Le FCE plaide
pour des mesures novatrices, mais il reste prisonnier de ses choix antérieurs.
Des choix très lucratifs, tout de même.
Des cinquante
propositions du Forum de chefs d'entreprises (FCE) à la plateforme élaborée par
le réseau «Nabni», en passant par les multiples
interventions des spécialistes, le débat économique semble connaitre
une certaine vitalité en Algérie. Les écrits se multiplient, les experts sont
choyés, les patrons sont, en apparence, écoutés, et les organisations
patronales se sont imposées comme de puissants lobbies.
Cette euphorie
dans le maniement des mots, et cette agilité dans le verbe, ne peuvent
cependant occulter une autre réalité, beaucoup moins reluisante. Une réalité
faite, d'une part, d'une indigence extrême dans la gestion des affaires du pays
par un gouvernement impuissant et une administration hors jeu ; et d'autre
part, d'une pauvreté tout aussi dramatique des propositions avancées par des
acteurs qui font preuve d'une remarquable incohérence.
Du côté des
gestionnaires, tout a été dit, ou presque. Quelques rappels suffiront à résumer
le bilan du gouvernement et de l'administration. En premier lieu, deux affaires
(affaire Khalifa, affaire Sonatrach) ont coûté à
l'économie algérienne près de dix milliards de dollars. Cela représente dix
pour dent du PIB. Aucun pays au monde n'a réussi à perdre autant d'argent en
toute impunité.
Ensuite,
l'Algérie affiche un taux de croissance de trois pour cent, alors qu'elle a les
moyens de faire une croissance à deux chiffres. On citera également, à titre
d'exemple, l'échec total de l'industrie automobile pour montrer l'indigence de
la gestion du pays. Alors que le marché algérien devrait atteindre un demi-million de véhicules par an avant 2015, l'Algérie a
réussi un autre exploit, celui d'éviter l'implantation de la moindre usine
automobile dans le pays. Enfin, les importations algériennes ont dépassé les
cinquante milliards de dollars, et restent toujours sans effet sur les
exportations hors hydrocarbures, qui piétinent, elles, autour de deux milliards
de dollars.
Ceci pour le
bilan côté gouvernement. Mais que trouve-t-on de l'autre côté ? Le document le
plus récent, publié par le Forum des chefs d'entreprise, en offre une bonne
illustration. A côté de mesures novatrices proposées par le FCE, on trouve un
mélange de revendications patronales, de propositions de débureaucratisation
qui dépassent largement le simple cadre du FCE, ainsi que des suggestions sans
portée opérationnelle, le tout enveloppé dans un discours très ambigu.
Le FCE propose de
passer au «système déclaratif», de «moderniser et mettre à niveau le système
national d'information économique et social», et de «rétablir la liberté totale
de l'acte d'investir», qui ne devrait être «soumis à aucune autorisation ou
agrément». Il suggère aussi de mettre en place un «observatoire des échanges
extérieurs», et de «mettre sur pied un programme de mise à niveau d'une dizaine
de grandes écoles ou d'universités, avec un appui massif de l'Etat».
De telles
mesures, relevant du bon sens, créeraient une évolution majeure dans le système
économique algérien. Elles montrent le côté le plus moderne et le plus avancé
du FCE, un volet rapidement occulté par d'autres propositions n'ayant pas de
véritable signification, ou constituant un simple catalogue de voeux.
Ainsi, le FCE va
jusqu'à dessiner la configuration du gouvernement. Il propose de «créer un
ministère de l'économie qui regrouperait les ministères des finances, de
l'industrie et du commerce». Il demande également la suppression des
subventions, pour les remplacer par d'autre formules
de soutien, et de bannir la distribution gratuite de logements.
Mais en
parallèle, le FCE trouve normal que l'Etat offre gratuitement des terrains aux
entreprises, que le trésor public prenne en charge les frais financiers induits
par le rééchelonnement de dettes des entreprises, et que l'Etat «prenne en
charge la totalité de frais de participation des exposants nationaux aux
foires, salons et expositions à l'étranger».
Après tout ce
qu'il a obtenu lors de la tripartie, en matière de rééchelonnement de dettes,
de facilités d'accès au crédit et d'amnistie fiscale, le FCE semble vouloir
élargir son champ d'influence et obtenir de nouveaux avantages. Pourquoi pas,
si en face, il a affaire à un gouvernement faible, incompétent, et prêt à céder
sur tout pourvu qu'il puisse préserver la paix sociale et organiser ses
élections dans de bonnes conditions.
Mais le FCE ne
peut pas maintenir indéfiniment l'ambiguïté. Il ne peut pas tenir éternellement
un double discours envers le gouvernement. Il doit, soit s'accommoder d'un
pouvoir bureaucratique et rentier, et continuer à réaliser des transferts
massifs de l'Etat vers le privé, ce qui serait de bonne guerre, car rien ne
pousse le FCE à tuer la vache à lait; soit Å“uvrer pour l'avènement d'un pouvoir
nouveau, moderne, capable d'instaurer une véritable compétition économique et
une vraie transparence dans la gestion des biens du pays. Mais le FCE ne peut
pas avoir un pouvoir bureaucratique et rentier qui serait en même temps capable
d'emmener le pays vers un «nouveau pacte de croissance».
Ce choix s'est
posé pour le FCE par le passé, notamment lors des grandes échéances
électorales. Il a toujours voté pour le pouvoir qui lui garantit la rente. Le
FCE est-il mûr pour changer de cap ? La réponse apparaitra
lors des prochaines présidentielles. Entretemps, le
FCE continuera à faire de bonnes affaires, mais son discours reste sous
caution.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 22/03/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com