant peu fringantes elles aussi comme le sont le dollar et l'euro. Ils votent contre le dinar. L'accélération de la fuite des capitaux en 2011 a un phénomène pendant.
Le dinar s'achète. A valeur plus faible, certes, mais il s'achète en volumes plus importants. Les acquéreurs de ce dinar noir déprécié ne peuvent compenser leur risque d'avoir acquis une monnaie orientée durablement à la baisse qu'en finançant des opérations à haut rendement : prêts usuraires, aubaines d'importations, anticipations de marché, activités non déclarées. Rien qui ne tire vers le haut la performance d'une économie. La principale mesure qui pouvait engager un redressement du dinar sur son marché domestique a été pitoyablement abandonnée pour la seconde fois par le gouvernement Ouyahia le printemps dernier : l'obligation du chèque dans les transactions dépassant 500.000 DA.
Le gouverneur de la Banque d'Algérie a discouru la semaine dernière sur la conjoncture financière du pays en 2011. Réserves de change à la hausse (182,22 milliards dollars), excédents de la balance de paiement copieux (19 milliards de dollars), taux d'inflation contenu sous les 5%. Sur l'expansion de la fuite des capitaux et la part incompressible du dinar noir dans les comptes de la nation, rien ou presque. La Banque d'Algérie émet le dinar. Le pouvoir politique décide de sa parité. Square Port-Saïd s'ajuste. La standard and Poors n'a plus qu'à y ajouter un AAA.


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