Le fossé

Encore une fois, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a pris son bâton de pèlerin et s'en est allé porter les bonnes nouvelles dans des régions de l'arrière-pays. La wilaya de Béchar est, cette fois, sa destination. Comme pour les stations précédentes, M. Sellal, accompagné de quelques-uns de ses ministres, procédera, évidemment, au lancement de projets et à la visite de chantiers. Pendant son inspection, le Premier ministre ne manquera pas d'exiger le respect des délais de réalisation des projets et l'offre de toutes les commodités et services à même de garantir au citoyen un cadre de vie agréable. Mais le suivi des programmes de développement n'est pas le seul objectif de la tournée. L'équipe gouvernementale travaille aussi au rétablissement des rapports entre deux strates, deux mondes, celui des gouvernants et celui des gouvernés, que sépare un large fossé creusé par une administration percluse par la bureaucratie, la corruption, les passe-droits' et qui ne fait plus courroie de transmission. La première action pour ressouder les deux sphères se traduit par la rencontre des autorités locales et des représentants de la société civile de la région. Lors de cette réunion, M. Sellal et ses ministres s'efforceront d'expliciter le plus clairement possible la politique du gouvernement et enregistreront toutes les critiques. La question qui demeure est de savoir si le gouvernement saura formuler les réponses à toutes les critiques qu'on peut résumer en fait en une phrase : les régions du Sud se disent abandonnées à leur triste sort par l'Etat qui, pourtant, tire ses richesses de leur sous-sol. Le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, s'est efforcé d'expliquer qu'il n'y a pas déséquilibre entre le nord et le sud du pays. «Les indicateurs économiques dans le sud sont au même niveau que dans le nord du pays, voire meilleurs notamment en matière de scolarisation, de logement et d'électrification [']. La situation en matière d'emploi évolue positivement dans les wilayas du sud», affirmera-t-il, en précisant que le chômage est «un phénomène national». Autrement dit, le Sud est au même niveau que le Nord, et à certains égards, mieux loti. Pourquoi alors ces manifestations de jeunes réclamant plus d'équité ' S'il est vrai qu'il n'y a aucun déséquilibre entre les différentes régions du pays, pourquoi le gouvernement a-t-il donc décidé de mesures spécifiques pour l'emploi dans le Sud et consenti des crédits sans intérêts aux jeunes promoteurs et aux chômeurs de ces régions ' Ce faisant, il crée dès lors le déséquilibre dont il nie l'existence. Subséquemment, à bien y regarder, ces décisions tiennent plus de replâtrages pour parer à l'urgence et rétablir le contact entre gouvernants et gouvernés que d'actions inscrites dans une politique de développement élaborée et réfléchie à court, moyen et long termes, qui engloberait tous les secteurs susceptibles d'offrir des emplois et de produire de la richesse, tels le tourisme et l'agriculture.
H. G.