Algérie

Le DG de la chaîne privée dénonce «l'arbitraire et la hogra»


Le DG de la chaîne privée dénonce «l'arbitraire et la hogra»
Hichem Bouallouche, directeur général de la chaîne Al Atlas TV, interdite d'émission depuis plus de cinq mois, dénonce «l'arbitraire» dont il a fait l'objet et interpelle les autorités sur la situation des journalistes et techniciens réduits au chômage. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il reconnaît que «les chaînes privées travaillent sans cadre légal, sous le règne de l'informel et de l'anarchie», précisant toutefois que «ce système est très commode pour que le fait du prince ne puisse souffrir aucune contestation 'légale'».- Cela fait cinq mois que la chaîne Al Atlas TV n'émet plus en raison des poursuites judiciaires dont elle fait l'objet. Que vous reproche-t-on au juste et où en est l'enquête 'Effectivement. Que nous reproche-t-on ' Eh bien, aussi absurde que cela puisse paraître, rien du tout ! Aucun motif justifiant la fermeture de la chaîne et la confiscation de notre matériel ne nous a été donné par les «enquêteurs». Jusqu'à présent, nous ne savons pas pourquoi. Plus grave, les studios qui, faut-il le rappeler, n'appartiennent pas à la chaîne, ont été mis sous scellés et le matériel s'y trouvant saisi sans aucun motif. La fermeture de la chaîne est totalement arbitraire, d'autant qu'elle ne respecte aucune procédure judiciaire. Il faut également souligner que ceux qui ont ordonné cette opération sont intervenus auprès des autorités jordaniennes pour qu'elles fassent pression sur le diffuseur satellite afin qu'il ne retransmette plus nos émissions.Aucune raison juridique classique n'est en mesure d'expliquer la mise en œuvre de tels moyens pour fermer une chaîne de télévision. Il est manifeste que, dans cette affaire, la justice est prise en otage pour exécuter les ordres de l'autorité politique, laquelle avait pour objectif unique de faire taire la chaîne par tous les moyens. C'est un acte qui prouve que nous vivons dans une démocratie de façade, qui ne respecte pas les libertés individuelles et collectives. Nous vivons clairement sous un régime dictatorial.- Quel est l'impact d'une telle décision 'Le préjudice matériel et moral est immense. Sur le plan matériel, tout l'argent et surtout toute l'énergie dépensés pour ce projet ont été réduits à néant. Mais c'est sur le plan moral que la situation est inacceptable. Car ce sont tout de même plus de quarante journalistes et techniciens qui se retrouvent au chômage, déstabilisés et choqués face à tant d'arbitraire et de hogra. Quelle image voulez-vous que ces jeunes aient de leur avenir 'C'est une catastrophe, une injustice insupportable et cela nous conforte dans l'idée que nous avions raison de donner la parole librement sur notre antenne, sans aucune censure, à tous ceux qui dénonçaient courageusement les maux qui gangrènent notre société et les turpitudes du pouvoir qui nous dirige. C'est cela, la vraie raison de la fermeture d'Atlas TV.- Pensez-vous avoir fait les frais de la situation d'«anarchie» dans laquelle exercent les chaînes de TV privées en Algérie, ou plutôt fait l'objet d'une censure politique 'Les deux. L'anarchie étant l'outil privilégié du pouvoir pour gouverner par l'arbitraire. Dans notre cas, c'est notre liberté de ton, c'est notre ouverture à tout ce qui se passe dans la société, c'est la parole donnée à ceux que le pouvoir voudrait faire taire qui ont provoqué la fermeture de notre chaîne. C'est donc bien une censure politique.Je tiens à souligner que notre chaîne couvrait toutes les activités gouvernementales, à la demande des responsables, et que notre plateau était ouvert également aux représentants du pouvoir. Il s'agit donc bien d'une censure politique. Et comme toutes les institutions et instances de régulation de l'audiovisuel sont, jusqu'à aujourd'hui, inexistantes, toutes les chaînes privées travaillent sans cadre légal. C'est le règne de l'informel, c'est l'anarchie, très commode pour que le fait du prince puisse ne souffrir aucune contestation «légale».- Est-il vrai que la décision d'arrêter la chaîne était liée au passage de Merani, l'ancien dirigeant du parti dissous 'Je ne crois pas du tout à cela. Si M. Merani avait tenu des propos diffamatoires envers des gens du pouvoir ou d'autres, le pouvoir aurait pu déclencher une procédure judiciaire en diffamation contre lui et contre le directeur de la publication. Cela n'a pas été le cas. La référence à son appartenance passée au parti dissous est totalement absurde.Preuve en est que le pouvoir lui-même invite certains d'entre eux, aujourd'hui, pour discuter de la révision constitutionnelle. C'est une manœuvre dilatoire pour cacher les vraies raisons que je vous ai exposées, à savoir la nature même de notre chaîne de télévision, une chaîne libre et indépendante, qui avait pour ambition de jouer pleinement son rôle de médiateur entre la société et les institutions qui la dirigent.- Pourquoi, selon vous, seule Al Atlas TV a été poursuivie et pas les autres chaînes qui, pourtant, exercent de la même manière 'Je pense que c'est aux autorités qu'il faut poser cette question. Pour nous, il est clair que le pouvoir s'acharne contre nous pour des raisons purement politiques, qui n'ont rien à voir avec l'organisation informelle actuelle du champ audiovisuel. Ce que je peux vous dire, c'est que notre chaîne voulait faire de l'information de manière indépendante et qu'à ce titre, elle rendait compte autant des activités gouvernementales que de celles de l'opposition et de la société civile. Il est par conséquent clair que nous ne pouvons pas être un service de propagande du pouvoir ou de toute autre organisation.


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