Algérie

Le front du refus s'élargit



Ala traditionnelle opposition, s'ajoutent des personnalités politiques, dont la quasi-totalité est issue pourtant des entrailles du régime et qui ont occupé de hautes fonctions au sommet de l'Etat. La démarche du pouvoir prônant des «consultations politiques» avec les différentes forces politiques et sociales représentatives semble promise à  un échec certain. Si, toutefois, il est tenté de croire à  une réelle volonté chez les décideurs d'opérer un changement à  la mesure de celui revendiqué par la société. Il est difficile de ne pas voir dans l'initiative du pouvoir une volonté d'exclure l'opposition, quand bien même la démarche est parée d'intentions de rassemblement. L'opposition politique a toutes les raisons de douter de la conviction des décideurs d'engager le pays sur la voie démocratique, dès lors qu'aucune mesure permettant d'instaurer un climat de sérénité et de confiance n'est prise. Les promesses d'ouverture des champs politique et médiatique sont vite contredites par une pratique politique caractérisée par la répression policière des mouvements sociaux et l'arrogance à  l'égard de toutes les voix discordantes. Le régime et ses relais politiques s'installent dans une schizophrénie qui consiste à  àªtre le pouvoir et l'opposition à  la fois. Il s'offre ses propres contradicteurs. C'est le pouvoir qui dialogue avec lui-même. Les propositions du général à  la retraite, Khaled Nezzar, et celles de l'actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia, sont à  ce titre emblématiques d'un dialogue auquel ne sont conviés que ceux ne remettant pas fondamentalement en cause la nature du pouvoir.
Tout le monde sait que le pouvoir lui-même est loin d'être uniforme. Les consultations politiques en cours risquent d'être réduites à  un réajustement des équilibres internes des différentes factions du pouvoir sur le dos de la société et de ses revendications démocratiques. Le pouvoir impose la démarche, fixe les conditions et décide d'avance des objectifs à  atteindre. De ce fait, il y a peu de crédit à  voir aboutir ces consultations étriquées, dont les acteurs semblent ne représenter que des forces de l'ombre loin de tout ancrage dans la société. Pour Abdeslam Ali Rachedi, un des initiateurs du «manifeste pour des droits et des libertés», ces consultations politiques «ne sont qu'un leurre destiné à  gagner du temps et à  tenter de convaincre la communauté internationale que le régime est sur la voie de la démocratisation. Le pouvoir est de mauvaise foi, car il sait très bien que le changement passe par des révisions déchirantes. Le changement ne nécessite pas de nouveaux textes, comme il tente de le faire croire, mais l'abrogation des dispositions liberticides sur lesquelles repose le pouvoir ainsi que le changement des pratiques politiques qui ne pourra se concrétiser que par le départ de l'ensemble des dirigeants et de leurs sous-traitants». Cependant, il serait naïf de croire qu'un régime, de surcroît autoritaire, pourrait céder une parcelle de son pouvoir ou courir le risque de sa disparition sans que les forces politiques d'opposition ne créent les conditions nécessaires à  la décadence de ce régime politique putride et de permettre ainsi l'avènement d'une à¨re nouvelle. C'est là tout le défi que doit relever l'opposition politique. Mais, force est de constater que l'opposition est minée par des tiraillements qui rendent difficile toute tentative de s'organiser autour d'un contrat politique pour le changement. Certes, la vie politique est plombée par le fait d'un pouvoir hostile, mais ça ne saurait cacher les limites des forces politiques qui n'arrivent toujours pas à  se défaire «des rancœurs du passé». La société a eu à  constater cet état de fait à  l'occasion des évènements de janvier dernier. De nombreuses initiatives politiques ont butté sur des clivages pourtant surmontables. La CNCD n'a pas fait long feu et le congrès de l'opposition auquel a appelé Djamel Zenati ne semble pas emballer l'opposition. «La mobilisation par le bas qui doit rencontrer l'expression d'une disponibilité par le haut» qu'a préconisée M. Zenati n'est pas pour l'heure et ce n'est sans doute pas de la responsabilité exclusive du pouvoir. Il est cependant de la responsabilité historique de l'opposition de se hisser à  la hauteur des enjeux et créer un rapport de forces dans la société capable de changer le régime sans passer par des consultations.
 


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