Quand et comment s'est produite la première occupation humaine en Afrique du Nord ? Quels étaient les caractères physiques et anatomiques des premiers humains nord-africains ? Dans quel milieu environnemental et écologique vivaient et évoluaient ces premiers hommes ? Quel était leur mode de vie? De quoi se nourrissaient-ils ? Quelle technologie pratiquaient-ils pour subvenir à leurs besoins? Quelles étaient leurs capacités biologiques et cognitives pour s'adapter aux environnements prévalant en Afrique du Nord il y a plus de 1,8 million d'années?
Il est possible de répondre à ces pertinentes interrogations scientifiques en entreprenant des recherches paléoanthropologiques dans le plus ancien gisement archéologique d'Afrique du Nord : Ain El Hanech en Algérie Orientale.
Le gisement plio-pléistocène d'Ain El-Hanech est situé dans la commune de Guelta Zerga à environ 7 km au nord-ouest de la Ville d'El-Eulma. Il est précisément localisé à la rencontre des longitudes : 3º60', 3º70' Est et des latitudes : 40º20', 40º30' Nord.
Cet important gisement fut découvert en 1947 par le Professeur Camille Arambourg (1885 - 1969) aux cours de ses recherches paléontologiques des dépôts continentaux de la région sétifienne (Arambourg, 1947 et 1949a). Ce gisement a livré des ossements fossiles d'animaux d'âge Pléistocène inférieur associés à une industrie sur galets de type Oldowayen (Arambourg, 1949a & 1947d). La faune comprend les éléphants, équidés, bovidés, suidés, hippopotames et rhinocéros (Arambourg, 1970 & 1979). Les galets taillés consistent en des polyèdres, subsphéroïdes et sphéroïdes analogues à ceux trouvés dans les sites d'Olduvai (Tanzanie) dans les couches datées de 1.8 million d'années (Sahnouni, 1985; 1987; 1993). Ce fut la première fois que des restes archéologiques très anciens étaient découverts associés avec une faune de savane aujourd'hui disparue.
Cependant, ces fouilles anciennes ne pouvaient répondre à la rigueur scientifique et aux normes de documentation archéologique d'aujourd'hui. Par conséquent, plusieurs questions importantes entourant le gisement demeurèrent sans réponses, telles que :
1) l'absence d'un cadre stratigraphique précis,
2) datation des dépôts livrant les témoignages culturels forts anciens,
3) nature de l'association des ossements fossiles avec l'industrie lithique, et
4) la genèse du gisement en rapport avec les activités humaines.
OBJECTIFS DES RECHERCHES
Les recherches qui seront menées à Ain El-Hanech ont des objectives spécifiques et généraux.
Objectifs spécifiques :
Bien que les recherches initiées en 1992 et 1993 ont permis d'établir les cadres chronologique et paléoenvironnemental, d'ample investigations sont fondamentales pour une meilleure compréhension de l'origine et adaptation des premiers hommes du Maghreb. Les objectifs spécifiques pour la continuation des recherches à Ain El-Hanech sont les suivants :
Etendre les fouilles initiées en 1992 pour exposer une plus grande surface et recueillir plus de matériel archéologique
Entreprendre des fouilles aux localités nouvellement identifiées, où des ossements d'éléphant ont été trouvés associés avec les outils lithiques en 1992;
Prospecter et repérer les éléments acheuléens contenus dans les couches de croûtes calcaires;
Initier une étude sur l'utilisation de l'espace par les hominidés d'Ain El-Hanech vue que ce gisement s'apprête à ce type de recherche;
Développer un programme d'Archéologie expérimentale sur l'intelligence des hommes d'Ain El-Hanech à travers la technologie lithique employée, incluant la sélection de la matière première, réplication et utilisation des artefacts;
Etudier les restes fossiles d'animaux pour les reconstitutions paléoécologiques.
Collecter des échantillons pour effectuer des datations paléomagnétiques.
Objectifs généraux :
Les objectifs généraux auront un impact sur l'enseignement, recherche archéologique, patrimoine archéologique national et éducation scientifique du grand public. Ces objectifs sont :
Promouvoir la recherche archéologique et préhistorique dans notre pays;
Développer des recherches paléolithiques modernes en Algérie;
Intégrer les résultats découlant des recherches aux connaissances universelles, sur les origines et évolution de l'homme, acquises dans d'autres régions du monde;
Contribuer dans la formation des archéologues algériens;
Etablir et ancrer les traditions de fouilles archéologiques en Algérie;
Fournir des thèmes de recherche aux étudiants inscrits en post-graduation universitaire;
Vulgarisation de l'information scientifique et archéologique au profit du public algérien;
Enrichir les réserves et vitrines des musées algériens;
APPROCHE
Afin d'atteindre les objectifs mentionnés plus haut, le projet de recherche d'Ain El-Hanech est mené dans un cadre pluridisciplinaire intégrant l'Archéologie et la Préhistoire, Géologie, Géoarchéologie, Paléontologie, Taphonomie, et Géochronologie. La méthodologie suivie est la suivante :
Prospecter systématiquement la zone des recherches en utilisant les techniques du GIS (Geographic Information System) intégrant les photos satellites (Landsat 7), photos aériennes et cartographie;
Effectuer des sondages dans la zone d'Ain El-Hanech et délimiter les dépôts archéologiques;
Fouiller les localités d'Ain El-Hanech, El-Kherba et El-Beidha;
Raffiner l'étude géologique des formations stratigraphiques de la vallée d'Ain Boucherit où sont renfermés les restes archéologiques;
Echantillonner pour les analyses paléomagnétiques et pour d'autres moyens de datations absolues;
Analyser le matériel archéologique recueilli au cours des fouilles dans les laboratoires de l'Institut d'Archéologie de l'Université d'Alger;
Entreprendre l'étude expérimentale en explorant: a) la nature des technologies lithiques, b) les modifications observées sur les surfaces des ossements fossiles et leurs implications taphonomique et sur la nourriture des hominidés, c) les processus de la genèse et la formation du site.
De nouvelles études furent entreprises par notre équipe de recherche dans cet important site archéologique au cours de l'été de 1992-1993 et 1998-1999 (Sahnouni et al., 1993; Sahnouni et al., 1996; Sahnouni, 1998; Sahnouni & Heinzelin, 1998 ; Sahnouni et al., 2001 ; 2002). Ces travaux ont permis de :
1. Délimiter et dater les dépôts archéologiques;
2. Fouiller deux localités archéologiques distinctes: Ain El-Hanech (partie adjacente à la tranchée d'Arambourg) et El-Kherba situé à 300 m du site originel, où un riche matériel archéologique (restes fossiles et lithiques) fut découvert;
3. Etudier la genèse et formation du site;
4. Entreprendre une analyse holistique des assemblages lithiques oldowayens.
RESULTATS PRELIMINAIRES
Les résultats préliminaires dégagés de ces nouveaux travaux sont :
1. Le gisement d'Ain El-Hanech, est le plus ancien site archéologique actuellement connu d'Afrique du Nord, illustrant l'expansion des hominidés vers le Maghreb plus tôt qu'on ne le pensait, soit vers 1,8 million d'années;
2. Sur le plan des paléoenvironnements, la région du site reflète un milieu de plaine alluviale et de savane ouverte avec une végétation de type C-3 analogue à celle qui prévaut actuellement en région méditerranéenne;
3. Les résultats préliminaires indiquent que le site témoigne d'occupations saisonnières des hominidés sur les bords d'une rivière probablement pour acquérir de la subsistance. De tels emplacements fournissaient la matière première en forme de galets calcaires et nodules de silex pour manufacturer des outils et la biomasse pour acquérir la nourriture.
4. Les restes archéologiques recueillis sont appropriés pour l'étude du comportement et le mode de vie des anciens hominidés ayant existé à Ain El-Hanech.
5. Les bifaces acheuléens ne sont pas associés avec le matériel très ancien, plutôt ils représentent une occupation anthropique postérieure, témoignant ainsi de la présence humaine constante durant la Préhistoire dans cette région.
Posté Le : 11/12/2007
Posté par : nassima-v
Source : www.setif.com