Le nouveau commissaire de ce festival livre, dans cet entretien, les différentes articulations du programme de cette quatrième édition qui se veut une fête de la littérature et des auteurs, tout en accordant une place importante au volet professionnel.
Liberté : Pour cette 4e édition, le Feliv fait peau neuve. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Azeddine Guerfi : Cette année, le Feliv se caractérise premièrement par sa délocalisation. Il va se tenir en même temps dans trois villes et dans quatre endroits. On maintient le village du livre au niveau de Riadh El-Feth, puis on va dans une très grande place d’Alger : El Kettani, qui est très populaire, où se déroulera une grande partie des ateliers qui se font à l’Oref. On déplace également le Feliv au palais de la culture Malek-Haddad de Constantine, et au palais d’El-Méchouar à Tlemcen. L’idée est de faire presque les mêmes ateliers dans ces quatre endroits. Il y aura même les ateliers-phares et originaux que des personnalités étrangères de renommée internationale animeront ; parmi elles Barly Baruti (Congo-Kinshasa), Rasha Monner (Égypte), Florent Torres (France), etc. La seconde nouveauté est que, cette année, on a décidé de faire deux grandes librairies (de 200 m2 chacune), avec près de 3 000 nouveautés. Ce sont des livres qui ne sont pas disponibles en Algérie. L’idée est de proposer une autre lecture aux Algériens, leur faire découvrir d’autres littératures ; faire découvrir également une autre littérature-jeunesse d'éditeurs pas forcément très connus que ce soit en France, Belgique et dans le monde arabe. Le choix a été fait en partenariat avec l’Association des libraires algériens (Aslia). De plus, une partie de ces livres importées sera exposée à la librairie Média Plus à Constantine, chez Saïd Hannachi, et une autre à Tlemcen, par notre ami le libraire, M. Bouali.
Pourquoi cette délocalisation ?
L’idée du Feliv est qu’il faut qu’il soit culturel, professionnel, mais également festif et populaire. On a la chance d'avoir des personnalités de la littérature, alors pourquoi ne pas en faire profiter le maximum d’Algériens. On a aussi saisi l’occasion de “Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011” pour faire un Feliv à Tlemcen, et on s’est dit pourquoi pas une autre ville. Et c’est ainsi que cela a abouti sur deux villes. Pour les prochaines éditions, on choisira deux autres villes, peut-être Annaba/Oran, ou Batna/Sidi Bel-Abbès, ou encore d’autres villes du Sud. L’idée est de faire profiter les Algériens de ces personnalités, de ces stars de la littérature qui vont se déplacer dans ces villes ; et puis Alger, ce n’est pas l’Algérie.
La participation d’éditeurs étrangers a été remplacée par deux grands espaces internationaux. Pourquoi ?
La plupart des grandes maisons d’édition qu’elles soient moyen-orientales ou européennes – enfin françaises –, sont représentées (Hachette a son représentant, Sodis également…). Puisque ces livres sont disponibles en librairie, pourquoi ne pas faire découvrir autre chose que ces fonds-là, et c’est de là qu’est partie l’idée. Le Feliv est un festival de littérature, donc un festival d’auteur et non un Salon d’éditeurs ; ce sont les auteurs qui sont invités. Les espaces sont intéressants parce que c’est le Feliv qui fait des choix risqués puisqu’on va choisir des ouvrages qui n’ont pas l’habitude d’être en librairie, et ce afin d’offrir un éventail plus large. C’est aussi l’occasion au Feliv de mettre en avant les auteurs et les éditeurs algériens. De plus, on ne compte pas le nombre de pays participants – ce n’est pas ça l’objectif, ça reste un festival. Et l’idée de festival, chacun la conçoit à sa manière ; on ne veut pas faire un mini-Salon.
Pour la première fois, le Feliv s’associe à Aslia. Quelles en sont les raisons ?
Les libraires sont sur le terrain. On les a associés parce que ce sont des professionnels, et pour élargir la réflexion sur le choix des livres, la gestion et la promotion du livre jeunesse, car on ne souhaite pas que cette expo de livres soit une opération ponctuelle. On souhaite que ces livres après le festival aillent en librairie, qu’ils continuent à se vendre, et que les libraires continuent à les commander. C’est cette idée de continuité qui nous a poussé à nous associer avec les libraires. Par ailleurs, sur ces deux espaces internationaux, il y a eu un travail qui a été fait avec les libraires dont c’est le métier de gérer ce genre d’espaces, d’approvisionner… Ça, c’est la partie visible. Il y a d’autres types de partenariat, par exemple des formations. Il y a un vrai lien avec les différents acteurs de la chaîne du livre.
Le volet professionnel occupe une bonne place dans cette édition…
Nous avons pensé à tous les maillons de la chaîne du livre, en commençant par les auteurs et cette fois-ci, on parle d’auteurs jeunesse. Comme la plupart produisent en langue arabe, on a ramené une personnalité du monde arabe très connue, Cathy Khattar – une référence dans le monde arabe – qui va animer un atelier d’écriture pour des auteurs jeunesse. Il y aura aussi un atelier pour jeunes auteurs. On a ramené également Rasha Munner (Liban), qui est une spécialiste en la matière. Cette année, nous avons pensé à SOS Village d’enfants de Draria. C’est eux qui vont faire une sélection de 16 personnes qui seront initiées à l’écriture. Le troisième atelier est destiné aux éditeurs. En effet, concernant l’édition jeunesse, on sent qu’il y a un besoin en formation ; on a ramené Marie Lallouet, qui a été éditrice jeunesse chez Gallimard, qui dispensera une formation pour les éditeurs sur la gestion d’une collection jeunesse aussi. Pour les libraires, Michèle Capdéqui encadrera un atelier une formation portant sur l’aménagement et la gestion du rayon jeunesse. On a même un colloque autour du rôle de la bibliothèque publique dans la diffusion de la promotion du livre, et là aussi, on a associé des spécialistes dans la matière, qui viennent du Moyen-Orient et d’Europe, qui vont nous parler de leur expérience, et de la relation bibliothécaire-libraire, bibliothécaire-éditeur. Des éditeurs et des libraires vont participer également à ce colloque, ainsi que des représentants des ministères de la Culture, de l’Éduction, et les bibliothèques nationales. Et on aspire à sortir avec des recommandations.
Est-ce qu’il y a justement une relation entre le bibliothécaire, le libraire et l’éditeur ?
En tant que professionnels, je crois qu’on est coupé de ce maillon-là, qui est normalement le premier client des éditeurs et des libraires. On pose la problématique parce qu’il y a un vrai problème : les bibliothèques sont gérées d’une autre manière. Et l’État, depuis maintenant quatre ou cinq ans, investit beaucoup dans le secteur. On veut réfléchir sur comment devront fonctionner les bibliothèques et les relations qu’elles doivent avoir avec les professionnels.
Vous avez dit que le Feliv est un événement culturel festif et non un Salon. C’est la raison pour laquelle il n’y aura pas de réduction sur les prix des livres ?
Les réductions des prix, tout le monde en parle. On est les premiers à dire qu’il ne faut pas faire de réduction. Si un éditeur dans son stand, a envie de faire de petites promotions, il n’y a pas de souci. Mais il n’y a pas de volonté du Feliv de proposer des réductions. D’abord, il ne faut pas perdre de vue que sur les stands exposants, il y a 60 éditeurs nationaux. Je pense qu’au niveau national, les prix sont assez abordables. Un éditeur national propose des prix étudiés pour le marché algérien. Donc, on ne va pas lui demander de baisser encore ses prix. Il ne faut pas non plus pénaliser la librairie qui doit rester, dans la pratique culturelle des gens, le lieu où ils achètent les livres. C’est bien de venir et de voir les espaces internationaux, mais il ne faut pas que ça devienne le rendez-vous commercial, et que ça pénalise les librairies. Il ne faut pas que les salons ou les foires soient les concurrents des détaillants, parce que les libraires vont disparaître. Les gens vont faire des économies pour faire des achats une seule fois. Ce n’est pas par rapport aux prix que les gens achètent. Ils découvrent des nouveautés qu’ils peuvent retrouver chez le libraire. C’est l’idée de continuer de vendre dans les librairies qu’on défend.
Le programme du 4e Feliv est riche et étoffé. Quel sera l’activité-phare de cette édition ?
Effectivement, l’activité-phare sera quelque chose de totalement inédit. C’est dans le volet littérature où il y aura les dialogues d’auteurs. L’idée c’est de mettre un auteur de renommée mondiale face à un auteur algérien, avec un modérateur. Ces auteurs vont parler de leur expérience dans l’écriture, de leurs débuts… Il y aura six rencontres qui mettront face à six auteurs algériens six auteurs internationaux. C’est l’occasion d’avoir des rencontres et des échanges de dialogue entre les deux, mais c’est aussi l’occasion de mettre en avant les auteurs algériens. Souvent, dans ce genre de manifestations internationales, on met l’accent sur les personnalités qu’on invite de l’extérieur. C’est vrai que c’est important de dire ceux qu’on a invités, mais il ne faut pas oublier que face à ces gens-là, on place aussi des auteurs algériens. Ça sera, pour moi, le clou du festival. Ça se passera en début de soirée, et les gens auront le temps de venir, même ceux qui ne sont pas en congé. Et ça sera vraiment ça, raconter des parcours, croiser des expériences de vie, d’écriture…
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 21/06/2011
Posté par : litteraturealgerie
Ecrit par : Par : Amine Idjer
Source : www.liberte-algerie.com