Algérie

Le diagnostic de M. Ziari



Le pouvoir accuse l'opposition d'être défaillante. Il en oublie sa propre faillite.

Le diagnostic établi par M. Abdelaziz Ziari est sans appel. A en croire le président de l'APN, l'opposition algérienne est faible, voire inexistante. Elle n'a pas d'assise, et pas de programme viable pour le présenter comme alternative à l'action gouvernementale. Mais malgré cette fragilité, elle veut prendre le pouvoir, avertit M. Ziari, qui adresse aux opposants un reproche essentiel : « ils veulent prendre nos postes», dit-il. Selon M. Ziari, la faiblesse de l'opposition la pousse même à nourrir de véritables « complexes », à un point tel qu'elle « refuse de reconnaître qu'elle est minoritaire ». Et d'ailleurs, assène le président de l'APN, si des élections législatives étaient organisées aujourd'hui sur la base de la législation actuelle, le FLN et le RND en sortiraient vainqueurs. Les propos de M. Ziari révèlent une curieuse conception de la politique. Comme s'il oubliait que la vocation naturelle de l'opposition est d'aspirer à prendre le pouvoir. Mais le président de l'APN ne l'admet pas. Pour lui, l'ordre naturel des choses est tout indiqué. Il considère que sa propre place est naturellement d'être au pouvoir, et d'y rester. Son parti est, par conséquent, destiné à exercer éternellement le pouvoir. La place de ceux qui ne sont pas d'accord avec lui est dans l'opposition. Et ils doivent y rester. C'est leur place naturelle.

Cette vision de la politique est largement partagée en Algérie et dans de nombreux pays arabes. Des hommes comme Ali Abdellah Salah et Mouammar Kadhafi considèrent, eux aussi, qu'ils ont vocation à exercer le pouvoir jusqu'à la mort. La leur, ou celle de leur pays, peu importe. Ils sont sincèrement étonnés de voir leurs concitoyens leur contester cette vérité.

 Dans leur esprit, le pouvoir leur appartient. Ils sont Le Pouvoir. Les idées d'alternance, de compétition électorale, c'est juste pour faire chic dans les discussions de salon, et pour briller dans les ambassades. Des concepts dont on parle, mais auxquels il n'est pas question de se soumettre. Le numéro du parti Baas en Syrie vient ainsi d'en offrir une très belle illustration. Il a proposé une ouverture politique, à condition que la place du Baas ne soit pas remise en cause ! Une telle attitude finit par provoquer un véritable aveuglement. Ainsi, quand M. Ziari parle de la faiblesse de l'opposition, il oublie que le pouvoir auquel il appartient interdit à cette opposition de s'organiser, de manifester, de tenir meetings, d'accéder aux médias publics, d'accéder au financement public, et même d'exister.

Comment, dans ces conditions, l'opposition peut- elle être forte ? Sa seule existence relève du miracle ! Sur un autre plan, la faiblesse de l'opposition devrait inquiéter M. Ziari, non le rassurer. Car une opposition faible, cela signifie que le pays n'a pas d'alternative si le gouvernement en place échoue. D'autant plus que l'alliance présidentielle, à laquelle appartient le parti de M. Ziari, n'a pas particulièrement brillé par sa bonne gestion des affaires du pays. Ce qui devrait inciter M. Ziari, troisième personnage de l'Etat, à trouver les moyens de renforcer l'opposition, pour lui permettre de prendre de l'envergure, non à se réjouir de ses déboires.

Mais pour adopter une telle position, il faudrait une conception de la politique autre que celle en vigueur dans le pays, et qui est parfaitement symbolisée par un autre personnage très inspiré, M. Bouguerra Soltani. Celui-ci donne l'impression d'avoir des ressources inépuisables pour tirer la politique vers le bas. Commentant le dialogue engagé par la commission Bensalah, il a déclaré que l'Algérie a un problème de voleurs, non un problème de textes. Usant d'un jeu de mots approximatif, entre « nossous » (textes) et « lossous » (voleurs), il a usé d'une formule supposée le blanchir, alors qu'il a été ministre pendant quinze ans, et que son parti est au gouvernement depuis bien avant l'avènement de M. Abdelaziz Bouteflika.

Qu'a fait M. Soltani pour lutter contre la corruption ? Que retiendra l'histoire de ses quinze années de présence au gouvernement ? Qu'a fait M. Ziari pour assurer la pérennité des institutions ? Le premier est d'abord préoccupé par un retour plus direct aux affaires. Le second demande la disparition du Sénat, ce qui ferait du président de l'APN le second personnage de l'Etat.

Ceci donne une idée de ce qui préoccupe ces deux personnalités, et de ce qui les fait courir. Ce qui devrait inciter à établir un autre diagnostic, largement différent de celui établi par M Ziari: si l'opposition est faible, le pouvoir et ceux qui le servent sont incapables de produire une pensée politique. Ils sont « chroniquement défaillants», selon la formule de Chafik Mesbah.








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