La marge de manoeuvre du gouvernement étant étroite, se trouve face à un dilemme du fait du retard dans les réformes structurelles et d'une décroissance du PIB, notamment des activités créatrices de valeur ajoutée : augmenter les salaires via la planche à billets (financement non conventionnel), la théorie néokeynésienne de relance de la demande globale à travers l'émission monétaire, et se trouve en face d'une spirale inflationniste comme au Venezuela. Ne pas les augmenter et se trouver devant l'intensification des revendications sociales face aux nombreux scandales financiers exigeant un sacrifice partagé, que l'Etat et les hommes chargés de gérer la Cité donnent l'exemple, pour la nécessaire cohésion sociale. L'objet de cette contribution est de rappeler les fondements du modèle keynésien pour ensuite voir s'il s'applique à l'expérience récente algérienne,notamment à travers la dépense publique via le financement non conventionnel, le fondement de sa réussite reposant sur la théorie keynésienne de la relance de la demande globale à travers l'émission monétaire.Les gouvernements précédents avaient amendé l'article 45 de la loi sur la monnaie et le crédit en recourant au financement non conventionnel sans introduire l'institutionnalisation dans cette loi, d' un comité de surveillance, composé d'experts indépendants, pour éviter toute dérive. Outre la couverture des besoins du Trésor, le financement non conventionnel était destiné au remboursement de la dette publique interne, notamment les titres de l'Emprunt national pour la croissance, levé en 2016, ainsi que les titres émis en contrepartie du rachat de la dette bancaire de Sonelgaz et ceux émis au profit de Sonatrach, en compensation du différentiel sur les prix des carburants importés et de l'eau dessalée Entre la mi-novembre 2017 et la fin janvier 2019, sur quelque 6556,2 milliards de dinars mobilisés par le Trésor auprès de la BA au titre du financement non conventionnel, 3 114,4 mds de dinars seulement, soit près de la moitié, ont été injectés dans l'économie, selon la BA.. Et sur les 6 556,2 milliards (mds) de dinars mobilisés jusqu'en janvier 2019 par le Trésor public auprès de la Banque d'Algérie, dans le cadre du financement non conventionnel, un reliquat de 610,7 mds de dinars restait à consommer d'ici à la fin 2019. Après avoir été abandonné en 2020, le recours à la planche à billets a été décidé en 2021 d'un montant, pour 2021, d'environ 2100 milliards de dinars, environ 16 milliards de dollars. afin d'éviter le recours à l'endettement extérieur.
La crise du Covid-19, a exposé les banques locales à dépasser 45% du total de leurs actifs bancaires avec une dette publique totale par rapport au PIB de 63,3% en 2021, contre 53,1% en 2020, et que la dette publique nette totale représentera 60,5%, contre 50,4% pour la même période. Il est admis par les experts qu'il faudrait une importation en devises par an 2021/2022, entre 15/20 milliards de dollars uniquement pour relancer l'appareil productif , existant et pour les nouvelles réalisations sachant que seulement, selon les estimations du ministre de l'Industrie fin 2020, pour les projets du fer de Gara Djebilet et le phosphate de Tébessa, l'investissement nécessaire est de 15 milliards de dollars, projets hautement capitalistiques dont la rentabilité ne se fera pas avant cinq années s'ils sont lancées en 2021, sans parler du port de Cherchell d'un coût estimé entre 5/6 milliards de dollars, et du projet gazoduc Nigeria -Algérie évoqué récemment par le ministre de l'Energie d'un cout estimé par les européens de plus du 17 milliards de dollars. Il faut être réaliste et pour être crédible, les recettes en devises si le cours se maintient entre 65/70 dollars et le gaz entre ¾ dollars le MBTU, sous réserve d'une relance de la production de Sonatrach qui connait une baisse entre 20/25% de sa production en volume physique entre 2010/2020, avoisineront 25/27, au maximum /30 milliards de dollars. Aussi, il ne faut pas parler de dépenses de plusieurs dizaines de milliards de dollars alors que l'Algérie, outre la crise de gouvernance, est en crise de financement. souffrant d'un manque de devises, et de rigidités structurelles, faute de réformes. La solution de facilité est la planche à billets dont pour 2021 la Banque d'Algérie se proposant d'émettre 2100 milliards de dinars environ 16 milliards de dollars qui sans contreparties productives risquent d'accélérer, comme au Venezuela, la spirale inflationniste, devant nous comparer aux pays similaires. L'Algérie devra à tout prix, éviter l'expérience de la Roumanie communiste qui pour préserver ses réserves de change, avec une économie interne en berne, a restreint d'une manière drastique les importations, ce qui a conduit à l'implosion sociale.Quant aux start-tup, il leur faut un environnement productif favorable étant des prestataires de services, ne pouvant donc évoluer dans le temps que dans un cadre stratégique clair, que si elles ont un marché. Or,, le tissu économique est caractérisé actuellement par plus de 95% étant des unités personnelles ou de petites Sarl à gestion familiale peu innovatrices, dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%, la restriction des importations ayant occasionné des ruptures d'approvisionnement. Où, selon les organisations patronales, plus de 50% des activités sont en sous-capacités ce qui influe sur le taux de chômage qui dépassera en 2021, selon le FMI 15%.
Aussi pour toute politique monétaire, il s'agit d'éviter de plaquer des schémas inadaptés et de comparer le comparable. Pour ce faire une idée du bilan et améliorer la gestion, ce qui suppose de préciser le coût initial des projets et ceux clôturés par rapport aux standards internationaux, et les justifications de ces différentes réévaluations, il y a lieu d'évaluer son impact sur le taux de croissance, le taux de chômage et le pouvoir d'achat des citoyens: enquêtes sur la répartition du revenu et modèle de consommation par couches sociales pour déterminer l'indice de concentration en termes réels selon une vision dynamique à moyen et long terme...
Les enquêtes sur le terrain montrent une mauvaise programmation, la surestimation des dépenses et de longs retards dans l'exécution des projets, de très importants dépassements de budget au niveau de différents projets, l'existence d'un décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles, l'absence d'interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d'investissement et le budget de fonctionnement, des passifs éventuels potentiellement importants, de longs retards entraînant des surcoûts pendant l'exécution des projets. C'est que le fondement de la politique keynésienne repose sur une économie de marché productive et réside dans le fait de considérer que la demande effective (c'est-à-dire le niveau de consommation et le niveau d'investissement) détermine le niveau de production donc le niveau de l'emploi. Les «stratégies» politiques de relance keynésienne se fondent sur l'importance du rôle de l'Etat dans l'économie, Keynes ne croyant pas à l'autorégulation de l'économie par les mécanismes naturels des lois du marché, mais pour Keynes, la création de richesses relève d'entrepreneurs privés.. En période de crise, les agents économiques ne dépensent pas et les entreprises n'investissent pas. Devant redonner confiance aux consommateurs; de mettre en oeuvre des moyens de répartition des richesses permettant aux agents économiques qui ont la propension moyenne à consommer , de baisser les taux d'intérêts pour stimuler le crédit à la consommation et aux investissements et enfin d'engager une politique de grands travaux publics qui provoqueront un effet multiplicateur de revenus et accélérateur d'investissements. Dans ce contexte, concernant le financement non conventionnel, évitons la comparaison avec l'Europe, le Royaume-Uni, le Japon(trois monnaies internationales convertibles et de grandes puissances économiques) et surtout les Etats - Unis d'Amérique, le dollar étant une monnaie internationale qui finance à la fois l'économie américaine, mais également le reste du monde, avec un fort déficit budgétaire, depuis la décision de Nixon de décréter la non -convertibilité du dollar vis-à-vis de l'or (1971). Pour le cas du Japon, c'est un pays qui a une grande épargne, la dette intérieure étant couverte par cette même épargne, les Japonais ayant préféré 'endetter leur Etat plutôt que d'augmenter les impôts expliquant la déflation. Pour le cas de la Turquie, pays émergent, ayant connu par le passé une dérive monétaire, cette dernière a été amortie car possédant d'importantes capacités productives. Comparons pour plus d'objectivé des cas similaires comme le Venezuela et le Nigeria pour ne pas commettre les mêmes erreurs.
A la lumière de l'expérience algérienne, le modèle keynésien de financement non conventionnel est difficilement transposable pour l'Algérie du fait de rigidités structurelles et de la faiblesse de la production locale et doit être encadré pour éviter al dérive inflationniste avec des incidences sociales et sécuritaires Bien que l'Algérie selon le FMI dans son rapport d'avril 2021, continue de bénéficier d'une marge de mouvement positive sur la dette extérieure, qui reste modeste, et qui selon le FMI, devrait atteindre 3,6% et 5,2% de la production respectivement en 2021 et 2022, contre 2,3% en 2020, la situation socio-économique est préoccupante imposant des mesures urgentes de redressement national.
L''endettement extérieur bien ciblé rentrant dans le cadre d'une création de valeur ajoutée interne et d'une balance devises positive ne s'oppose pas à l'intérêt national. Cependant, la réussite de la relance économique dépend avant tous des algériennes et algériens, impliquant une mobilisation générale, reposant sur un sacrifice partagé, une lutte contre la corruption et la mauvaise gestion et une vision stratégique conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale qu,i forcément avec de fortes résistances sociales des tenants de la rente. Conférence en présence du Premier ministre et des membres du gouvernement - Alger Club des Pins 06 novembre 2014 «face à la baisse du cours des hydrocarbures pour une nouvelle politique économique» reprenant le débat à Radio France Internationale RFI Paris le 24 octobre 2014 avec le professeur Antoine Halff d' Harvard qui était alors directeur de la prospective à l'Agence internationale de l'energie recommandations ignorées et l'Algérie subit les conséquences aujourd'hui- Sur le même sujet Interviews du professeur Abderrahmane Mebtoul à l'hebdomadaire français «le Point.Afrique (Paris/ France) (28 avril 2016) et American Herald Tribune-USA août 2018.
Ou l'Algérie, reste dans le statu quo en freinant,notamment les réformes institutionnelles et celles du système financier, alors elle ratera cette chance historique, ce qu'aucun patriote ne souhaite ou elle réalise cette transition nécessaire vers une économie de marché productive à finalité sociale au moyen d'une nouvelle gouvernance et elle pourra devenir, elle en a les potentialités, un acteur déterminant de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine.
Pour terminer, selon Keynes, un des plus grand économiste du XXème siècle, «l'idéologie est une chose et l'efficacité de la politique économique en est une autre».
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Posté Le : 04/09/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abderrahmane MEBTOUL
Source : www.lexpressiondz.com