Algérie

"Le FMI est synonyme de troubles"



Dans cette interview express, Ali Benouari considère que pomper dans les réserves de changes est autant déconseillé que pratiquer l'austérité préconisée par le FMI. Pour lui, en somme, «toutes les solutions sont mauvaises pour le gouvernement».L'Expression: Le produit intérieur brut nominal de l'Algérie (PIB) devrait s'établir à 166 milliards de dollars en 2016 contre 172,3 mds en 2015, selon les prévisions du FMI publiées lundi dernier dans son rapport sur les perspectives de croissance dans la région Moyen-Orient-Afrique du Nord-Afghanistan-Pakistan. Cette perspective est-elle réaliste'Ali Benouari: Une donnée qui saute aux yeux. Vu le déficit prévu de la balance des paiements en 2016 et en 2017 et les besoins incompressibles du pays, comment maintenir les réserves de changes à 90 milliards en 2017' De plus, comment financer l'énorme déficit intérieur sans dévaluation massive, vu que le FRR sera à zéro à la fin de cette année' La réponse est dans la question, soit par des mesures d'austérité, soit par une dévaluation conséquente, soit par le recours à la planche à billets, les deux dernières mesures comportant des conséquences inflationnistes aux conséquences redoutables. En effet, le recours à l'emprunt intérieur pour financer le déficit budgétaire annoncé est limité fortement par l'insuffisance des liquidités bancaires et par la défiance de l'épargne des ménages et des entreprises. Une épargne qui se trouve en grande partie hors du circuit bancaire (marché noir) est peu encline à céder au chant des sirènes du gouvernement. Une défiance qui résulte du manque de confiance dans les institutions du pays et de l'inflation qui s'annonce. Sans compter le glissement du dinar qui rend l'achat de devises plus attractif car la devise offre une meilleure protection à tous les égards.Les réserves officielles de l'Algérie devraient reculer sous l'effet de la chute des prix du pétrole à 113,3 mds usd en 2016 en couvrant 22,2 mois d'importations, contre 142,6 mds usd en 2015 et poursuivront leur contraction à 92,3 mds usd en 2017...On devrait pouvoir évaluer le niveau prévisible de ces réserves à fin 2017, en tenant compte des déficits révisables de la balance des paiements pour 2016 et 2017. Cela en supposant que les déficits évalués par le FMI soient corrects. Ces déficits seront en effet influencés par le niveau des prix du pétrole et le niveau des importations des biens et des services. Il est à noter que le niveau des importations de services est quasiment incompressible. Il avoisinera 15 milliards de dollars environ. Le FMI évoque aussi l'endettement extérieur comme moyen possible pour préserver les réserves de changes. Mais trouvera-t-on à emprunter au-delà de 2019 et à quel prix' Il faudrait aussi, dans cette perspective, évaluer le service de la dette, dont le coût sera influencé à la fois par la durée des emprunts et par leur coût. Nous risquons de ne trouver que des crédits à court terme (trois ans au maximum) et chers, au vu de notre insolvabilité structurelle.Quel avenir prévoyez-vous pour l'économie algérienne à court, à moyen et à long terme à l'aune de ses prévisions'Le déficit de la balance des paiements pour 2015 était de 35 milliards de dollars. Ce qui signifie, toutes choses égales par ailleurs, que les réserves de changes auront fondu à fin 2019 (35x4= 140 milliards). Cela en considérant leur niveau à fin 2015, qui était de 140 milliards de dollars. Je prévoyais déjà ce scénario fin 2013. Jusqu'à maintenant je ne me suis pas trompé. La raison principale en est que le pouvoir n'a pas changé et ses habitudes non plus. Si mes prévisions restent justes, nous risquons de connaître, soit la famine en 2019, si on continue de pomper dans les réserves de changes pour préserver les équilibres sociaux, soit des troubles sociaux hypergraves si on entreprend une politique d'austérité comme le suggère le FMI. Et cela ira crescendo, bien sûr, car l'austérité (qui a déjà commencé, soit dit en passant) devra être étalée sur toutes ces années 2016-2019. Cela pour ne parler que de nos déficits extérieurs. Car, pour ce qui est du déficit budgétaire, le recours à l'austérité est inévitable et à grande échelle.En résumé, toutes les solutions sont mauvaises pour le gouvernement. Le FMI le sait. Il ne préconise pas le recours aux réserves de changes pour deux raisons: 1. Il sait que le retour inévitable à l'endettement extérieur devra être garanti par ces réserves.2. Continuer à utiliser les réserves de changes (comme on l'a fait jusqu'ici) pour financer le haut niveau d'importations atteint signifie que l'on continuera à subventionner l'économie et la société à très grande échelle, sans que le pays n'en possède les moyens. Il sait aussi que c'est le moyen le plus sûr pour éviter de s'attaquer au fond du problème, c'est-à-dire aux déséquilibres structurels de l'économie, qui iront, ce faisant, en s'amplifiant. Mais le conseilleur, c'est-à-dire le FMI, n'est pas le payeur.La solution est en nous-mêmes. Et cette solution, qui ne peut être que politique, le FMI n'ose pas l'aborder. Je peux dire que nous avons plus d'expérience aujourd'hui que le FMI pour résoudre nos problèmes. Si je n'avais pas peur de paraître cynique, je conseillerais au pouvoir de ne pas suivre ses conseils. Ils conduiront sûrement à sa perte... Avec plus de dommages pour lui-même et pour le pays qu'une bonne et franche négociation avec l'opposition, dont l'issue ne pourrait être que son départ. Il appartiendra alors aux représentants élus du peuple de se débrouiller avec les problèmes qu'il nous aura légués.


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