Algérie

«Le genou d'Ahed»



Une petite digression, pour commencer, pour clore en beauté la mandature du festival d'Annaba du film méditerranéen, il avait été question d'inviter la jeune icône de la Résistance palestinienne, Ahed Tamimi. Les contacts étaient permanents avec Ahed et ses parents. Une seule demande, en guise de contrepartie du côté d'Ahed Tamimi, rencontrer la gloire nationale Djamila Bouhired!...Et c'est jusqu'à cette rencontre qui n'a pu avoir lieu en Algérie, que les réminiscences remontèrent dès que la frêle image de cette gamine, haute comme trois pommes, houspillant un soldat israélien et puis quelques années après giflant un autre «Rambo» de l'armée israélienne, la menaçant du bout de son fusil. «Il aurait fallu lui tirer dans le genou afin de la rendre handicapée à vie et l'assignerait ainsi à résidence», avait balancé un député de la Knesset. Et à Nadav Lapid de s'en saisir en imaginant que la criminelle recommandation du parlementaire sioniste ait trouvé une oreille.
Apparaît sur l'écran, un genou transpercé par une balle et dont la cicatrisation ne semble pas être en bonne voie.
«Et si la géographie du monde était dans le genou d'une jeune femme que quelqu'un veut faire disparaître'», comme le suggérait un critique...
Et c'est sans génuflexion aucune, bien au contraire que la bête noire des politiciens israéliens et à leur tête la ministre de la Culture au racisme envers les Palestiniens est affiché de la manière la plus officielle, entame son récit. Un brûlot filmé dans une urgence technique (18 jours de tournage), que politique, «au lance-flammes»...
Le prétexte, une invitation à venir présenter son précédent travail dans un lieudit perdu dans un endroit aussi désolé que peu peuplé. Sur place, sur le tarmac d'arrivée, en fait son héros Y, entamera une conversation avec la préposée à la bibliothèque, où doit avoir lieu la projection, qui va tourner en véritable procès en règle, avec des arguments que ne semble pas désavouer la fonctionnaire, malgré son devoir de réserve. Dans son précédent film «Synonymes» (Ours d'or-Berlinale 2019), le réalisateur donnait des nouvelles de sa énorme colère à travers l'histoire d'un ex-soldat israélien réfugié à Paris où il prend la résolution de ne plus prononcer un seul mot en hébreu en tentant d'apprendre le maximum de mots contenus dans un dictionnaire!
Dans «Le genou d'Ahed» le dégoût est encore là, mais plus grand. Il est question de noirs desseins, comme celui de faire disparaître une identité palestinienne d'une réalité que la géographie a gravée dans la pierre de cette terre de toutes les croyances. «Je voulais enfoncer le visage humain dans son propre vomi, pour ensuite le forcer à se regarder dans la glace», confie Lapid.
Plus explicite, le cinéaste se soulagera la bile d'un trop-plein, peu de temps auparavant: «Après avoir été une bête de compétition sioniste et un militaire d'exception, à 22 ans, comme Jeanne d'Arc, j'ai entendu une voix divine qui me disait ´´Barre-toi´´ pour me sauver du destin israélien. La France, dont je fantasmais depuis l'enfance l'histoire et la culture, était pour moi une terre de rédemption, de possible renaissance. (...) J'étais bouleversé par Waterloo et par Zidane, je tombai amoureux de la langue, chaque expression, aussi banale que ´´Dis donc´´, me semblait géniale». C'est en France que j'ai compris que je voulais faire des films. J'en suis revenu, bien sûr, car je pense toujours le monde depuis Israël. Mais le pays devient, hélas, inhabitable».
Dans «Le genou d'Ahed», le héros tourmenté, pense à cette phrase de sa mère ´´À la fin, c'est la géographie qui gagne´´.
Et au critique de se demander: «À quel point le cinéaste a le droit de rédiger l'histoire d'un monde qui s'effondre' Lapid a l'intelligence de ne pas répondre à cette question. Son honnêteté est fortement attendrissante: il nous montre un bout de peau qui est en train de se déchirer. Le genou d'Ahed.». Dont acte!


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