Algérie

Le gouvernement hausse le ton



Comme attendu, les grandes lignes de la restructuration en profondeur du montage automobile viennent d'être rendues publiques par le ministre de l'Industrie samedi dernier. De nouvelles décisions qui ne manqueront pas de mettre de l'ordre dans un secteur qui a été plutôt livré à la prédation tous azimuts.Ce qui n'était que constat et appréciations d'expert est aujourd'hui des mesures vigoureuses annoncées dans le cadre d'un nouveau cahier des charges dont la promulgation est prévue vers la fin de ce mois de mars. Deux dispositions fondamentales auront sans doute un effet filtrant pour le paysage actuel. D'abord la fixation du taux de 30% d'intégration dès l'installation, ensuite, la prise de participation du constructeur dans le capital social et l'investissement de l'ordre de 30%.
Dans un entretien accordé l'APS, le ministre de l'Industrie a ainsi explicité la portée de cette nouvelle réglementation en précisant que «30% des intrants doivent être locaux» à l'exclusion des annexes à la production qui ne sauraient être comptabilisées, comme c'était le cas dans l'ancien cahier des charges qui laissait le loisir aux investisseurs d'intégrer des paramètres aussi insensés que les coûts d'investissement, les charges du personnel, les achats locaux, etc. Précisant encore davantage la signification de cette mesure, le ministre affirme que «30% d'intrants locaux est un taux quasiment impossible sauf si on construit la carrosserie localement».
L'emboutissage, un nouveau cap
Ainsi, l'exigence des autorités algériennes a franchi un nouveau cap avec cette obligation faite désormais aux investisseurs de disposer, dès le départ, d'une unité d'emboutissage, nécessitant un investissement de 250 millions de dollars au minimum pour une production annuelle de 200 000 coques. Une étape déterminante pour le reste des opérations de montage d'autant qu'une production locale d'acier est disponible pour l'industrie automobile.
La seconde mesure annoncée par Ferhat Aït Ali Braham concerne l'implication financière du constructeur qui est d'ores et déjà fixée soit à 100%, soit à une participation minimale de 30%. Cette implication doit toucher aussi bien le capital social que les parts d'investissement. Il en est de même pour la composante des effectifs employés où il serait exigé qu'en «dehors des cadres dirigeants, le reste de la main-d'?uvre de l'usine devra être essentiellement locale».
A propos des unités d'assemblage existantes, le ministre de l'Industrie a réitéré sa position exprimée lors de son passage dans une émission économique à la télévision publique, en déclarant qu'«on va supprimer les avantages douaniers, maintenant celui qui veut continuer à importer les kits, il pourra le faire en s'acquittant des droits de douane destinés aux produits finis».
Quel financement pour le SKD '
Ferhat Aït Ali ne précise toutefois pas les modalités de financement de ces éventuelles opérations d'importation. Les opérateurs continueront-ils à puiser dans les réserves en devises de l'Etat ou seront-ils contraints de les régler à partir de fonds propres ' A cela s'ajoute un régime douanier favorable pour les importations d'origine européenne avec un taux douanier de l'ordre de 2,5% alors que pour les reste, notamment asiatique, le taux est de 12%. Le ministre a, dans ce cadre, signalé qu'en prévision du démantèlement tarifaire prévu dès septembre prochain dans l'accord d'association Algérie/Union européenne, une nouvelle taxe locale sera instaurée pour réduire ce type d'importation.
Le responsable du département de l'industrie n'a pas manqué de rappeler que cette pseudo-industrie automobile a «permis de surfacturer des importations, de transférer la devise vers l'étranger et de vendre dans un free-shop avec des droits et taxes insignifiants».
Le diesel de nouveau interdit
Sujet à multiples contradictions, l'importation des véhicules de moins de 3 ans a été abordée par le ministre avec cette nouvelle décision, « l'interdiction des moteurs diesel », contrairement à la mouture modifiée et adoptée par les deux Chambres et intégrée dans la loi de finances 2020. Une décision salutaire amplement justifiée par l'inadaptation des diesel de nouvelle génération avec la qualité du carburant local et le défaut d'extension de garantie constructeur au profit des futurs clients algériens ainsi que les nouvelles orientations internationales visant la préservation de l'environnement.
Ceci étant, ces nouvelles mesures encadrant l'activité de montage de véhicules en Algérie ont le mérite de préciser clairement les conditions d'investissement dans le domaine. Le bricolage, appelé SKD, semble voué à une disparition certaine en laissant la place à une implication bien plus franche de la part des constructeurs intéressés par le marché algérien. Quels seront les groupes internationaux à vouloir débourser 250 millions de dollars pour venir investir dans un marché à la réputation d'instabilité réglementaire bien établie ' L'Etat algérien serait-il maintenant disposé à offrir les meilleures conditions pour l'accueil des investisseurs potentiels, assiette foncière, zones franches, guichet unique débureaucratisé ' Qu'en sera-t-il des engagements publics avec les groupes français notamment ' Quelle configuration pour le marché automobile dans l'immédiat face à une pénurie chronique de véhicules et une demande en hausse '
Autant de questions qui demeurent sans réponses en attendant le nouveau cahier des charges.
B. Bellil


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