Algérie

«Le foot ne se gère pas avec un casse-croûte»



Quand on évoque cette fabuleuse formation du MCA qui avait réussi un triplé historique jamais égalé, on parle de Zenir, Bachi, Bencheikh ou Betrouni, mais on oublie de citer le nom de Anwar Bachta. Peut-être parce qu'il cultivait la discrétion et la gentillesse. Pourtant, sur le terrain, le milieu était son royaume. Il y régnait avec ses passes lumineuses, sa vision de jeu et sa technique hors du commun. Il avait remporté le concours du plus jeune footballeur avec l'OMR. Tactiquement, il était en avance sur son temps et on peut dire qu'il était un Xavi Hernandez ou un Iniesta à sa façon. Il est l'unique joueur algérien à avoir inscrit un but au Real à Santiago Bernabeu (sous les yeux de ce dernier qui était le président madrilène) lors d'un match amical mémorable. Rencontre avec un gentleman-footballeur.Le Soir d'Algérie : On a appris que vous êtes membre du conseil d'administration du MCA.?Quel est votre rôle exact '
Anwar Bachta : Mon rôle ' C'est la gestion du club. C'est une sorte de direction collégiale. Nous sommes quatre et on gère les affaires du club.
Le club avait fait appel à vos anciens coéquipiers du MCA de 1976 comme Zenir et Bachi qui se sont retirés.?Pour cela, n'avez-vous pas hésité avant
d'accepter '
Non, pas du tout. Il n'y a aucune polémique à ce sujet. La mission est difficile et délicate mais pas impossible.?Zenir et Bachi se sont retirés pour des raisons qui leur sont propres.
Dans un récent entretien, vous aviez expliqué que l'une de vos raisons était que vous ne pouviez pas dire non au MCA.
A partir du moment où l'opinion sportive réclamait le retour des enfants du club.?A partir du moment où on vous tend une perche pour venir travailler, on ne peut pas refuser. On a souffert de la chaise vide et maintenant, il est temps de prendre le taureau par les cornes. On a fait appel à moi, et je suis là !
Il y a quelques jours, des supporters ont réclamé le départ de Sonatrach.?Qu'en pensez-vous '
Soyons sages et réalistes. Tous les clubs sont déficitaires et au bord du dépôt de bilan. Nous, on devrait remercier Dieu d'avoir la Sonatrach. Au moment où toutes les formations de l'élite veulent une entreprise nationale, nous, on va se détacher de Sonatrach ' Non, il faut bien analyser la situation.?En outre, c'est juste une poignée de supporters qui voulaient ce retrait à la suite des mauvais résultats.
Ce n'est pas tout le peuple mouloudéen '
Non, et quand je dis qu'il faut être réaliste, cela veut dire que le football d'aujourd'hui ne se gère plus comme par le passé avec un casse-croûte et cent dinars par jour en guise de prime. Le foot moderne exige des sommes énormes.
Quelle est la première décision prise par le conseil d'administration '
Nous avons ramené un entraîneur qui a eu l'occasion de choisir lui-même son staff et nous lui avons garanti qu'il travaillera en toute liberté et en toute sérénité. C'est un gars qui a montré ses ambitions.
Mais il n'a pas encore de licence vu que le problème de Casoni n'est pas réglé...
C'est vrai, et c'est un problème de réglementation. Nous n'avions droit qu'à une seule licence et tant que le cas Casoni n'est pas réglé, ça bloque.?Mais la réglementation n'est pas le Coran. Moi je dis qu'à situation exceptionnelle, on pourrait trouver une solution exceptionnelle.
De toute façon, il n'y a pas le feu au MCA et le titre est encore jouable.
Si Neghiz est venu au MCA, c'est parce qu'il a senti que le titre est jouable. D'ailleurs, on s'est entendu avec lui pour cet objectif.
Au cours des années 1960, vous aviez remporté le concours du plus jeune footballeur. Devrait-on relancer ce genre de concours pour faire émerger des pépites '
Oui, mais il appartient à la direction technique régionale de relancer ce type de concours.
Bientôt le derby algérois tant attendu. C'est toujours un match particulier '
Il n'a rien de particulier.?C'est un match comme les autres.
C'est un derby...
Remettons les choses en place.?C'est un derby algérois et dans chaque famille, il y a un supporter du MCA et un autre de l'USMA. C'est une rivalité familiale. On habite tous à La Casbah, à Bab-el-Oued, à Soustara ou Bologhine. C'est peut-être particulier parce qu'ils ont une belle galerie et nous aussi. Ils ont de bons joueurs et nous aussi. Pas plus que cela.
Vous avez été l'un des meilleurs milieux de l'histoire du MCA. Est-ce qu'au sein du Mouloudia actuel, il y a un joueur qui vous étonne '
Le football a beaucoup évolué. Ce n'est plus celui d'avant. Il est devenu plus rapide, plus physique et plus tactique. Par contre, au niveau technique, de mon temps, on arrivait à faire plus de dix passes sans que l'adversaire touche le ballon parce que, justement, techniquement on était très forts.
Il n'y a donc aucun joueur mouloudéen actuel qui vous plaît '
Aujourd'hui, le football est devenu très collectif. On parle de blocs pas d'individualités, avant, on cherchait un patron dans le jeu, mais maintenant, il n'y a pas de patron, c'est le collectif qui prime.
Bientôt le centenaire du?MCA. Si vous deviez comparer toutes les équipes mouloudéennes de l'histoire, quelle serait la meilleure '
Je pense sincèrement que c'est notre Mouloudia de 1976 qui avait réussi un triplé historique. D'ailleurs, il n'y a rien à dire, le palmarès parle pour nous. Le jour où d'autres feront mieux, à ce moment-là, on se mettra au placard. C'est vrai qu'après nous, le MCA a remporté des Coupes d'Algérie et des titres de champion mais notre parcours n'a jamais été égalé. Nous, on a marqué l'histoire et c'est ce que je reproche aux joueurs d'aujourd'hui.
Vous leur reprochez quoi '
De jouer pour jouer. Il faut marquer son passage au MCA en gagnant des titres et en élevant le niveau du club. Il ne faut pas venir au Mouloudia pour gagner de l'argent et repartir.?Prenez notre exemple, quarante ans après, on parle encore de nous parce qu'on a marqué l'histoire du?MCA et voici le message que je voudrais passer aux joueurs mouloudéens actuels «marquez votre époque avec des titres et écrivez une autre belle page de l'histoire du club».
Est-il vrai que vous êtes le seul joueur algérien à avoir inscrit un but au grand Real dans son stade mythique de Bernabeu '
El hamdoulillah que vous vous en souvenez.
Vous confirmez '
Je n'ai rien à confirmer.?Prenez les journaux espagnols et algériens de l'époque et vous en aurez la confirmation. C'était lors d'un match amical. On avait perdu de justesse (2-1) mais avec les honneurs et on avait reçu une lettre de félicitations du président du Real de Madrid, M.?Santiago Bernabeu en personne.
Cela doit être un de vos meilleurs souvenirs '
Oui, mais ce que je regrette, c'est que lorsque mes anciens coéquipiers ou les journalistes évoquent ce fameux match, ils ne disent jamais que c'était moi le buteur mouloudéen. C'est terrible cet oubli.
Par contre, lors de la victoire très large face à Bastia (6-3), vous n'aviez inscrit aucun but.
Non. En plus de construire le jeu, j'avais une autre tâche plus défensive, celle de surveiller Rachid Mekhloufi, la star algérienne de Bastia. C'était un plaisir et j'ai réussi à le museler, parfois avec de la rigueur extrême. Sur une action, il voulait contrôler le ballon et je lui ai asséné un coup sur le talon d'Achille. Il m'a fusillé du regard, mais je ne me suis pas laissé impressionner.
Propos recueillis par Hassan Boukacem


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)