Algérie

Le devoir de madame Doujabir


Il fait un peu chaud, mais elle a l?habitude, 45 ans en 5 juillet prochain qu?elle vit ici. C?est le matin du 17 mai et Madame Doujabir, munie d?une foi inébranlable en son pays et de sa nouvelle carte d?électrice, entre d?un pas lent, mais décidé dans le bureau de vote de son quartier. A l?entrée, Madame Doujabir rencontre par hasard Monsieur Bouchaïr de la Cnisel, la commission de surveillance des élections, qui refuse poliment de lui dédicacer une photo du président de la République. En lunettes noires, Monsieur Bouchaïr tient par contre à lui expliquer qu?il compte beaucoup sur elle pour assurer un bon déroulement des élections et une transparence totale du scrutin. Madame Doujabir lui dit exactement la même chose et continue dignement son chemin vers le recouvrement de la souveraineté populaire. Calmement, elle salue l?employé assis au bureau. Celui-ci possède une oreillette kit mains libres pour portable, mais Madame Doujabir ne dit rien, elle a une foi inébranlable en son pays. Elle s?empare des listes de candidats d?un geste tendre et se dirige vers l?isoloir. Une fois à l?intérieur, Madame Doujabir tire pudiquement le rideau derrière elle et accomplit avec une grande sérénité son devoir électoral. Elle fait une rapide prière pour blanchir le c?ur des hommes et ressort, la tête haute. En marchant vers la sortie, elle entend bien un bruit strident derrière, mais elle ne dit rien. Madame Doujabir, à l?oreille fine depuis 40 ans qu?elle entend tout, a bien senti qu?un personnage gris en costume gris était en train d?ouvrir l?urne avec une perceuse électrique d?importation, mais elle ne dit rien parce qu?elle a une foi inébranlable en son pays. Madame Doujabir a quand même un doute sur la régularité du scrutin et en sortant, elle cherche Monsieur Bouchaïr. Mais le surveillant en chef n?était déjà plus là, étant lui-même sous surveillance.
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