Le patronat privé, après des années de ruminations et de rancoeurs semi-secrètes, aurait-il gagné la partie ? Ahmed Ouyahia, en recevant une délégation du Forum des chefs d'entreprises conduite par Réda Hamiani, a fait, jeudi, la déclaration qu'attendaient sans y croire des patrons algériens dépités par des choix économiques qui font la part belle aux entreprises étrangères. Il a fait savoir aux entrepreneurs nationaux, indique un communiqué, «l'importance que le gouvernement leur accorde et les espoirs que l'Algérie fonde en eux pour la construction d'une économie solide et diversifiée». Une déclaration très «tendance» depuis que le chef de l'Etat a dressé, fin juillet, devant les maires, un constat d'échec de la politique d'ouverture aux investissements extérieurs mise en oeuvre par l'Algérie. En gros, les facilités et les exonérations accordées par l'Algérie ne se sont pas traduites par des «investissements réels». La suite est connue, une cascade de mesures destinées à recadrer l'investissement. C'est que les IDE, sur lesquels étaient fondées des projections quasi miraculeuses, se sont avérés plutôt modestes, peu créateurs d'emplois et n'ont guère favorisé un transfert de technologie. Toutes les vertus supposées et attendues avec ferveur de ces IDE ne se sont pas vérifiées. A l'opposé, les opérateurs étrangers ont transféré beaucoup de bénéfices et ont peu réinvesti les profits dans des projets productifs. En termes clairs, les filiales d'entreprises étrangères exportent plus d'argent qu'elles n'en font gagner au pays. L'Algérie se retrouve dans la situation, paradoxale mais prévisible, d'un pays exportateur de capitaux et dont les banques publiques financent les IDE. Un marché de dupes, en somme, largement entretenu par un discours se voulant libéral, fort méprisant au demeurant, à l'égard du potentiel local. Dans l'apparent recadrage de la politique économique, Ahmed Ouyahia n'a pas besoin de convaincre le FCE. Les patrons algériens, du refus du projet de la loi sur les hydrocarbures en 2002 aux réserves émises à l'encontre de l'accord de partenariat avec l'Union européenne, ont toujours prôné une ouverture contrôlée et la préférence nationale, voire une certaine forme de protectionnisme quand cela est nécessaire. En réalité, ce sont les patrons du FCE qui attendent de vérifier que le gouvernement est réellement convaincu du rôle des «entrepreneurs nationaux dans la construction d'une économie solide et diversifiée dans le cadre de la libéralisation de l'initiative et de l'ouverture sur l'économie mondiale que notre pays a choisie». Les reproches du patronat privé sont connus: exclusion de fait des entreprises algériennes des grands projets d'infrastructures, faiblesse du financement... Il est notoire, même si ce n'est pas avoué publiquement, que les entrepreneurs privés observent avec amertume que les entreprises algériennes ne tirent aucun profit des 150 milliards de dollars de projets.
En attendant le concret
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Connaissant parfaitement leurs classiques, les patrons relèvent que dans toutes les économies, l'investissement de l'Etat dans les infrastructures sert les entreprises du pays et non les entreprises étrangères. Rien n'interdit que les entreprises algériennes, publiques et privées, puissent prendre en charge de grands travaux. Mais il aurait fallu leur faire confiance et surtout ne pas fixer des délais de réalisations électoralistes qui les éliminent mécaniquement de la compétition. L'autoroute Est-Ouest est peut-être nécessaire, mais à son achèvement c'est bien des entreprises chinoises et japonaises qui seront plus fortes, pas les entreprises algériennes. Réda Hamiani a d'ailleurs estimé que l'on était en train «de rater une occasion unique où les niveaux et les capacités de production et d'organisation du secteur de la PME auraient pu changer fondamentalement». Il pense que même si les entreprises algériennes n'ont pas les capacités de prendre en charge les grands programmes, on aurait pu organiser un «compagnonnage avec les grands groupes» qui «aurait permis d'assurer au moins la maintenance après leur départ».
Cette absence d'inclusion des entreprises algériennes fait qu'on est moins dans la logique de l'investissement créateur d'emploi, de richesses et de savoir-faire, que dans celui de l'achat d'un produit fini, une autoroute en l'occurrence. Il est clair que pour les patrons privés, le retour à l'étatisme n'est pas une solution, d'où d'ailleurs une certaine réserve à l'égard de l'annonce que la part de l'Etat devra être de 51% dans les projets d'investissements en partenariat. Le retour à un minimum de rationalité autocentrée est malgré tout salué comme la sortie tardive mais heureuse d'une vision irréaliste inspirée par les laboratoires du FMI et de la Banque mondiale. Il reste à espérer que ces bonnes intentions se traduisent concrètement par une politique de soutien aux entreprises algériennes, privées et publiques. L'avenir le dira.
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Posté Le : 13/09/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com