Du jamais vu, les concessionnaires automobiles évoquent, pour la première
fois il est vrai, encore en termes généraux, l'idée d'une industrie automobile
en Algérie. C'est sans doute un effet de la politique anti-importation menée
ces dernières semaines par le gouvernement. Si l'Etat algérien a renoncé -
c'était juridiquement une absurdité - à imposer rétroactivement une
participation algérienne de 30 % chez les concessionnaires, il n'a pas hésité à
prendre la mesure brutale d'interdire les crédits à la consommation.
Avec la fin du crédit-auto, l'on s'attend désormais à une baisse d'au
moins 20 % des importations de véhicules. Le marché qui semblait sûr ne l'est
plus.
Depuis qu'ils ont totalement pris
en 2005 le marché automobile algérien après l'élimination de la filière des
voitures d'occasion (entre 50.000 et 70.000 voitures par an), les
concessionnaires automobiles étaient en territoire conquis.
La mise en place d'une industrie
automobile ou à tous le moins des usines de sous-traitance pouvant fabriquer
des pièces détachées n'était pas à l'ordre du jour. De 2005 à 2009, ces
concessionnaires ont beaucoup vendu sans contrepartie productive. L'avènement
du crédit-auto a littéralement boosté le nombre des acheteurs en poussant une
partie des classes moyennes à investir dans l'achat de véhicules.
Il faut préciser que si les concessionnaires - et l'on pense aux grands
constructeurs - n'ont pas songé à aller vers la production, c'est que l'Etat
algérien ne semblait guère intéressé. Les autorités algériennes, si libérales à
l'époque du baril à haut prix, n'ont guère exigé de contrepartie à l'accession
à un marché automobile algérien de près de 4 milliards de dollars par an.
Le modèle «Aabar» en attendant la brèche...
La chute du prix du pétrole et
l'explosion des importations a conduit le gouvernement à prendre des mesures
drastiques et il a signifié qu'il n'entend pas revenir sur ces décisions. Si
les concessionnaires commencent à parler «d'industrie automobile» et des
conditions à réunir pour la mettre en place, c'est qu'ils semblent avoir estimé
qu'il n'y a pas de retour en arrière possible.
Au contraire, les actes du
gouvernement ont tendance à les conforter dans l'idée que l'Algérie est en
train de multiplier les «barrages» pour brider les importations. Ainsi, outre
les dispositions de la Loi de finances complémentaire, les concessionnaires
voient dans la décision du gouvernement d'interdire le déchargement des
automobiles au port d'Alger à partir du 1er octobre comme un autre obstacle.
Les concessionnaires ne contestent pas au fond l'idée de transférer le déchargement
des véhicules vers d'autres ports, comme DjenDjen et Ghazaouet, mais ils
considèrent le délai fixé comme rédhibitoire.
Si le gouvernement maintient le
transfert à la date fixée, avertissent les concessionnaires, l'activité va se
retrouver en berne avec une incidence forte sur l'emploi.
Ces séries de «barrages», qui
s'élèvent, montrent que le gouvernement après des années de laisser-aller a
décidé de mettre les concessionnaires sous pression. La conclusion le 10 août
dernier d'un accord avec le fonds d'investissement public d'Abou Dhabi, Aabar
et cinq firmes allemandes, pour produire en Algérie 10.000 véhicules par an,
est clairement la «voie» souhaitée par le gouvernement algérien. Même si 10.000
véhicules par an, dont une partie destinée à l'armée, n'est pas négligeable, la
vraie «brèche» serait qu'un grand constructeur s'installe résolument en
Algérie. Pour l'instant, il n'y a que des rumeurs...
Annonce publicitaire ?
L'Association des
concessionnaires automobiles algériens (AC2A) anticipe peut-être en annonçant
vouloir soumettre, aux pouvoirs publics, une étude sur les perspectives
d'implantation en Algérie d'une industrie de fabrication de véhicules
touristiques. Selon le président d'AC2A, Mohamed Bairi, le contenu de l'étude,
qui a abordé les «conditions nécessaires» à l'avènement d'une telle industrie
en Algérie, a été transmis aux maisons mères des différentes marques présentes
sur le marché. Le président de l'Association des concessionnaires développe un
discours nouveau en estimant que le marché national automobile (4 milliards de
dollars par an) «pourrait être réorienté vers la production locale à la faveur
de plusieurs facteurs, particulièrement une demande soutenue par la croissance
économique du pays et les besoins en parc roulant et matériels de travaux
publics». Selon lui, c'est l'absence d'un tissu industriel de sous-traitance
qui explique que cette réorientation n'a pas eu lieu. «Le développement de
l'activité de sous-traitance automobile en Algérie permettra, en outre, de
mettre en place un cycle formel de fabrication de pièces de rechange qui
contribuera à limiter davantage la contrefaçon dans ce domaine». Pour lui, le
gouvernement peut soutenir une telle industrie en mettant en place un régime
incitatif préférentiel avec levée de la taxe sur les véhicules neufs fabriqués
localement et en facilitant l'accès au foncier au profit de ces constructeurs.
Ces idées en l'air suscitent pour l'instant du scepticisme. La mise en place
d'une industrie automobile ne se décrète pas. C'est une affaire sérieuse qui
implique une approche rigoureuse impliquant plusieurs filières industrielles et
de services. «C'est de l'annonce publicitaire», estime un économiste.
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Posté Le : 09/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M S
Source : www.lequotidien-oran.com