Algérie

Le frein de l'informel



Le poids de l'informel dans le tissu économique, plus particulièrement dans la sphère commerciale, complique le contrôle des prix et des circuits de distribution, et risque de faire échec à la volonté du gouvernement de criminaliser la spéculation pour protéger le pouvoir d'achat des Algériens.La bataille du pouvoir d'achat a commencé. Outre les instruments fiscaux prévus dans le projet de loi de finances 2022, à savoir la baisse de l'IRG et la hausse du point indiciaire dans la Fonction publique, dont l'objectif est d'augmenter les salaires des travailleurs, le chef de l'Etat est bien décidé à expérimenter d'autres outils réglementaires pour lutter contre la hausse des prix, dont la criminalisation de la spéculation.
Ainsi, le ministre de la Justice, garde des Sceaux est chargé d'élaborer un projet de loi criminalisant la spéculation avec, comme proposition, d'inclure des peines allant jusqu'à 30 années de prison.
Le "bouclier fiscal et juridique", censé aider à dépasser la crise du pouvoir d'achat, a été ainsi esquissé par le chef de l'Etat lors de la dernière réunion du Conseil des ministres tenue dimanche dernier. Il avait instruit le ministre de la Justice d'élaborer le projet de loi relatif à la lutte contre la spéculation au plus tard à la date de la prochaine réunion du Conseil des ministres.
Passé le nuage qui avait enveloppé le marché pétrolier courant 2020, le gouvernement a été obligé d'inclure dans la loi budgétaire du prochain exercice des mesures concrètes, afin de lutter contre l'érosion du pouvoir d'achat et la hausse des prix. Les mesures sont d'autant plus urgentes que l'inflation augmente tous les mois, alors que les salaires, figés depuis 2012, semblent incapables d'amortir la cherté de la vie.
La question qui se pose désormais est celle de savoir si le coup de pouce fiscal et la criminalisation de la spéculation sont suffisants pour éteindre le feu. De l'avis de Brahim Guendouzi, consultant et économiste, "le problème est dans l'incapacité à maîtriser le secteur informel qui devient omniprésent dans le tissu économique", soulignant que "la spéculation est le corollaire de la désorganisation du circuit de distribution".
Inapplication des dispositifs existants
Après les violentes hausses des prix de 2020 et de cette année, l'inflation a rebondi à 4% en juin dernier, en glissement annuel, alimentée essentiellement par la hausse des prix des produits alimentaires frais et industriels.
Concrètement, ces tensions inflationnistes trouvent leur origine dans plusieurs facteurs, dont la flambée des cours sur les marchés mondiaux et, en interne, dans la dérégulation des marchés et dans l'ampleur de l'informel qui accapare des parts non négligeables des circuits de distribution.
L'omniprésence de l'informel dans le tissu économique et, plus particulièrement, dans la sphère marchande, complique la gestion et le contrôle des prix et des circuits de distribution, alimente les anticipations inflationnistes et affaiblit la courroie de transmission de la politique monétaire.
C'est à ce niveau que le gouvernement compte agir. Il y va avec la certitude que la spéculation, bien ancrée dans les pratiques commerciales, tout comme la profusion d'intermédiaires sur l'ensemble de la chaîne commerciale, est à l'origine directe de la hausse des prix.
Il se fonde dans son action sur l'avis de la Banque centrale selon lequel, la dérégulation des marchés était plutôt à la source directe de la hausse des prix. Selon Brahim Guendouzi, contacté par Liberté, "l'informel profite aussi de l'absence de l'Etat et de l'inapplication des dispositifs de lutte contre la fraude et les délits liés aux pratiques commerciales".
Notre interlocuteur estime que c'est l'application des dispositifs réglementaires déjà existants - censés lutter contre la fraude et autres délits, à l'exemple de l'absence de registre du commerce et de facturation - qui fait défaut.
Et qu'il y a "un risque de s'encombrer avec un autre dispositif, alors qu'il serait plus judicieux d'ouvrir de nouvelles perspectives aux opérateurs, afin de réduire l'ampleur de l'informel en leur permettant de pratiquer leurs activités dans les meilleures conditions d'équité, d'accessibilité et de transparence".

Ali TITOUCHE


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