Aux dernières
nouvelles la mise à prix d'une voix tourne autour de 30 Millions de Centimes et
les premières arrhes sont d'ors et déjà versées alors que la courbe n'est
parait-il qu'au début de son ascension. Les prémices d'une grande nouba se
précisent chaque jour un peu plus et rien ne laisse présager un quelconque
fléchissement dans les semaines qui nous séparent de l'échéance. Au contraire
tout indique que les élections restreintes du renouvellement d'une partie du
Sénat nous réservent des situations qu'on n'aurait jamais imaginées, même dans
les rêves les plus fous. Pour les initiés, nous venons juste d'allumer la
bougie du préchauffage de la mécanique, qui inaugure en général la phase de
prospection des espaces de manœuvres avec le recensement des moyens disponibles
et des ressources mobilisables de chaque candidat potentiel avant d'établir le
plan de bataille. Les tractatations vont bon train et les longues veillées du
Ramadhan et les bousboussades de l'Aïd el Fetr ont été opportunément consacrées
à tisser des réseaux d'alliances et de stimuler les atavismes encore assoupis
pour consolider les points forts de la stratégie de lancement.
L'effervescence
est tellement passionnée dans les différents états-majors de campagne que cette
échéance électorale semble enjamber sans aucune discrétion toutes les
conventions d'usage et se transformer ouvertement en une grosse affaire
commerciale soumise aux règles impitoyables du marché. Pour une caste bien
déterminée, qui a le mérite de ne plus cacher son jeu, c'est l'ouverture de la
chasse. Même les faux-semblants de démocratisation avec laquelle on habillait
traditionnellement l'évènement ont été abandonnés. Trêve d'hypocrisie, pourquoi
s'encombrer de mises en scènes surannées qui n'arrivent plus à convaincre
personne.
Le champ d'action est vraiment balisé pour
les parties en présence : les grosses fortunes d'un coté dans le rôle de
chasseur, et de l'autre le gibier constitué par les élus des Assemblées dites
autrefois populaires proposant leurs charmes au plus offrant. Quant au
troisième larron au nom duquel tout ce cirque est planté mais que personne n'a
invité, en l'occurrence le peuple ; ce dernier s'en fout comme de l'an
quatorze, tellement ce carnaval se trouve à des années lumières de ses
préoccupations. Combien elle est loin leur planète !
Les soubresauts de ce qui subsiste d'une
classe moyenne laminée par la paupérisation sont si peu perceptibles qu'elle se
trouve dédaigneusement écartée de ce challenge. Cette fois il suffit d'observer
la tendance générale impulsée à cette opération dés son amorce pour se
convaincre que les chances de nos cadres et intellectuels sont vraiment
dérisoires de participer aux joutes futures. La mise est hors de portée et la
barre est cyniquement placée trop haut pour tuer dans l'Å“uf toute velléité de
traverser le rubicond et rejoindre le groupe des favoris. On ne se présente pas
pour concrétiser un programme électoral suscitant l'adhésion des citoyens grâce
à sa pertinence, la principale motivation obéit manifestement à un souci
d‘enrichissement personnel rapide et l'acquisition de puissance pour conforter
un statut social permettant d'évoluer dans les hautes sphères. En conséquence
pour s'embarquer il faut avoir les reins bien solides ! C'est un lieu commun de
dire que les élections tendent à devenir une chasse gardée réservée aux
nouvelles oligarchies qui commencent à étendre leur influence à tous les
rouages de la société. Pour respecter quelques convenances on trouvera peut
être parmi les postulants quelques « docteurs ou professeur » On s'apercevra
cependant assez rapidement que dans neuf cas sur dix ce sont uniquement des
titres de fonction qu'ils n'ont jamais exercée et qui servent juste à
satisfaire certaines formalités administratives ou à illustrer de faux CV.
Quelques-uns uns,
piaffant d'impatience de se retrouver sous les lambris dorés du palais Zighout
n'hésitent plus à afficher ostensiblement leurs ambitions et n'éprouvent aucun
scrupule à déclarer combien ils sont décidés à mettre le paquet necessaire. Le
recours à n'importe quelle combine, aussi condamnable soit-elle, pour atteindre
leurs objectifs ne les gênerait pas outre mesure.
La presse nationale rapporte que quelqu'un
annonce à qui veut bien l'entendre qu'il met déjà en jeu la bagatelle de trois
milliards pour «acheter» un siège. Aussitôt certains de ses congénères en
apprenant cette nouvelle, se sont sentis offusqués par la… modicité de cette
somme et crient à la clochardisation du sénat et à son bradage. Devant
l'étonnement général, l'un d'eux précisa les raisons de leur indignation en
regrettant que c'est quand même une honte pour le pays si des «bergers»avec une
somme aussi insignifiante osent…se présenter aux élections de la chambre haute
!
Tous les facteurs qui pouvaient dans le temps
influer sur le cours des évènements sont devenus obsolètes.
Exit la discipline
partisane et autre casquette, les chances de figurer sur la liste en pole
position sont directement proportionnelles au poids du sachet noir en dehors de
toute autre considération. Les boursicoteurs des marchés à bestiaux, très au
courant de la cotation en bourse du mouton prédisent un avantage indiscutable
aux gens de la terre, notamment les gros éleveurs dopés par les premières
pluies automnales en cette année de grâce. Les gens bien introduits dans ce
monde interlope n'hésitent pas à parier que notre auguste assemblée aura cette
fois une coloration paysanne avec une franche teneur de zaouisme new look. Nul
ne peut ignorer que cette dernière a le vent en poupe et il n'est pas loin le
jour ou le fait de mentionner sur sa carte de visite son appartenance zaouyale
serait le must des distinctions et mieux apprécié que d'être le lauréat des
meilleures universités. Dans cette société où la bigoterie, comme une herbe folle,
est en train de s'incruster dans le moindre de nos comportements, les anciennes
valeurs et les références classiques ont beaucoup perdu de leur déterminisme.
Etre bardé de diplômes ou détenir une attestation de baroudeur de première
heure longue comme le bras sont tombés en disgrâce à moins d'un miracle qui les
réintroduirait dans la cotation nationale. Tout semble se diluer devant le veau
d'or et un mode d'organisation sociale archaïque remis curieusement au gout du
jour. Les contours du paysage politique se précisent et les deux plus
puissantes sources de parrainage à l'heure actuelle, qui se confondent souvent
dans des alliances d'intérêt, ont déjà lancé leur campagne de casting pour
désigner leurs compétiteurs. Les grands sponsors des élections prévues sont
donc déjà en ordre de bataille et le parcours du candidat commencera sans aucun
doute par la prestation du serment d'allégeance avant d'être admis dans l'arène
où les gladiateurs s'affronteront à coup de bank notes sous l'Å“il connaisseur
des magnats de la finance et la baraka des différentes confréries.
Pour ne pas trop heurter les us
bureaucratiques du pays on s'inscrira sous telle chapelle partisane ou en
indépendant. Les conditions d'éligibilité telles que la compétence, la moralité
et autres qualités éculées sont vraiment facultatives et n'ont aucune
incidence.
Qui aura
l'autorité nécessaire pour rappeler que ce genre de perversion n'est pas hallal
et qu'il contribue à la désagrégation du tissu social en creusant des gouffres
infranchissables entre les différentes strates de la société? Que devient le
crédit de l'état et de tout le pays lorsque ce spectacle se déroule au grand
jour comme pour narguer d'avantage les citoyens qui s'accrochent encore
naïvement aux lambeaux du légalisme ? Se demander par la suite quelles sont les
raisons de notre marasme relève de la cécité et de la mauvaise foi.
Pour des générations éduquées dans
l'égalitarisme prôné par l'école et la mosquée rien ne justifie ces
scandaleuses disparités et encore moins l'impunité dont jouissent certains pour
se permettre cette arrogance Qui pourra, dans ces conditions, réconcilier
l'Algérien lambda plongé dans les affres de la précarité alors qu'il trime
comme un forcené, lorsqu'il a la chance de trouver un boulot, avec celui qui
touche un salaire faramineux pour lever machinalement le bras trois ou quatre
fois par an parce qu'il a eu les moyens de décrocher ce statut prestigieux en
usant de ces méthodes sulfureuses. Que reste-t-il de commun entre les deux à
part le carton de la Carte Nationale d'identité ? Non milliardaire, s'abstenir
!
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Posté Le : 24/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Amara Khaldi
Source : www.lequotidien-oran.com