Algérie

Le fondamental et le superflu


Le fondamental et le superflu
Alors que le pays va mal et que les citoyens ont besoin d'être objectivement éclairés par les canaux officiels sur de nombreux événements graves qui deviennent de plus en plus préoccupants, comme les révoltes incessantes qui secouent les régions du Sud à propos de l'exploitation du gaz de schiste ou la subite émergence de la mouvance intégriste qu'on croyait totalement neutralisée par la politique dite de la réconciliation nationale, alors donc que le gouvernement reste étrangement tantôt vague tantôt carrément silencieux sur des faits aussi inquiétants, le ministère de la Communication ne trouve pas, à l'étonnement général, autre dérivatif que celui de faire appel au sens de «la responsabilité professionnelle et du patriotisme» des journalistes sportifs qui ont la délicate mission de couvrir la Coupe d'Afrique des nations.Mission consignée apparemment comme tellement périlleuse qu'il fallait la recadrer par un communiqué intempestif faisant office d'une directive à suivre selon le bon usage des injonctions qui avaient cours au temps du parti unique.La presse responsable ? le dada du nouveau ministre ? doit ainsi veiller à ne pas se laisser déborder par les mauvaises humeurs du foot opium du peuple qui pour la circonstance a plutôt pour fonction de ne pas en rajouter à une conjoncture déjà trop troublée par le malaise social et les problèmes d'insécurité. En fait, c'est comme si toutes les dramatiques situations économiques, politiques et sociales que nous vivons avec une terrible angoisse dans le ventre ont un intérêt inférieur face aux conséquences imprévisibles et forcément déstabilisatrices qui pourraient survenir si les vérités sur notre football, engagé dans une compétition à grande résonnance continentale et internationale, nous étaient mal contées.Il est vrai que la balle ronde demeure le domaine où il a le plus cogiter quand il faisait encore partie de la famille de la presse, mais tout de même? Au lieu donc de prendre de la hauteur vis-à-vis des événements graves qui secouent notre quotidien, de se mettre à jour devant des thèmes d'une actualité brulante qui partent dans toutes les directions faute d'une gestion rigoureuse de l'information se rapportant à leur évolution, le département de la Communication qui a en principe la charge et la responsabilité de se porter en première ligne pour répondre à toutes les interrogations pertinentes qui intriguent les citoyens, se voile la face, se bouche les oreilles et préfère rester muet pour ne pas s'impliquer dans les sujets explosifs qui d'ailleurs semblent le dépasser.Vous voulez une preuve de cette attitude de retrait qui ressemble à une fuite en avant ' Elle est donnée par la dernière sortie médiatique du ministre des Affaires religieuses qui n'a pas hésité un instant à descendre dans l'arène pour critiquer conséquemment les dérives des chaînes de télévision privées qui font dans la surenchère en manipulant dangereusement le courant intégriste au moment où l'Algérie ne cesse de réaffirmer sa position dans la lutte contre le terrorisme islamiste.Cette position courageuse, s'il en est, était une réaction logique face à la menace que les réseaux dormants du courant intégristes font peser sur le pays, mais elle était plus attendue de la part du ministre de la Communication que de son homologue du culte qui a, au passage, déclaré son incapacité d'aller plus loin que la dénonciation dans un secteur qui ne relève pas de sa compétence.On rappellera pour mémoire que la première mission que s'était définie Hamid Grine dès sa prise de fonction était de mettre fin à l'anarchie qui régnait dans le nouveau champ audiovisuel gangréné par toute une faune d'opportunistes qui voyaient dans ce créneau une chance inespérée d'avoir une part du pouvoir à double facette : politique et financière ! Si effectivement la télé privée en tant que nouveau concept médiatique a attiré d'authentiques managers qui avaient de l'ambition et des qualités incontestables pour investir un secteur qui avait besoin de sang neuf pour se redéployer, nombreux furent les aventuriers pour qui le petit écran ne pouvait être qu' un puissant moyen de domination qui ouvre toutes les portes de la promotion sociale et politique.On ne va pas revenir sur l'historique des ces chaînes qui font aujourd'hui parler d'elles ? elles se reconnaîtront ? et qui face, au vide juridique, se sont laissées aller aux dérives les plus inimaginables avec la complicité des gens du sérail qui leur ont accordé toutes les facilités, mais juste saisir l'occasion pour affirmer encore une fois l'incroyable laxisme dont fait preuve le ministère de la Communication alors que les limites de l'intolérable ont été atteintes.On n'ira pas aussi jusqu'à croire que le nouveau locataire de ce département, dont dépend directement la bonne marche de l'audiovisuel, serait d'accord avec les agissements de ces chaînes privées qui ne respectent aucun code déontologique, mais force est de reconnaître que son inertie face à un péril aussi grand pose un sérieux problème de conscience.Qu'attend-il pour mettre un hola à ces déviances même si les entreprises mises en cause relèvent juridiquement du droit étranger ' Pourquoi l'organe de régulation tarde-t-il à intervenir ' Et de manière générale combien de temps faudra-t-il encore aux télés qui n'ont pas obtenu d'agrément officiel pour continuer à exercer librement ' S'il est plus facile d'établir de nouvelles cartes de presse pour les journalistes comme si la profession allait subitement sortir de son amateurisme par la grâce d'une simple identification ou d'un recensement qui ne dit ou pas son nom, apurer le secteur de l'audiovisuel de ces scories s'avère finalement être une tâche beaucoup plus complexe, surtout si le ministère de la Communication dans la hiérarchie de l'Exécutif occupe un simple strapontin.Dans ce cas, il ne faut pas s'attendre de sa part à des coups de gueule qui marquent à l'image de celui de Mohamed Aïssa.La télévision est tout un programme. Si l'écran privé n'arrive pas à s'élever au niveau des nouveaux défis démocratiques, que dire de la télé publique qui s'efface de plus en plus devant les enjeux du monde contemporain. Dans les deux cas, il y a échec patent.A. M.


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