Algérie

LE FOND DE L'AIR EST FROID


Le fond de l'air est froid… pour une campagne électorale qui a débuté «petitement» malgré l'effort conséquent et souvent très maladroit des médias publics de convaincre les Algériens de l'importance «décisive» du scrutin. Et il faut vraiment ne pas vivre en Algérie - ou alors fort loin des gens - pour être surpris de cette absence d'enthousiasme que le mauvais temps vient à point pour masquer. Qui donc s'intéresserait à une campagne électorale dans un temps aussi peu engageant, n'est-ce pas ' Mais bien entendu, le climat et la nature n'y sont pour rien.
Les pratiques du régime expliquent totalement cette absence d'engouement dans une échéance où seuls les gens motivés - par conviction ou par ambition - semblent être impliqués. La grande glaciation politique imposée depuis des années a été une réussite absurde qui se retourne contre tous les discours, même les plus sincères et les plus fins, incitant les gens à exercer leur «devoir civique». La tendance abstentionniste des Algériens ne doit probablement pas grand-chose aux appels au boycott lancés aussi bien par les islamistes du FIS que par leurs plus acharnés adversaires. Leur incitation, jusqu'à preuve du contraire, reste marginale et en tout cas difficilement mesurable. La scène politique n'ayant rien de «normale», il est hasardeux de mesurer l'impact des appels au boycott. Il reste néanmoins la fabrication durable de l'abstention. Elle doit tout au régime.
Quand un gouvernement «suspend» pendant plus de dix ans sans aucune forme de procès l'application de la loi sur les partis politiques, il est clair qu'on n'est pas dans une vie politique «normale» et les Algériens le comprennent très clairement. Quand les partis «existants» sont contraints à entrer dans une «Alliance présidentielle» où ils perdent toute identité et fonctionnent comme de simples faire-valoir pour le décorum présumé démocratique, cela laisse des traces. Les Algériens ne sont pas dupes. Ils savent que les partis faire-valoir peuvent permettre quelques promotions individuelles par la «wizara, la sifara» (ministère, ambassade) ou la «niyaba» (députation), mais perdent dans ce «jeu» sans âme la capacité de convaincre qu'ils sont porteurs d'un projet ou d'un dessein.
Les opposants ont été certes étouffés par des dispositifs à appréciation régalienne et ont été empêchés d'accéder à la population et à faire leur travail d'éclairer l'opinion. Mais les partis du pouvoir s'en sortent-ils mieux ' Il suffit de tendre l'oreille pour comprendre que la répulsion - le mot n'est pas trop fort - à l'égard de la politique qui s'est installée en Algérie est fortement marquée par le comportement de ces partis du pouvoir. Des partis où l'on peut aller pour «soi-même» mais où l'on ne va pas pour des idées et encore moins pour un dessein.
Il faut en convenir, si l'on a cherché durant ces quinze dernières années à dégoûter les gens de la politique, la réussite est totale. Ceux qui ont des idées et des projets doivent en convenir: le pays a été ramené au degré zéro de la politique. Inutile de s'en prendre à l'incivisme présumé des Algériens. Il n'existe pas vraiment. Le haussement d'épaules de nombreux Algériens est un mécanisme de défense, comme lorsqu'on zappe un mauvais programme de télévision. Le vrai problème réside dans une pratique incivique du régime qui a transformé la politique apparente en mauvais sketch chorba.


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