Algérie

Le Golfe sous haute tension



Le Golfe sous haute tension
Les habitants de Doha ont dévalisé les supermarchésTout se passe en effet comme si les vraies raisons de la discorde demeurent encore cachées et qu'un épais écran de fumée est venu, pour ainsi dire, brouiller la visibilité des enjeux que connaît la région.Depuis plusieurs jours, le blocus territorial et maritime imposé par l'Arabie saoudite et ses alliés du Conseil de coopération du Golfe (CCG) au Qatar a mis la population de l'Emirat dans une situation préoccupante. Tout est parti de la diffusion par l'agence de presse officielle Qatar News Agency de prises de position du cheikh Tamim al-Thani en faveur des Frères musulmans (FM), du Hamas, du Hezbollah et de l'Iran, rapidement démentis par le chef d'Etat qatari. La crise est loin de s'apaiser malgré de nombreux appels au calme et les mesures coercitives décidées par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, pour ne citer que ceux-là, qui continuent de pleuvoir sur le Qatar accusé de soutenir des organisations terroristes. Une liste de 59 personnes, dont le prêcheur Al Qaradhaoui, a été diffusée par la chaîne de télévision Al Arabiya qui a également présenté 12 «entités» dont cinq qataries et six du Bahreïn. Parmi les noms publiés, on trouve pêle-mêle des qataris, des Libyens et une majorité d'Egyptiens. Et pour cause, le dénominateur commun de ces mis en cause est qu'ils appartiennent tous à la mouvance des Frères musulmans, fondée par l'Egyptien Hassan al Banna, en rupture de ban totale avec le wahhabisme. Doha qualifie le document de texte «sans fondement». Après le Yémen, d'autres pays comme la Mauritanie et les Maldives ont rejoint la coalition saoudienne anti-qatarie. Preuve que cette crise diplomatique et politique n'a pas encore fini de livrer ses véritables mystères. Tout se passe en effet comme si les vraies raisons de la discorde demeurent encore cachées et qu'un épais écran de fumée est venu pour ainsi dire brouiller la visibilité des enjeux que connaît la région. Le différend énergétique est évident, le Qatar partageant avec l'Iran un champ pétrolier et gazier de très grande envergure. Cette situation lui impose des relations particulièrement cordiales avec son puissant voisin chiite et c'est en cela que la «tiédeur» de son engagement aux côtés de la force arabe coalisée au Yémen a pu chagriner les dirigeants saoudiens et émiratis. Or, c'est oublier un peu vite les difficultés qataries lorsqu'il s'agit d'exploiter en commun le plus grand champ gazier au monde, avec une réserve estimée à 25 milliards de mètres cubes quand on dispose, de part et d'autre, d'un seul réservoir. De l'eau dans le gaz est apparu à plusieurs reprises au point de fâcher Téhéran, un peu à l'image de ce qui est arrivé entre l'Irak et le Koweit en 1991. Un test est fortement attendu par les experts internationaux. Oman, mais aussi les Emirats ont besoin du gaz qatari, raison pour laquelle les belligérants n'ont pas décrété le blocus, geste qui aurait signifié la guerre. En faisant monter la pression de façon brutale, les Saoudiens et leurs alliés comptent bien renvoyer le Qatar à ses ambitions de départ, lui qui a gonflé les muscles au cours des 10 dernières années, notamment à l'occasion du Printemps arabe, au point de se rêver l'égal et le rival de l'Arabie saoudite.Celle-ci empêtrée dans les interventions en Irak, en Syrie et au Yémen, voit d'un mauvais oeil grandir les prétentions de l'Emirat à un moment où ses déboires militaires commencent à affecter lourdement ses capacités financières et diplomatiques. De plus, le clivage entre les stratégies du wahhabisme et des Frères musulmans, devenues antagonistes sur bon nombre de terrains tels que l'Egypte, la Libye et la Syrie, a fait le reste. D'où un rappel à l'ordre sans crier gare qui a surpris le monde entier, mais dont la résonance est partie de la visite tapageuse du président américain Donald Trump en Arabie saoudite où des contrats fabuleux ont été conclus. Ce n'est pas par hasard que le même Trump a d'abord twitté sa satisfaction quant aux décisions de Riyadh et de ses alliés visant le Qatar, allant même jusqu'à «espérer» la fin du terrorisme (sic) grâce à ces mesures, avant de se rétracter le lendemain et d'appeler à la retenue et au dialogue (resic). D'autres capitales ont emboîté le pas au président américain, pour des raisons de haute nécessité économique. La Grande-Bretagne et la France ont discrètement offert leurs bons offices pour contenir la crise. Le Koweit, rompu diplomatiquement à la médiation, s'est investi aussitôt dans cette mission de bons offices. L'émir cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah s'est rendu en Arabie, aux Emirats et au Qatar pour appeler à la raison. La réponse a été fort simple. Le Qatar doit «changer de politique» en épousant les thèses saoudiennes sur tous les sujets sensibles qui concernent la région, aussi bien les groupes extrémistes issus de la confrérie des Frères musulmans que l'Iran. Mais la leçon de 2014 ayant été tirée, les coalisés exigent du Qatar «une feuille de route avec des mécanismes clairs». Tous les regards convergent maintenant sur ce que va décider l'émir du Qatar cheikh Tamim dont beaucoup pensent qu'il est sous l'influence de son prédécesseur et père cheikh Hamad ben Khalifa al Thani, qui a imposé le petit Etat sur l'échiquier régional et international et qui a joué un rôle particulièrement actif dans les soulèvements du Printemps arabe.


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