Algérie

Le faux serf et la faucille



Le faux serf et la faucille
L'amour mène à tout, Youssef avoue avoir falsifié pour protéger Soraya, sa fiancée.
C'est vers les onze heures vingt que le tribunal criminel d'Alger fit son entrée solennelle dans la salle d'audience de la cour d'Alger sise au Ruisseau, Place Emiliano Zapata. Et le tribunal criminel était présidé par l'imperturbable Mériem Derrar encadrée solidement par ce bon vieux renard des juridictions, Abdenour Amrani et la jeune louve Nadia Bouhamidi, alors que le siège du ministère public était occupé par la tranchante Rachedi, une procureure qui a mûri depuis le temps qu'elle exerce au parquet.
Deux jeunes accusés, Youssef, un étudiant en interprétariat et Soraya, sa fiancée, la mine défoncée, sont appelés à la barre juste après que le greffier eut achevé, en dix minutes la fastidieuse lecture de l'arrêt de renvoi de l'affaire de faux qui les concerne. Auparavant, le tirage au sort a permis aux deux jurés de prendre place, une fois le serment d'usage articulé. Les avocats eux, étaient arrivés très tôt au deuxième étage de la cour, le temps de saluer leurs deux clients, auteurs d'émission de faux billets de mille dinars juste après l'opération fabrication ultra-top de la fausse monnaie. Le visage livide, Youssef répond sans paniquer aux questions de la présidente qui domine visiblement les débats. Normal, depuis que Mériem fouille les dossiers depuis plus d'un quart de siècle!
C'est ainsi qu'elle allait réussir à faire parler l'accusé, lequel était décidé à reconnaître des faits auparavant niés à propos du nombre de billets (faux s'entend) écoulés, donc fabriqués. Après un bon moment d'échanges vifs mais incompréhensibles sortis de la bouche du jeune accusé qui était en pleine panique Derrar décide d'éloigner pour une pause l'accusé Youssef et demande à la jeune fille de s'expliquer. Elle commence en usant de la langue française, mais la vigilance de la présidente fait qu'elle revient à la langue nationale.
Pas pour longtemps, car la jeune Soraya revient vite au français vite «miné» par le dialectal. L'essentiel est que les réponses soient cohérentes et donc avalables par le tribunal.
Ce qui est certain, c'est que la magistrate est à l'aise. Elle ne rencontre aucune résistance de la part de l'accusée non détenue, contrairement au jeune garçon aux côtés duquel se tient Maître Benkraouda Amine qui sera formidable plus tard en plaidant.
Les deux suivent le récit de la jeune accusée qui reconnaît pas mal d'évidence. Et voilà que Rachedi se mêle des débats. L'air grave, elle est plus que tranchante. Elle s'appuie fermement sur les procès-verbaux dont des copies se trouvent dans le dossier du jour. «Vous aviez reconnu avoir dépensé dix faux billets de mille dinars. Oui ou non' L'accusé répond par l'affirmative en prenant soins de préciser que c'était juste pour que le juge d'instruction le laisse souffler un moment.
La victime répond à son tour aux questions du tribunal criminel sans trop l'éclairer sur ce qu'il avait déjà dit durant l'enquête, il y a un peu plus de huit mois.
D'ailleurs, nous n'apprendrons pas grand-chose non plus de la part du témoin à qui Mériem fait prêter serment. Le jeune témoin, aussi beau que l'accusé, est vite pris d'un trac qui lui fait perdre sa manière de se tenir debout, surtout que la juge lui rappelle que l'idée de faire la fausse monnaie était de l'accusé, debout à ses côtés.
Maître Malia Bouzid posera bien deux petites questions au témoin en vue d'obtenir deux grosses réponses salvatrices pour les accusés.
Derrar, elle, préfère revenir aux deux millions de centimes nés du faux...
Et surtout aux faits qui avaient débuté par la remise d'un premier faux billet pour acheter une petite boîte de fard à joues et récupérer de la vraie monnaie.
Le second billet servira à Soraya à acheter un autre objet de beauté et récupérer, là aussi, de la vraie monnaie, vous savez, ces vrais sales billets déchirés de deux cents dinars.
Et lorsque le pot-aux-roses fut découvert, la Police judiciaire usera de tous les moyens, selon une proche de Youssef pour arracher des aveux menant vers les vingt ans réclamés par cette dame aux dents longues, sérieuse, aimant le siège du ministère public plus que sa propre personne, nous nommons Rachedi qui aura l'occasion de faire trembler de toute leur carcasse Soraya et Youssef par un intrépide et rusé jeu de questions-réponses qui mit mal à l'aise les avocats de la défense.
A l'issue de courtes délibérations, Soraya écopa d'une amende de douze mille dinars et Youssef de trois ans d'emprisonnement dont un seul ferme. C'est à dire qu'il ne lui reste que quatre mois à purger avant le mariage avec Soraya qui l'attendra sur des braises pourpres...




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