Algérie

Le foot «pro» n'attire pas les entreprises privées



Seuls deux joueurs évoluant dans le championnat d'Algérie font partie de la sélection des Verts qui a débuté le Mondial ce dimanche. L'avenir passe, entre autres, par le professionnalisme, estime la FAF. L'opération a été lancée dans la précipitation pour être au rendez-vous de la reprise de septembre prochain. Conséquence, les grands groupes privés n'ont pas répondu à cet appel à investissement.

La décision du Premier ministre Ahmed Ouyahia, le 04 mai dernier, d'attribuer un crédit de long terme à taux bonifié de 100 millions de dinars aux clubs de football qui auront choisi de devenir des sociétés pour instaurer le professionnalisme a, depuis, provoqué un rush dans les assemblées générales annuelles. Mais aucun dirigeant des clubs de première et seconde divisions éligibles au professionnalisme n'a pu annoncer, nulle part, l'arrivée d'une grande entreprise privée dans les tours de table de fondateurs qui sont en train de se mettre en place. «Nous devons déposer les statuts des nouvelles SPA auprès de la ligue nationale de football avant le 30 juin prochain. Cela ne nous laisse pas le temps d'ouvrir des négociations sérieuses avec des nouveaux partenaires importants», explique Samir D, «bienfaiteur» d'un club populaire d'Alger.

 En vérité, il n'y a pas eu une grande manifestation d'intérêt du côté des grands groupes privés nationaux. «Cet appel à investissement dans le football est arrivé au mauvais moment. Les entreprises ont d'autres soucis en ce moment avec les effets du Credoc et des autres obstacles administratifs qui retardent les approvisionnements», explique un patron membre du FCE qui a «déjà dépensé dans le football en tant que sponsor».

 Moins de trois ans auparavant, Hyundai Algérie, filiale du groupe Cevital, a anticipé le passage au professionnalisme en prenant la gestion du RC Kouba (Alger), mais l'expérience a tourné court et l'investisseur s'est désengagé.

 De même, l'enseigne montante de la dernière décennie, le groupe Haddad, était à deux doigts de prendre en main la JS Kabylie, après de longues négociations en 2008-2009, mais là, c'est l'assemblée générale du club qui a décliné l'offre. On ne note pas ce genre de grandes manÅ“uvres depuis un mois. Pourtant, avec 100 000 dinars d'aide et un terrain à titre gracieux pour bâtir un centre de préparation pour chaque club, «la pompe a été amorcée enfin par l'Etat», estime Samir D.

Des SPA avec peu de capital

Un scénario se précise dans cette transition vers le professionnalisme voulue dès cette prochaine saison 2010-2011 par le président de la FAF, Mohamed Raouraoua. «Les sociétés vont naître avec peu de capital. Elles vont avoir très vite des difficultés de trésorerie. Au bout d'une saison, maximum deux, elles seront en recherche de nouveaux partenaires. Les anciens dirigeants qui pensent continuer à tenir les clubs en main seront obligés, pour la plupart, de céder la place», pense un commissaire aux comptes algérois qui a eu comme clients plusieurs clubs de football.

 Un président de club a pris un tour d'avance, Abdelhakim Serrar de l'Entente de Sétif, qui annonce un capital de départ de deux milliards de dinars ouvert à des souscripteurs populaires pour la nouvelle SPA «Black and white», «nous pensons même, pourquoi pas, à une ouverture du capital à la Bourse dans deux ou trois ans». Tous les clubs ne peuvent pas prétendre à un tel démarrage dans le professionnalisme. D'autant que le montant de crédit de soutien de l'Etat ne peut pas être utilisé pour acheter de nouveaux joueurs ou payer des factures en suspens. «Il sera consacré uniquement à la construction d'actifs physiques pour les nouvelles sociétés», explique le commissaire aux comptes. L'enthousiasme des dirigeants actuels pourrait refroidir lorsque la FAF publiera le cahier des charges pour octroyer à un club le statut professionnel. Il est question déjà d'avoir un stade de 15 000 places aménagé à des normes plus strictes (sièges séparés, éclairage nocturne…).

Revenus aléatoires

Les besoins de dépenses des SPA du football en cours de constitution vont dépasser de beaucoup ceux du club civil actuel. Les frais incompressibles d'une saison de football sont déjà d'environ 15 milliards de centimes pour un club qui ne participe à aucune compétition arabe ou continentale : salaires, frais de transport, frais d'hébergements et de restauration, frais de siège et d'exploitation, frais d'engagements. Face à cette certitude, que des panneaux floutés. D'abord, personne ne sait vraiment si les nouvelles SPA passées à la commercialité pourront encore bénéficier des subventions publiques actuelles. Elles constituent jusqu'à 80% des revenus d'un club comme l'AS Khroub, maintenu en première division. Ensuite, les ardoises laissées par les clubs civils – plus de trois milliards de centimes dans le cas du MC Alger, récent champion d'Algérie – font problème.

 Enfin et surtout, le business plan d'une SPA du football est difficile à soutenir. Les sponsors comptent chichement, d'autant que l'exposition télévisuelle du championnat d'Algérie est très perfectible. Les revenus de stade sont faibles et doivent être partagés avec l'APC ou l'office gestionnaire. Le marché de la vente des maillots est gangrené par la contrefaçon. Dans l'immédiat, un recours peut améliorer rapidement les revenus des futures SPA du football et donner une assise au professionnalisme en Algérie : les droits d'image TV. Ils sont bradés à cause du monopole de la télévision nationale. L'arrivée de Jazira Sport, prête à payer le prix fort pour les images des championnats arabes, a déjà permis à d'autres fédérations de la région de lever une manne pour leurs clubs. La fédération marocaine a mis aux enchères les images de sa Botola. La FAF n'est pas satisfaite de ce que lui paye la Télévision Algérienne. Ce sera aux futurs patrons des SPA du football de monter au front sur cette question. Avant même l'arrivée de nouveaux propriétaires très fortunés.




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