Aucune frontière
algérienne n'est stable. Inquiétant.
Et c'est reparti.
Cette fois-ci, cela se passe au Mali, où un nouveau foyer de tension vient
d'être relancé. A en croire les informations en provenance de la région, il
serait même trop tard pour prévenir l'explosion. Il ne resterait plus qu'à
tenter d'en limiter l'impact, à en amortir le choc avant de tenter de recoller
les morceaux.
L'engrenage s'est
mis en place depuis des mois, à la suite de la rupture des équilibres que le
régime de Maammar Kadhafi avait établis dans le
Sahel. Des Touaregs, alliés au dirigeant libyen, avaient regagné leurs pays
d'origine après sa chute, provoquant une déstabilisation de ces pays déjà
fragiles. Le Mali et le Niger, qui comptent parmi les pays les plus pauvres au
monde, n'avaient pas la capacité de recevoir ces migrants, d'autant plus que
ceux-ci constituaient désormais une charge alors que jusque-là, ils
constituaient une source de revenus pour le pays et pour leurs familles et
tribus.
Dans un
environnement difficile, où se côtoient pauvreté, militants de la liberté,
terroristes, officines, contrebandiers, bandits de grand chemin et agents
doubles, il est extrêmement difficile de maintenir la paix. Le moindre prétexte
peut servir de détonateur pour embraser une vaste région, et déborder
inévitablement en Algérie. C'était une simple question de temps.
Pour l'heure, la
crise semble née d'un scénario terriblement banal. Des groupes armés, se
réclamant du Mouvement National de Libération de l'Azawed,
ont lancé, à la mi-janvier, des opérations contre les forces gouvernementales
dans plusieurs localités du nord du pays, rompant ainsi la trêve en vigueur
depuis 2009. Dans la foulée, d'autres localités étaient attaquées dans les
jours qui ont suivi.
Les autorités
maliennes ont encaissé le premier choc, et attendu plusieurs jours avant de
lancer une contre-offensive, apparemment pour évaluer les forces de leurs
adversaires. L'opération de reconquête a eu lieu, elle aussi, selon un schéma
terriblement banal : opération de contre-guérilla,
fouilles, violence, répression, et, probablement, règlements de comptes,
représailles, tortures et violations des Droits de l'Homme, dénoncées avec
virulence par le Mouvement de Libération de l'Azawed.
L'engrenage s'est
ainsi mis en place, en quelques semaines. C'était suffisant pour déclencher un
mouvement migratoire des populations vulnérables, traditionnelles victimes des
guerres civiles. Des milliers de personnes ont ainsi fui vers le Niger, le
Burkina-Faso, le Sénégal, la
Mauritanie et l'Algérie. Et cela donne évidemment lieu aux
scènes les plus tragiques, avec ces familles dénuées de tout, arrivant à bout
de forces dans des camps de réfugiés ou, pire, agonisant dans le désert.
Ce volet humanitaire,
dramatique, est aggravé par l'absence de perspectives pour apaiser la
situation. Bien au contraire, tout indique que ce qui se passe au Mali peut,
cette fois-ci, constituer le début de quelque chose de beaucoup plus grave que
les crises antérieures. Les choses y sont tellement imbriquées que plus rien
n'est désormais exclu. Cela peut aller de grossières manipulations, à des
jonctions entre mouvements touareg, mouvements
terroristes, grande criminalité et «ingérence humanitaire».
Pour l'Algérie,
le résultat sera lourd à porter. D'ores et déjà, un constat s'impose : le pays
est littéralement encerclé, avec la crise du Sahara Occidental et la frontière
marocaine fermée à l'ouest, une Libye en ébullition à l'est, des troubles à la
frontière sud, des pressions de toutes sortes venant du nord, et un front
interne en effervescence. Rien ne sera épargné à l'Algérie.
Cette complexité
des problèmes est affrontée par un vide terrifiant, car l'Algérie ne dispose
pas des institutions ni des instruments nécessaires pour faire face. Le pays se
contente de répondre au coup par coup, en essayant de limiter les dégâts. Il
subit les évènements, sans réussir à anticiper. Il pare les coups, résiste tant
qu'il peut, mais finit par céder car il n'est pas en mesure d'imposer ses
choix. La crise libyenne a bien révélé cette situation : l'Algérie a fini par
traiter avec le CNT alors qu'en d'autres temps, il aurait appartenu à l'Algérie
d'imposer son CNT.
De la Libye au Mali, c'est donc
toute la frontière saharienne de l'Algérie qui est entrée en zone de
turbulence. Une situation de crise partout, qui s'installe dans la durée, alors
que pour l'Algérie, il est impossible d'attendre que les choses se décantent
d'elles-mêmes. Il y a deux risques majeurs. Le premier, c'est de voir la
situation déraper, et échapper à tout contrôle. Le second, c'est de voir
d'autres puissances imposer leurs solutions. Les deux risques ne sont
d'ailleurs pas exclusifs l'un de l'autre : les crises libyenne et syrienne ont
montré que le chaos peut être le prélude, ou le préalable, à un changement du
rapport de forces pour imposer un ordre nouveau.
L'Algérie a
besoin d'un sursaut, pour définir une politique, et la mettre à l'Å“uvre. Ce
sursaut est-il possible ?
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Posté Le : 09/02/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com