Depuis quelque
temps, la fièvre de la Coupe du monde a gagné tous les foyers. Elle rythme le
pouls du pays déjà bien avant l'ouverture du 11 juin dernier.
Depuis que le coup
d'envoi ait été donné, j'essaie d'écrire sur des sujets divers qui nous
infectent la vie de tous les jours mais l'effet coupe du monde et en
particulier les échos de l'équipe nationale sont en train d'occuper la scène
nationale et ne nous laisse point d'autres espaces, ni la réflexion, ni
l'attention des lecteurs pour se concentrer sur un point particulier. On se
lève foot, on mange foot, on boit foot et on dort foot. Tout est réduit à
l'équipe de foot en préparation d'abord sur les terres suisses puis du côté de
la Bavière et ensuite jusqu'à son long périple en Afrique du Sud. Depuis plus
d'un mois, le cœur ne bat que par le foot.
Les minuscules détails, des faits mineurs ou
les moindres chuchotements sont rapportés à la une des journaux. On en lit tous
les jours sur les petits bobos ou les humeurs de tel ou tel joueur. Toute
l'Algérie retient son souffle lorsque l'un des nôtres se blesse. Le retrait de
Meghni a été rapporté pour ainsi dire comme un drame national. La nouvelle coupe
des cheveux d'untel et le look d'autrui sont décrits comme une nouvelle mode
par toute la presse. On les voit passer sur la télévision publique, du matin au
soir, à la faveur de spots publicitaires mis à part quelques rares intermèdes
vite zappés par la télécommande.
Ce qui a aussi retenu mon attention, c'est le
départ massif vers l'Afrique du Sud de milliers de supporters à coups de
dizaines de millions. Comment arrivent-ils à réunir de telles sommes me
demandais-je ? Pour aller à l'autre bout du monde alors que la majorité
n'arrive pas à joindre les deux bouts. Je ne pense pas trouver un seul
fonctionnaire parmi 1 million 600 milles au sien de ces globe-trotters.
Tout le monde est accroché aux déclarations
de l'entraîneur national comme si subitement le centre de gravité de l'Algérie
s'est déplacé sur sa pauvre carcasse.
Lorsque Abdelkader Ghezzal s'est fait expulsé
du terrain lors du dernier match contre la Slovénie en ce damné 13 juin, les
caméras ont montré, au même instant, au monde entier le visage pâle de Rabah
Saâdane qui s'est recroquevillé sur lui-même comme pour se dissimuler la face
et l'image accablante de son adjoint qui se prenait la tête entre les mains en
soupirant l'irrémédiable catastrophe à venir.
Les malheurs de l'Algérie entière venaient de
tomber sur son fragile dos. En le dévisageant du petit écran, on sentait ses
tripes se déchirer et ses intestins s'entremêler en s'attendant au pire qui
allait survenir quelques minutes après par la sortie de son fétiche attaquant
de Sienne. La bourde de son gardien numéro un Fawzi Chaouchi a achevé ce qu'il
restait comme espoir. Il devinait que le peuple n'allait pas l'épargner par les
critiques les plus acerbes surtout après son malheureux coaching décrié par
tous.
Une partie de foot
ne se tient finalement qu'à un seul petit détail près. Si Ghezzal avait marqué
dès son incorporation sur le rectangle vert, on l'aurait qualifié de sauveur
érigé en héros national mais c'est le contraire qui lui est arrivé. Le ballon
rond n'est pas une science exacte, il est aléatoire et imprévisible. Dans un
heureux jour, il peut vous procurer les plus fortes sensations et l'amertume
totale dans un jour sans. Une fois, il est en notre faveur comme à Oum Dourman
où on a failli la correctionnelle sans un Chaouchi des grands jours, et qui
avait fait là le match référence de sa carrière. Contre les slovènes, il a
suffi d'une brève inattention pour que l'irréparable surgisse. Les uns sont
allés jusqu'à accuser le fameux ballon Jalubani, les autres évoquent l'inexpérience,
la frivolité ou l'insouciance de notre gardien.
Quant à notre cheikh, jusque là vénéré, il
est devenu subitement le mal-aimé, le pestiféré, le maudit, l'ennemi public n°1
à abattre alors qu'il y a à peine quelques mois, il était le premier au hit
parade des sondages locaux et arabes. Le 19 novembre 2009, il était reçu au
pays avec ses joueurs comme jamais aucun sportif du pays ne l'a été depuis
l'indépendance. Il a reçu tous les honneurs inimaginables du peuple, de toutes
les autorités nationales et celles de nombreuses villes de l'intérieur du pays.
L'Algérie ne voyait que lui, n'espérait qu'à travers lui. Mais Resté réservé,
il savait que la gloire n'est que passagère, pas éternelle dans la mémoire
courte des mordus de la balle ronde.
L'entraîneur Saâdane et son équipe sont
transformés en un point de fixation de tous les algériens ces derniers mois
pour le bien de tous les autres acteurs de la vie publique du pays qui sont
épargnés par cette qualification inespérée, presque tombée du ciel. Seule
l'équipe nationale retient le souffle et attire l'intérêt des algériens.
Après l'amère
défaite contre les coéquipiers de Novakovic, un tour sur les forums d'Internet
vous donne un aperçu sur les immenses dégâts provoqués et les dommages engendrés
sur Saâdane et son adjoint Djelloul par leurs admirateurs d'hier. Tous les
défauts et les tares leur sont collés à la peau. On traite dorénavant
l'ex-idole de tous les épouvantables noms. Rabah d'hier est converti en un
perdant aujourd'hui, un rien pour les uns et un…, un ….pour les autres. On ne
peut pas échapper facilement à la vindicte populaire qui ne cherche que le bouc
émissaire pour exulter sa frustration dans tous les domaines de la vie et
toutes les difficultés qui lui enveniment l'existence. Les gens vident
impitoyablement leur sac sur la bande à Saâdane en trouvant là un excellent
exécutoire et un idéal défouloir.
Notre coach, qui se trouve bousculé de fait à
la face de ses compatriotes, doit vivre une terrible pression, lui qui ne
rêvait modestement que d'une qualification en coupe d'Afrique après plusieurs
années d'absence de la cour du continent. Par la bêtise d'une agression en
terre égyptienne, il se trouve propulsé par tout un peuple en quart de finale
en Angola et en étant le seul pays arabe qualifié en coupe du monde. De plus,
il demeure le seul entraîneur africain dans ce tournoi intercontinental. On le
scrute sous tous les plans et on guette ses infimes gestes. Trop de
responsabilités pèsent sur les frêles épaules de ce seul homme nommé Saâdane.
Assurément, les images insoutenables de 1986
défilaient en une fraction de secondes dans sa tête au moment du coup de
sifflet final. Depuis un bail, il ne cessait de répéter que le haut niveau
n'est pas une mince affaire et le fait de participer constitue en soi un
exploit impensable il y a juste une année. Mais le peuple ne l'entendait pas de
cette oreille car cela fait longtemps qu'il n'a pas goûté à pareilles fêtes
après un interminable sevrage et une longue traversée du désert.
On ne peut pas
sortir comme ça du néant à quelque chose de tangible. Il faut d'abord préserver
cet acquis avant d'aller vers d'autres horizons. Selon sa légendaire habitude,
l'algérien veut tout ou rien à la fois. Il ne connaît pas le juste milieu. Il
ne sait pas positiver le présent avant d'aller de l'avant. Ceci fait partie de
l'état brut de l'algérien. Les algériens sont une denrée à part dans le monde,
ils sont uniques dans leurs approches. Comment alors expliquer la position
inconfortable de ce supporteur algérien sur un pylône électrique alors que le
stade de Polokwane n'était pas archicomble ? Qu'ils résident à Alger, Londres,
Paris, Amsterdam ou Montréal, ils ne changent pas d'un iota leurs déductions
quelque soit le prix à payer. C'est pour cette raison qu'ils scandent à tout
rompre le fameux slogan lorsqu'ils se regroupent : « Les Algériens ! ». On dit
qu'il est têtu jusqu'aux bouts de ses idées et de ses croyances même s'il perd
tout à la fin des courses.
Tout le monde, entraîneurs comme supporteurs,
voyait Ryad Boudebouz comme entrant en seconde mi-temps contre la Slovénie sauf
Saâdane qui veut aller à contre sens. Ils veulent voir en action le joueur de
Sochaux qui n'est pas encore été consommé par le public comme Ghezzal l'est en
ce moment. Il suffit d'un petit passage à vide pour qu'il soit jeté en pâture
dans l'arène de la galerie. La gloire n'a aucune durée ni un espace précis.
En moins d'un quart d'heure, Ghezzal est donc
passé du statut de super star à celui de la poisse de l'équipe. Après son
renvoi dans les vestiaires, il est l'homme le plus recherché du pays, Wanted
comme dans le Far West des films spaghettis des années soixante, le joueur le
plus haï, le plus vomi. Il a hérité, malgré lui, du rôle de l'horrible. Toutes
le langues se sont déliées pour inventer les histoires les plus
invraisemblables comme celle de vouloir se faire volontairement expulser et se
venger ainsi de son nouveau rôle de remplaçant ! Il est réclamé à la potence
par les plus ultras.
Pourtant, les fans
des verts se vouaient un culte de la personnalité sans précédent aux Ziani et
consorts. Les voilà relégués maintenant au bas de l'échelle. Ils voyaient nos
joueurs battre n'importe quelle équipe mais la réalité a rattrapé tout le
monde. Ils ne vivaient que dans la virtualité, ils ne voulaient pas se
réveiller, palper le réel.
Quant au Cheikh,
du stratège, il est liquidé en un médiocre. Son sacrifice et son travail pour
bâtir une équipe compétitive sont coulés en un temps record. C'est le mal de
l'algérien. Il est capable de tout détruire en une fraction de secondes ce
qu'il a construit pendant des années.
Maintenant que les
esprits commencent à se regarder le visage sur une glace. Ce qu'a accompli
l'équipe nationale ne reflète aucunement l'évolution des autres domaines
politiques, économiques ou sociaux. Le football est le seul domaine où
l'Algérie a progressé en un an de la 100ième place à la 30ème, dixit Mohamed
Raourara.
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Posté Le : 17/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohammed Beghdad
Source : www.lequotidien-oran.com