Algérie

Le don d’organes en débat au forum d’El Moudjahid : 7 000 malades en liste d’attente



Le don d’organes en débat au forum d’El Moudjahid : 7 000 malades en liste d’attente
Ces mots ont été lâchés par les professeurs Rayane et Benabadji, respectivement président de la Société algérienne de néphrologie, dialyse et transplantation et chef de service néphrologie à l’hôpital de Beni Messous invités, hier, du Forum d’El Moudjahid. Les deux spécialistes qui mènent depuis des années un combat contre les préjugés et les lois devenus obsolètes ont tenu encore une fois à tirer la sonnette d’alarme et alerter et les pouvoirs publics et l’opinion nationale sur la détresse de ces malades. La célébration de la Journée mondiale du don d’organes et de la greffe qui coïncide avec la journée du 17 octobre est une occasion pour entamer une énième campagne de sensibilisation. L’objectif principal est d’inciter les citoyens à « prendre une décision sur le don d’organes et à partager avec ses proches ». Et surtout appeler à la mise en place urgente d'une « véritable stratégie » en faveur du don d'organes. Le forum d’El Moudjahid s’est voulu une tribune pour ces deux éminents médecins ; pour centrer les débats sur la sensibilisation sur un « geste de solidarité » qui peut sauver une vie.

950 greffes rénales en… 26 ans
Dans son intervention, le professeur Rayane fait un constat amer. Le nombre de greffes réalisé par an ne dépasse pas la centaine alors que les besoins sont estimés à 500 greffes par an. Il ne s’en cache pas : l’Algérie accuse un déficit flagrant en matière de transplantation d’organes en général et en greffe rénale plus particulièrement. Cet état de fait trouve son explication dans diverses causes. Manque de culture de dons d’organe, manque de confiance en le corps médical, contraintes d’ordre bureaucratique … Selon les chiffres avancés par le conférencier, depuis 1986, on n’a enregistré que 950 greffes rénales et une trentaine de transplantations hépatiques. Il faut dire que sur les 950, 500 sont toujours en vie.
Une précision de taille : 99 % des transplantations sont effectuées à partir de donneurs vivants apparentés, et seulement 8 greffes à partir de donneurs décédés ont été réalisées durant 26 années. Dans ce sillage il faut souligner que le prélèvement sur donneurs décédés ne représente que 7 sur 1.000 greffes. L’invité du forum a également souligné que la liste d’attente qui était de 3 000 patients en l’an 2000 a doublé en l’espace de 10 ans. Aujourd’hui ils sont 7 000, dont moins de 20% disposent d’un donneur apparenté, à vivre avec l’espoir d’être guéri grâce à une transplantation. L’autre chiffre effarant avancé par le spécialiste est celui de 14 500 patients actuellement traités par une méthode de suppléance appelée communément dialyse. Il y a lieu de noter que la prévalence de l’insuffisance chronique traitée a atteint 460 patients par million d’habitants, et le nombre de cas incidents est estimé à 3 500 nouveaux cas par an. Quand au nombre de donneurs, il n’existe pas de listing puisque ce sont les membres de la famille qui sont volontaires. Et évidemment c’est la mère qui est la première à se proposer, selon le professeur. Il se rappelle toujours de la première greffe ; une maman qui a « offert » son rein à son fils de 27 ans.

La religion n’est nullement une entrave
Les invités du Forum ont tenu à rappeler que notre religion ne s’est jamais opposée au don d’organes. Dans notre pays une fetwa a été émise dans les années 1980 par feu cheikh Hamani. D’ailleurs, les imams ont un grand rôle à jouer dans la campagne de sensibilisation car les citoyens sont plus réceptifs au discours religieux qui incite à des actes de charité. L’autre problème soulevé par les conférenciers con-cerne les textes de loi restrictifs dans le domaine du don d’organe. Pour les deux professeurs, qui affrontent la réalité du terrain, le législateur ne s’investit pas pour promouvoir l’accès à la greffe. Dans ce contexte, ils proposent une réflexion sur l’élargissement du cercle des donneurs vivants, actuellement limité aux ascendants, collatéraux et descendants. Cet élargissement pourrait s’étendre aux autres membres de la famille. Mais alors qu’en est-il de la compatibilité ? Pour le professeur Rayane, le problème ne se pose plus grâce aux progrès de la médecine. Les cas de rejet sont très rares. En revanche, le marchandage avec des organes existe, et certains seraient prêts à échanger un organe contre un appartement si possible.

Prélèvement sur cadavre, un délai de 48 heures
Aujourd’hui, le plus grand défi est de réussir à développer la transplantation à partir de donneurs décédés en mort encéphalique. Le taux du refus des familles est de l’ordre de 90 %. Une famille sur 10 accepte que soient prélevés des organes sur leur parent décédé. Ce refus a pour origine la volonté du défunt. M. Benabadji reconnaît qu’il est difficile de convaincre une famille qui vient de perdre un être cher. Il dira que les spécialistes ne disposent que de 48 heures. Pour cela il préconise l’installation d’une équipe composée d’imam, de psychologue pour inciter la famille à prononcer un oui qui permettra à une autre personne d’entamer une autre vie. Car en fait, recevoir un nouvel organe, c’est entamer une nouvelle vie, comme dira le professeur Rayane. Selon un document remis à la presse, on peut lire que le ministère de la Santé en collaboration avec le Comité médical national de prise en charge de l’insuffisance rénale chronique (2011-1014) et dans les actions à entreprendre figure le développement et la transplantation rénale à partir de donneurs décédés en mort encéphalique et la promotion du don d’organes. Dans cette perspective ils seront pris en charge précocement dans des unités spéciales de réanimation. Une fois que le diagnostic de mort neurologique est confirmé, une structure spécialement conçue pour recevoir les parents du défunt est mise à la disposition de l’équipe. Enfin les deux spécialistes ont mis l’accent sur la nécessité de créer une agence nationale de greffe d’organes et de tissus. Elle aura pour mission l’élaboration d’une stratégie nationale à l’égard des dons et greffes d’organes et de tissus, la mise en œuvre de règles de répartition et attribution de greffons ainsi que la rédaction de bonnes pratiques relatives à l’activité de greffe. Par ailleurs le Pr Rayane a évoqué l’Institut de néphrologie initié par le Président de la République. Cette institution importante qui va apporter beaucoup en matière de soins à dispenser et dans le domaine de la recherche tarde à voir le jour. Il y a lieu de noter que les deux professeurs ont voulu joindre leur voix au professeur Bouzidi qui a appelé les pouvoirs publics à permettre le transfert de malades à l’étranger. Comme ils demandent que les commissions chargées de ce dossier de travailler dans plus de transparence pour que seuls les cas graves qui ne peuvent être pris en charge en Algérie bénéficient de transfert à l’étranger.
Nora Chergui

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17 octobre : Journée mondiale du don d'organes et de la greffe
Depuis 2005, l'OMS a promulgué la Journée mondiale du don d'organes et de la greffe. Elle se tient chaque année le 17 octobre. Cette journée est partie d'un constat alarmiste. Des milliers de patients subissent toujours l'angoisse de l'attente, alors qu'on sait que chaque jour passé sur la liste dans l'espoir d'une greffe est une perte de chance. Chaque jour, des hommes, des femmes et des enfants meurent faute d'avoir pu être transplantés à temps, alors que la médecine aurait été en mesure de les sauver. Cette situation est essentiellement due à un déficit d'information du grand public...


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