Algérie

Le fils de Mehdi Ben Barka au Quotidien d'Oran «Le dossier est plus que jamais ouvert»



Bachir Ben Barka, fils du chef de l'opposition marocaine enlevé en octobre 1965 à Paris avant d'être assassiné, réagit au dernier livre consacré à l'affaire. Sorti vendredi en librairie en Israël, «Le lien marocain» n'a pas encore été publié en France. Son auteur, Shmouel Seguev, ancien officier du renseignement israélien reconverti à la presse, livre une énième version sur le forfait. Entretien. Le Quotidien d'Oran: L'affaire Ben Barka n'en finit pas de nourrir le champ éditorial. Avec « le lien marocain », c'est le énième livre à prétendre apporter sa part de vérité sur cette page tragique. Quel commentaire vous inspire à chaud son contenu ? Bachir Ben Barka: Pour l'heure, nous n'en avons qu'un résumé sous forme d'entretien de presse. Nous attendons de prendre connaissance du livre dans son intégralité avant d'en juger de sa fiabilité. Mais faudrait-il que nous ayons une idée sur la nature des sources auprès desquelles l'auteur s'est nourri. Q.O.: Shmouel Seguev parle de «révélations», allusion, entre autres, à l'enterrement de Mehdi Ben Barka à Paris. B.B.: Ce n'est pas la première fois que cette hypothèse est émise. Antoine Lopez (1) en a déjà parlé en 2000 dans un précédent livre (Confession d'un espion, Fayard). Ce n'est pas la version définitive, mais un récit de plus. Tant qu'elles n'ont pas été validées par la justice, elles restent des versions parmi d'autres. Q.O.: Avant de servir comme correspondant du quotidien israélien Maariv à Paris, l'auteur a servi comme officier au sein des renseignements militaires israéliens. Cela donne-t-il plus de poids à son récit ? B. B. : Aspect intéressant, le livre confirme la participation du «Mossad» dans la disparition de mon père. La complicité entre les services de renseignements marocains et israéliens n'est pas chose nouvelle. Dès 1966, moins d'un an après le forfait, un magazine israélien en avait fait état avec force détail. Q.O.: « Le lien marocain » paraît une semaine après la diffusion sur France 2 d'un téléfilm sur l'affaire. Le livre parle d'un enterrement en région parisienne quand le film évoque le transfert de la dépouille au Maroc et sa « dissolution » dans de l'acide. Ces deux versions sont-elles de nature à peser sur la recherche de vérité ? B. B.: La fiction, parce qu'elle touche un public plus large, peut avoir plus d'impact. Dès lors qu'il privilégie la version d'un corps annihilé, le film est susceptible de produire un effet négatif sur l'opinion. Il risque de conforter une impression fâcheuse selon laquelle, la dépouille ayant disparu, il n'y a plus rien à chercher. Le réalisateur a été convoqué par le juge en charge de l'affaire. Q.O.: Ouverte depuis trois décennies, l'instruction judiciaire donne l'impression de s'éterniser. Tout se passe comme si l'heure de vérité et de verdict est reportée sine die. B. B.: Le dossier est plus que jamais ouvert. Le juge est décidé à entendre les témoins, tous les témoins qui ont des choses importantes à dire, des éclaircissements à apporter. Certains, présents à la maison de Boucheseiche dans les heures qui avaient suivi l'enlèvement, ont sûrement des choses à dire. Leurs témoignages seraient décisifs pour le cheminement de l'enquête. Malheureusement, des écueils continuent d'entraver leur interrogatoire. Il y a urgence à les entendre. Plutôt ils seront entendus et mieux c'est pour la manifestation de la vérité. Rien ne doit s'y opposer. Le vieillissement irrémédiable faisant son oeuvre, des témoins aux confessions décisives risquent de mourir, emportant avec eux leur part d'éclairage. Q.O.: La quête de vérité fait-elle du surplace ou connaît-elle des avancées ? B. B.: Même si la nature du forfait - un crime politique signé - n'a jamais fait l'ombre, la vérité avance. A mesure des années, elle se construit par petits morceaux. Mais l'avancée rapide du dossier suppose une réelle volonté politique chez tous ceux qui, à un titre ou un autre, ont agi dans l'enlèvement et la disparition de mon père. Tous les pays dont les services de renseignement y ont joué un rôle sont tenus de se prêter au travail de la justice. De ne plus se laisser conduire par la raison d'Etat au risque de bloquer la manifestation de la vérité. Vieille de quarante-deux ans, l'affaire n'a que trop duré. Il est temps que l'opinion publique sache les tenants et aboutissants du forfait, qui a commis quoi ? Il y va de la mémoire de mon père et de la mémoire du Maroc. Q.O.: A s'en tenir aux informations de presse, le « secret défense » a été levé en France sur l'ensemble des documents inhérents à l'affaire. B. B.: Ce n'est pas tout à fait le cas. Une partie des documents reste encore frappé du sceau du «secret défense». Nous continuerons à agir afin qu'elle puisse être consultée par le juge d'instruction. (1) Chef d'escale d'Air France, il était un agent travaillant pour le SDECE (le service d'espionnage français). Maillon de l'affaire, il a joué un rôle dans le piège tendu à l'opposant marocain.


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