Le FMI vient de
publier une étude intitulée «Les prix du gaz naturel vont-ils se découpler du
pétrole ?» signée par Reinout De Bock et José Gijón. L'étude
conclut, de manière parfaitement prévisible, que l'Algérie a
vivement intérêt à diversifier sa base d'exportations tant sa dépendance à
l'égard du pétrole et du gaz peut se révéler périlleuse.
L'alarmisme du FMI
se base essentiellement sur le développement rapide de la production des gaz de
schiste aux Etats-Unis (et bientôt en Europe) qui viennent concurrencer
frontalement le gaz naturel dont l'Algérie est l'un des premiers exportateurs
mondiaux. Le découplage entre les prix du gaz et ceux du pétrole est déjà une réalité sur le marché nord-américain, client
traditionnel du GNL algérien, qui s'apprêterait à devenir exportateur de gaz. Les
spécialistes s'accordent sur ce point : les gaz de schiste sont appelés à jouer
un rôle croissant sur le marché mondial de l'énergie, les techniques et coûts
d'exploitation étant stabilisés, à condition que les répercussions sur le
milieu ambiant soient maîtrisées. Les enjeux pour l'Algérie sont cruciaux. L'Algérie,
au 8ème rang des producteurs mondiaux, est l'un des plus importants
fournisseurs principaux de gaz de l'Europe. Environ 49% des exportations de l'Algérie
sont constituées de gaz naturel, 49% par les exportations de pétrole, les
exportations hors-hydrocarbures se contentant des 2%
résiduels. L'étude du FMI montre que les prix contractuels du gaz algérien sont
restés stables – étant fixés sur la période des contrats à long terme - mais
que les volumes d'exportation sont en deçà des prévisions. La forte contraction
des prix des hydrocarbures et des exportations à la fin 2008 et début 2009 ont montré encore une fois la vulnérabilité macroéconomique
de l'Algérie à une période prolongée de faible prix des hydrocarbures et de
demande mondiale déprimée. En 2009, le solde budgétaire a enregistré son
premier déficit en une décennie et l'excédent du compte courant a chuté pour ne
représenter que 0,3 pour cent du PIB.
Sensibilité aux
variations du marché global
La sensibilité de
l'économie algérienne aux variations du marché global de l'énergie est
exacerbée par la croissance de la production mondiale de gaz. Cette production
a considérablement augmenté durant les vingt dernières années. À la seule
exception de l'année 2009, la production mondiale a augmenté chaque année
depuis 1990. Les producteurs dans les marchés émergents en dehors de l'ex-Union
soviétique ont entraîné l'expansion de la production mondiale de gaz. Ces
producteurs ont doublé leur part dans la production de gaz globale de 19 pour
cent en 1990 à 39 pour cent en 2009. Les producteurs européens et non européens
de l'OCDE (principalement les Etats-Unis et Canada) ont enregistré une baisse
relative de leur part dans la production globale.
S'agissant du découplage des prix du gaz et du
pétrole le FMI observe que les prix du gaz algérien ont davantage suivi
l'évolution des prix du brut que ceux du gaz américain. Il est vrai que les
ventes de gaz algérien s'effectuent sur la base de contrats à long terme dont
les formules de prix sont indexées sur le pétrole alors qu'une part
significative des transactions américaines se fait sur le marché spot. La
récente hausse des prix du gaz algérien n'a pas suivi une augmentation des
volumes exportés. Le FMI estime que la production annuelle est restée plus ou
moins stable pendant la dernière alors que la consommation interne augmente et
que les exportations déclinent, aucune des composantes de l'assiette
d'exportation de gaz, GNL ou gaz naturel, n'a augmenté dans la période. Selon
les analystes du FMI, même dans une hypothèse de hausse soutenue du prix du
pétrole, le prix du gaz algérien n'augmenterait pas significativement sur un
marché américain peu demandeur ce qui impacterait directement l'économie du
pays. Les scénarios à moyen terme élaborés par le Fonds se fondent sur
l'augmentation de la production de gaz non-conventionnel
en Europe et d'une offre excédentaire de GNL. Dans cette hypothèse, les prix du
gaz naturel resteront constants en termes réels et les exportations reculeront
de 5 pour cent par année.
Un modèle
d'insertion invalidant
Ces perspectives
peu enthousiasmantes doivent cependant être nuancées. Il est vrai que les gaz
de schistes concurrencent frontalement le gaz naturel ou le GNL, mais
l'exploitation de ces gaz en Europe ne devrait pas intervenir, selon le FMI lui-même,
avant cinq ou dix ans. De plus, la demande globale de gaz, toutes catégories
confondues, devrait augmenter du fait du retrait progressif du nucléaire dans
la structure énergétique en Europe et au Japon. Les sources alternatives, solaires
ou éoliennes, ne peuvent, dans l'état actuel de leur développement
technologique, assurer une part significative des besoins globaux. Il n'en
demeure pas moins qu'un décrochage des prix du gaz par rapport au pétrole est
une hypothèse parfaitement valable dans un contexte d'augmentation notable de
l'offre et de faible reprise économique. S'agissant de l'Algérie, qui
intervient peu sur les marchés spot, les contrats à long terme avec des
partenaires désireux de diversifier et de sécuriser leurs sources
d'approvisionnements devraient reporter l'échéance du découplage anticipé par
les experts du FMI. Mais les évolutions sur les marchés de l'énergie et
l'excessive dépendance de l'économie algérienne vis-à-vis des hydrocarbures
doivent inciter à la prudence et déterminer des politiques économiques fondées
sur la sortie d'un modèle particulièrement invalide d'insertion dans l'économie
mondiale.
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Posté Le : 28/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Saïd Mekki
Source : www.lequotidien-oran.com