Algérie

Le discours et la rue



Après sa génuflexion avec ses collègues de restaurant pour soutenir un 5e mandat que peu de gens sincères souhaitent dans le pays, Ouyahia a menacé l'opposition, comme à son habitude. Cette fois «de recourir à la rue», étrange reconnaissance de fait que la rue pourrait écouter l'opposition et donc que cette dernière serait plus populaire que lui. Mais il a dans le même temps tenu à rappeler que «l'Etat a prouvé par le passé qu'il peut maîtriser la rue», recentrant la dialectique politique sur la force brute découlant du monopole de la violence légitime.De quel passé parlait-il ' Des manifestations du Printemps berbère de 1980 qui ont conduit aux sombres cours de sûreté de l'Etat ou d'Octobre 1988, où des centaines de jeunes ont été tués et torturés ' Faisait-il référence aux marches violemment réprimées du Printemps noir de 2001 ou aux rassemblements pacifiques de 2011 contenus grâce à une «gestion démocratique des foules» d'un patron de la police entre-temps disparu dans une traînée de poudre blanche ' Tout en actant de sa volonté d'immobilisme oligarchique, le Premier ministre vient en réalité d'intégrer un nouveau paramètre dans l'équation : la rue. La seule qui pourrait faire basculer un scrutin verrouillé, l'unique variable d'ajustement susceptible de changer le destin d'une nation contrôlée par des fonctionnaires payés sur les impôts collectifs et qui à part des billets en papier ne produisent rien, pas même de la pensée.
«L'Etat est un monstre froid», soulignait le philosophe Nietzsche, et peut-être que le pragmatisme doit prendre la place de ces sentiments de colère, de mépris, de honte et d'impuissance qui se sont emparés des Algérien(ne)s à la vue de cette photo de famille unie pour profiter de la maladie du grand-père. Ouyahia a-t-il tort ou raison ' Pour le savoir, il faut rester dans sa logique et en revenir à la rue. Ouyahia peut-il aller marcher tout seul dans la rue et prendre un café en le payant avec son argent ' Si c'est oui, il a raison. Si c'est non, il a tort.


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