A 77 ans, le général-major à la retraite, Mohamed Touati, est remercié par le président Abdelaziz Bouteflika en tant que «conseiller» des questions Défense. «Il ne venait plus au bureau, à El Mouradia, depuis plusieurs mois», assure un cadre de la Présidence.Son départ faisait partie de la dernière fausse purge du président Bouteflika (qui n'a touché que des chefs d'état-major de deux Régions militaires ? des jeunes technocrates, sur proposition de Gaïd Salah ? et quelques conseillers). Avec la mise à la retraite définitive de celui qu'on nomme El Mokh, «Le cerveau», ce départ fait office de symbole. Mohamed Touati, officiellement éclipsé par décret, n'en demeure pas moins une des figures des vingt-cinq dernières années.Eminence grise politique aussi bien dans les cercles militaires qu'à la Présidence, Touati a toujours été soupçonné d'être le cheval de Troie des tenues kaki chez un Bouteflika de plus en plus incontrôlable et, en plus, jaloux des pouvoirs que le malheureux dauphin de Boumediène prêtait, par sa culture soupçonneuse et revancharde, à l'état-major de l'ANP. Cette méfiance entre les deux pôles, l'ANP et la Présidence, n'a eu de cesse d'alimenter rumeurs et coups bas entre ce qui était deux camps, du temps de Mohamed Lamari, l'ombrageux chef d'état-major opposé au Président.L'architecteEt, en 2002, à l'occasion d'un pompeux colloque international sur le terrorisme, les masques sont tombés : Bouteflika boude la rencontre coachée par Touati et Ali Benflis, à l'époque chef de gouvernement «contraint». Alors que le défunt Mohamed Lamari, patron de l'ANP, quelques mois plus tôt, attaquait la politique de Bouteflika en affirmant de sa voix grave que le terrorisme est vaincu et pas l'intégrisme qui s'étale partout, Touati défendait dans sa conférence, lors du colloque d'octobre 2002, l'approche éradicatrice ? lui, un des architectes du coup d'Etat savant de janvier 1992, aux côtés d'une autre tête pensante en uniforme, le très discret général Abdelmadjid Taghrirt, et d'un avocat inconnu à l'époque, Ali Haroun ? alors que le clan présidentiel faisait l'apologie de la réconciliation nationale, projet phare du président Bouteflika.«On veut bien de ce projet, confiait le général Touati à un ami, justement en 2002. Mais cela veut dire quoi ?'réconciliation nationale ' C'est un projet vide, sans programme, sans objectifs, sans sens.» Mais les critiques de l'ancien chef d'état-major de la Gendarmerie dans les années 1980, grand lecteur et fin stratège, ne s'arrêtent pas là. A la revue espagnole Afkar-Ideas, en 2004, il dressait un constat terrible du système politique algérien sous Bouteflika : «Nous sommes dans un ?'non-système plutôt que dans un système bien défini et bien typé. En effet, malgré ce qui se dit, le régime n'est ni dictatorial ni démocratique.Ni présidentiel, ni parlementaire. Nous ne sommes certes pas une monarchie, mais sommes-nous tout à fait une république pour autant '» Le cadre de la Présidence reste amer : «Il critique, d'accord, mais pourquoi n'a-t-il pas été aussi radical que Lamari qui a demandé à partir une fois Bouteflika réélu en 2004 ' Il n'a pas réellement travaillé comme conseiller : Bouteflika et lui se connaissent trop, Touati aurait préféré avoir affaire à un chef d'Etat manipulable, mais Bouteflika n'est pas Chadli ni ? en perspective ? un Sellal ou un Ouyahia.»La fin d'une époqueMohamed Touati, ce natif de la «Kabylie maritime», qui a joué le jeu du Pouvoir et des pouvoirs, de la crise de juin 1991 contre Hamrouche lors des événements de Kabylie de 2001 en passant par ses passes d'armes avec Belaïd Abdessalam sur les choix macro-économiques nationaux en pleine «guerre totale» contre le terrorisme, reste donc un symbole de ce consensus né juste après le cataclysme de l'assassinat de Boudiaf en 1992, il est le substrat de l'arbitrage discret de l'ANP, de ses cadres actifs ou retraités.Ce n'est pas par hasard qu'il siège dans le directoire de la conférence de dialogue national de 1994, puis aux côtés de Bensalah et de Boughazi lors des premières et infructueuses consultations sur la réforme constitutionnelle de 2011, enterrées par Bouteflika. «En fait, c'est le dernier janviériste, exception faite du général de corps d'armée, patron du DRS (alias le ?'général Toufik ), bien qu'on ait jamais attesté que Mediène soit un janviériste ou pas, un opposant ou pas à Bouteflika d'ailleurs, nuance un ancien gradé de l'armée. Le départ de Touati est le signe de la fin d'une époque. Là, on est passé de l'idéologie à la puissance du fric du clan présidentiel».Que fera cet archonte polémarque de sa retraite ' «Il s'occupera de ses affaires immobilières», lance, hostile, le cadre de la Présidence. «Il continuera à mener sa vie sociale, entre mariages et enterrements, de la lecture dans son appartement-bibliothèque au centre d'Alger», confie un proche. Des mémoires en perspective ' «Non, je préfère lire celle des autres», nous avait répondu Mohamed Touati lors d'un enterrement justement.
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Posté Le : 05/09/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Adlène Meddi
Source : www.elwatan.com