Algérie

Le Dr Ahmed Benbitour hier au Forum de "Liberté"



Le Dr Ahmed Benbitour hier au Forum de
Les appels au boycott expriment, en réalité, l'absence de libre choix et le rejet d'un régime à bout de souffle, à l'image de son candidat.Qu'il y ait un tour ou deux tours, la prochaine élection sera fermée à double tour, semble nous dire le Dr Benbitour, sans détour. Et tout le monde le croit, semble-t-il. En se portant candidat, l'ancien chef de gouvernement, qui était hier l'invité du Forum de Liberté, avait, d'emblée, accepté de jouer le jeu et d'être naïf "par principe". On se souvient qu'au mois de Ramadhan passé, le Dr Benbitour, déjà candidat à la présidentielle, plaçait beaucoup d'espoir dans le prochain scrutin. Depuis, il a vite déchanté.Il vient de se retirer de la course présidentielle non sans avoir réussi à recueillir, dans des "conditions difficiles", 85 075 signatures, dépassant ainsi, de loin, les 60 000 exigées par la loi. "Oui, c'est dommage surtout pour celui qui s'est le plus dépensé...", avoue-t-il, amèrement. Mais alors, pourquoi se présenter pour se retirer à l'approche de l'élection ' Pour l'ancien chef de gouvernement, "une fois de plus, les forces de la fraude auront pris le dessus sur l'argumentation convaincante". D'après lui, Bouteflika est sûr d'être réélu grâce au dispositif qu'il a lui-même mis en place. Toutes les institutions et tous les appareils en charge du scrutin sont entre les mains de ses proches. "La directive du président de la République sur la neutralité de l'administration tout au long du processus électoral a été transgressée par celui-là même qui l'a promulguée", note-t-il. Citant les nombreuses transgressions qu'il a eues à constater, l'ex-candidat met en exergue notamment le discours consacré à la promotion du 4e mandat pour Bouteflika, relayé en boucle par les médias publics. Et il n'y a pas que ça : il y a également "l'usage inconsidéré des deniers publics, le maintien d'un gouvernement dont les membres sont notoirement connus pour leur allégeance au Président-candidat, la vassalisation de l'administration, l'instrumentalisation de la justice et la confiscation des médias publics, etc." Bref, autant de raisons suffisantes pour que Benbitour déclare que la prochaine élection va consacrer, une fois encore, une "rupture du pouvoir avec le peuple". D'après lui, la présidence de la République, qui est la première haute institution étatique du pays, se doit d'observer la neutralité "entre le Président en exercice et le candidat à l'élection présidentielle". Dans ce jeu de rôle, il soupçonne que c'est l'administration qui se présente aujourd'hui à cette élections "et pas le Président en exercice".Si l'on comprend bien, Bouteflika est déjà élu sans panache par un comité restreint, une société virtuelle dont le noyau dur serait composé d'apparatchiks, de fonctionnaires, de baltaguias et de faux moudjahidine qui n'en sont pas à une trahison près. Et c'est, semble-t-il, le frère du président, Saïd Bouteflika, qui va prendre bientôt le commandement de la troupe, une bande de joyeux drilles, tous pétris de mauvaise conscience. Tout ce beau monde va nous promettre bientôt, par monts et par vaux, un paradis terrestre sous la conduite éclairée d'un chef d'Etat qui ne s'est pas adressé à son peuple depuis deux ans. D'ailleurs, la dernière fois qu'il a parlé à son peuple, Bouteflika lui a dit, comble de l'ironie, qu'il fallait laisser la place aux plus jeunes. La bonne blague ! On en rigole encore dans les chaumières. On n'a donc même pas à s'interroger sur les arguments électoraux que vont nous sortir ses "souteneurs" pour tenter de convaincre un électorat incrédule face l'acharnement à maintenir, coûte que coûte, un "Président périmé".Quand les élections tuent la démocratieS'agissant du rôle de l'armée dans la désignation et dans le maintien des chefs d'Etat en Algérie, Benbitour dit ne pas être sûr, cette fois, que ce soit l'Armée qui est en train d'installer Bouteflika. "J'avais fait le pari qu'il parte tout seul en espérant qu'il soit envisagé au sommet de l'Etat un changement et une refondation du pays. Malheureusement, cela n'est pas le cas." D'après lui, nous sommes aujourd'hui dans une logique de plébiscite. À l'entendre, nous avons affaire aujourd'hui à des gens véritablement méchants et cyniques, capables de tous les excès et de toutes les violences. "Il s'agit d'un nombre restreint d'individus qui prennent des décisions à la place des institutions habilitées", souligne-t-il. "Quand on est ministre, on est soumis à la discipline et à la solidarité gouvernementale. Et quand on en vient à parler d'autre chose que de politique sectorielle, on engage alors tout le gouvernement." Sur ce registre, et ce n'est pas le Dr Benbitour ou encore moins le Dr Sadi qui était, la semaine dernière, l'hôte du Forum de Liberté, qui nous démentiront : il existe bien sur la scène politique algérienne des hommes et des femmes qui n'ont plus d'émotions, mais que des intérêts matériels. À l'image de ceux-là-mêmes qui criaient hier "Pouvoir assassin" et qui se retrouvent aujourd'hui au gouvernement. À défaut de s'acheter une nouvelle conscience, ces zélateurs vendent et revendent tous les jours que Dieu fait une dignité qu'ils n'ont jamais eue. Après le départ inéluctable de Bouteflika, beaucoup n'auront plus de possibilité de repêchage. C'est pour cela qu'ils jouent, semble-t-il, aujourd'hui, leur va-tout. Revenant sur l'interdiction de mener campagne pour le boycott et la répression des manifestations contre le 4e mandat, l'invité de Liberté estime pas moins que c'est le système qui pousse les gens à investir la rue. "C'est le pouvoir qui les pousse à manifester. Ceux qui veulent le changement n'ont plus que la violence pour se faire entendre", déplore-t-il. Pour lui, la levée de l'état d'urgence n'aura été qu'une énième imposture.Dans l'attente d'une révolte à venirD'ailleurs, cet étouffement des libertés témoigne, si besoin est, que sous le règne de l'actuel locataire d'El-Mouradia, le caractère despotique du pouvoir algérien n'en finit pas de s'affirmer. Le suffrage universel, seul moyen d'expression de la volonté populaire, n'ayant plus de sens en Algérie, le régime ne tient plus, désormais, que par la coercition et la terreur. "Les risques du dérapage sont du côté du pouvoir. S'il y a déflagration dans le pays, ce ne sera pas la faute des gens qui appellent à l'ouverture démocratique, mais bien à cause de ceux qui ferment tous les espaces démocratiques d'expression." D'après lui, il apparaît ainsi bien difficile pour l'opposition de s'exprimer et de choisir dans ces conditions hostiles une personnalité consensuelle qui puisse représenter véritablement une menace pour le système. Mais pour lui, là, n'est pas le problème : "Même sans un leadership unifié, des peuples ont réussi à faire partir leurs dictateurs. Les tenants du pouvoir ont souvent des avoirs à l'étranger. Certains mêmes rêvent d'un paradis de l'exil. Ils ont donc intérêt à partir dans le calme. Et quoi de mieux que des élections présidentielles pour le faire '" Benbitour, qui prône une "rupture négociée", estime que cette élection présidentielle de 2014 aurait pu offrir cette opportunité. Interrogé, en outre, sur la récente apparition de Bouteflika lors du dépôt de sa candidature au Conseil constitutionnel, et qui n'a laissé, notons-le, planer aucun doute quant à sa santé défaillante, Benbitour s'est seulement contenté de renvoyer l'assistance à l'opinion générale que s'en est faite la population et qu'il partage du reste. Il faut dire que la méprise à laquelle s'est livré le président sortant en citant, maladroitement et avec une voix chevrotante, un article erroné de la loi électorale renseigne assez sur son incapacité à conduire le pays. Ainsi, malgré sa grande réserve, l'orateur semble, lui aussi, effaré par la candidature d'un impotent. Benbitour ne veut pas se résoudre, lui aussi, à cette idée funeste selon laquelle les dirigeants du pays ne lâchent les rênes du pouvoir que sous la contrainte des armes ou à la suite d'un décès. "Est-ce cette Algérie qui a sacrifié plus d'un million de valeureux chouhada '" D'après lui, les Algériens ne pourront souffrir longtemps que leurs dictateurs meurent de vieillesse sur le trône et que leurs plus grands corrompus meurent de rire à l'étranger, et ce, après les avoir dépouillés. "Vous savez, la réalité est pire que l'analyse scientifique", prévient-il. L'ancien chef de gouvernement prévoit, ainsi, une "révolte" sous peu, et non pas une "révolution" qui exige, selon lui, une véritable stratégie. Il considère seulement que le régime est usé à l'image de son candidat fétiche et il espère, comme beaucoup d'Algériens, que cette énième mascarade soit son ultime soubresaut. D'après lui, le pouvoir algérien ne veut toujours pas s'amender et tout laisse présager un nouveau scrutin truqué. Benbitour s'attend à ce que ce soit véritablement le dernier. Et pour cause : "Le changement s'est résumé jusque-là à des réformes cosmétiques, de façade, sans contenu réel, et destinées essentiellement pour l'étranger. Le reste, il y a eu la rente pour élargir le cercle des courtisans... mais jusqu'à quand '" Pour lui, le système est, bel et bien, menacé aujourd'hui d'un grand bug. Tel ce prédateur qui se sentait infaillible et qui a fini comme une proie, le régime se sent tellement invulnérable qu'il s'en est allé jusqu'à oublier, selon lui, quelques mesures de précaution essentielles.Pour un Crua II"Il faut se mobiliser pour faire en sorte que le bouillonnement à venir soit propice à l'édification d'un Etat de droit. Pourquoi ne pas créer une structure à l'image du Comité révolutionnaire d'unité et d'action, un Crua II puisque la situation est similaire à la période qui avait précédé le 1er Novembre 1954 '" Benbitour y voit plusieurs similitudes. En matière de sigles, il regrette particulièrement qu'après que l'ALN ait opté pour le sigle ANP, le FLN ne se soit pas transformé à son tour en FPN.Enfin, l'orateur partage le point de vue selon lequel c'est tout le pouvoir algérien qui continue à s'imposer au peuple par le biais de divers subterfuges. Mêmes les plus grotesques comme ces montages vidéos et ces images truquées de l'ENTV ! Pour faire face à une opinion sceptique, les mises en scènes se renouvellent sans cesse avec, à chaque fois, quelques ratés. Ainsi, dans sa déclaration du patrimoine, Bouteflika n'évoque pas de comptes bancaires ni en dinars et en devises. Mais comment est-ce possible ' Le chef de l'Etat évoluerait-il, lui aussi, dans l'économie informelle, la fameuse chkara si décriée dans le discours officiel ' Pour l'ancien ministre des Finances, il s'agit probablement d'une "omission". Il reste persuadé que le chef de l'Etat doit avoir au moins un compte au trésor. S'agissant de la crédibilité de ces déclarations de patrimoine des candidats à la magistrature suprême, le Dr Benbitour précise que l'Inspection générale des finances (IGF) et la Cour des comptes ont toute latitude pour vérifier leur exactitude. Ce qu'il faut relever de l'intervention de Benbitour, hier, au Forum de Liberté, ce sont ses déclarations qui ont le mérite d'êtres claires.Le citoyen tout comme le lecteur n'a plus le temps, en effet, de lire dans les pensées des gens, ou encore de décrypter leurs messages subliminaux. Devant la confusion sciemment entretenue dans le pays, ce candidat au-dessus de tout soupçon a démontré qu'il était capable de faire preuve de recul et d'autocritique sur ses propres actes. Il en a tiré aujourd'hui les conséquences. Pour se sortir de ce scénario kafkaïen et essayer de comprendre ce qui se passe dans ce merveilleux pays, il faudrait peut-être s'attacher, cette fois, les services de kremlinologues, si tant est qu'ils existent encore. En tout cas, la situation actuelle est tellement opaque et dangereuse qu'elle exige, de chacun de nous, des prises de position sans ambiguïté. Il en va de l'avenir du pays !M.-C. L.NomAdresse email




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