Algérie

LE FRÈRE DU KAMIKAZE DE L'ATTENTAT CONTRE LE PALAIS DU GOUVERNEMENT TEMOIGNE «Mon frère était otage des terroristes»



Le témoignage de Noureddine Boudina, frère de Merouane, l'auteur de l'attentat kamikaze contre le Palais du gouvernement, le 7 avril 2007, a plongé la salle dans un silence total. «Il voulait me dire quelque chose. Mais il ne pouvait pas le faire, en raison de la présence de terroristes. Ils étaient environ une trentaine de personnes armées jusqu'aux dents. Ils se trouvaient à quelques mètres de nous. Une fois la discussion avec Merouane terminée, j'ai quitté précipitamment les lieux.»
Abder Bettache - Alger (Le Soir) - Le procès de l'affaire de l'attentat kamikaze contre le Palais du gouvernement, qui se tient depuis mardi dernier à la cour d'Alger, a connu un moment fort dans la soirée de mercredi dernier. L'audition par le juge Tayeb Hellali, qui, faut-il le noter, a mené le procès d'une manière magistrale, du frère de l'auteur de l'attentat a constitué le principal fait marquant de la fin de la première journée du procès. Non détenu, Noureddine Boudina, frère aîné de Merouane, a fait des révélations fracassantes aux membres du jury du tribunal criminel. En premier lieu, il avouera avoir rencontré son frère à la veille de l'attentat. «Merouane me paraissait perturbé et très nerveux. Il a même éclaté en sanglots », dira Noureddine d'une voix basse. Et de poursuivre : «Tout à fait au départ, j'ai remarqué que mon frère était otage et ne jouissait pas de la liberté de ses mouvements. J'ai senti en lui un désir de vouloir me dire quelque chose, mais il n'a pu le faire.» Il poursuit son témoignage en dressant au président du tribunal criminel le profil de Merouane. «Son enfance était perturbée. C'était un jeune à problèmes. Il consommait de la drogue et des boissons alcoolisées. Il avait été déjà condamné en tant que mineur pour vol. C'était quelqu'un qui était instable. Subitement, il décide de quitter le domicile familial pour s'installer chez son grand-père. Depuis, il a décidé de faire la prière et de se retirer du milieu qu'il a jusque-là fréquenté», dira-t-il. Très attentif au témoignage de Noureddine, le président du tribunal criminel l'invite à poursuivre son témoignage. Dans la salle, c'est un silence religieux qui s'y installe. Tous les regards de l'assistance, y compris les victimes, sont braqués vers Noureddine. Il marque un temps d'arrêt et déclare : «Mon frère était victime au même titre que les autres victimes de cet attentat.» Dans la salle, c'est l'émotion totale. Il poursuit son témoignage : «Quelque temps après, Merouane m'appelle et m'informe qu'il est à Hassi Messaoud pour travailler. Quelques jours après, il me rappelle pour me demander de le rencontrer. C'était le 6 avril 2007, la veille de l'attentat.»
«Il était vêtu d'un kamis»
Rendez-vous pris, Noureddine rencontre son frère Merouane. Le lieu : dans la wilaya de Boumerdès, plus exactement à Tidjelabine, au niveau du marché des véhicules. «Je l'ai rencontré dans un endroit isolé à quelques kilomètres d'une pompe à essence actuellement fermée. On n'était pas seuls. Il y avait deux autres personnes, des terroristes armés de kalachnikovs et portant des tenues afghanes. Mon frère était, quant à lui, vêtu d'un kamis et portait un ruban (chèche) sur la tête». Un certain Hamadouche était là à nous surveiller. Une personne d'un âge avancé. Il était dur avec Merouane. Une manière de lui rappeler qu'il n'est pas libre de ses mouvements. C'était trop fort pour moi. Croyez-moi, je n'ai rien compris surtout lorsque mon frère m'informa qu'une vidéo sera diffusée sur Internet et que je dois la voir. Mon frère était dans une gêne totale. Il voulait me dire quelque chose, mais il n'a pas osé. Il a fini par lâcher, en mimant, qu'une trentaine de terroristes se trouve à quelques mètres du lieu. Dès lors, j'ai quitté précipitamment les lieux du rendez- vous». Le président du tribunal criminel l'interrompe et lui demande : «Pourquoi ne pas avoir informé les services de sécurité et sauver la vie de ton frère et celles de plusieurs autres personnes '» Noureddine ne souffle mot. Il baisse sa tête et lâche : «Oui je devais le faire, mais j'ignorais le plan terroriste mis en place. Mon frère est la première victime de cet attentat.» L'accusé Laâboud, l'un des mis en cause dans cette affaire, considéré comme «témoin» en attendant le verdict de la Cour suprême qui va trancher sur le pourvoi en cassation introduit, était commerçant à Bab El Oued. Lors de son audition, il nia en bloc sa relation avec les autres accusés et revient sur ses déclarations devant la police et le juge instructeur. L'ex-émir du GSPC dans la capitale, Bouderbala Fateh, alias Abou Bassir, a refusé, quant à lui, d'être auditionné en l'absence de son avocat. Il refuse de se présenter à la barre. En somme, à l'exception de Boudina Noureddine, tous les autres accusés ont nié leur implication directe dans l'attentat meurtrier contre le Palais du gouvernement.
L'ambassade du Danemark et le siège de la DGSN ciblés
Les autres faits marquants de ce procès sont également les propos et autres révélations contenus dans l'arrêt de renvoi. Dans ce dernier, il a été indiqué que parmi les cibles potentielles des terroristes d'Aqmi figuraient le siège de la Sûreté nationale et l'ambassade du Danemark. Bouderbala Fateh, «émir» de la région d'Alger, a reconnu lors de l'instruction judiciaire avoir suivi par téléphone l'itinéraire de trois kamikazes qui étaient à bord de véhicules piégés jusqu'à leur arrivée sur les lieux ciblés (Palais du gouvernement, siège de la Sûreté urbaine de Bab Ezzouar et l'ambassade du Danemark), où il leur avait donné l'ordre, selon ses dires, d'actionner leurs ceintures d'explosifs. Selon la même source, «si les terroristes chargés des opérations-suicide du Palais du gouvernement et du commissariat de Bab Ezzouar ont réussi à atteindre leur but, le kamikaze qui se dirigeait vers l'ambassade du Danemark n'a pas pu se faire exploser, et ce, grâce à l'intervention salutaire du policier en faction devant l'ambassade ». Hier, au second jour du procès, le représentant du ministère public avait requis la peine capitale à l'encontre des huit mis en cause, actuellement en détention. S'appuyant sur des articles du code pénal incriminant les actes terroristes et autre appartenance à des organisations criminelles, le procureur de la République a demandé à l'encontre des mis en cause la peine capitale. Il s'agit de Haddouche Karim, Ouzandja Khaled, Slimane Adlane, Laâboudi Sid Ahmed, Maârouf Khaled et Kritous Mourad. Une peine de cinq ans de réclusion criminelle a été requise contre Boudina Noureddine, frère de Merouane pour «non-dénonciation».


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