LE DEVOIR DE CIRCONSPECTION

Le capharnaüm est déroutant ! Nous observons encore et toujours que n'importe quel quidam a le loisir de s'investir en proxénète en rackettant les automobilistes faisant des boulevards et avenues sa propriété personnelle. Et en même temps nous poussons notre émotion à son extrême quand nous faisons le décompte effarant de ceux qui sont tentés par la harga. La vilaine écorchure de la pensée et de la compréhension est amplifiée quand s'ajoute à cette dramatique sauce la nouvelle culture des immolations. L'exigence de logements gratuits par-là, la réclamation des emplois par-ci, celle du gaz ici, des augmentations de salaires là-bas, la chasse aux maires un peu partout et le départ des gouvernants avec des cris d'orfraie pour parachever une auréole déconcertante sur la tête d'un pays qui ne ressemble à aucun autre.Ceux qui revendiquent à juste raison un retour aux normes ne sont absolument pas à déjuger. Mais nous nous mettrons un doigt dans l'?il si nous persistons à croire qu'un retour à la raison nous offrira un éden que nous croyons faussement entrevoir ailleurs. Notre pagaille nationale, à la limite de la folie, a eu le paradoxal mérite de ne tuer de faim aucun Algérien.
Il ne s'agit en aucune façon d'applaudir à notre déraison et de nous complaire dans des trots d'ânesses. Il ne s'agit pas non plus de rendre grâce à ceux qui nous ont imposé leur cadence en nous berçant de chansonnettes. Mais le devoir de circonspection doit nous éloigner de l'envoutement des mirages que nous renvoient les sociétés avancées. Le droit à la vie dans ses multiples articulations et ses mouvances a différentes définitions et ceux de nos compatriotes, tentés par le large, l'ont pour la plupart appris à leurs dépens.
Au-delà de nos récriminations répétées, il faudra cependant nous préparer à accepter que toutes les véhémences qui nous nourrissent ne seront pas toutes conformes à nos attentes et à nos larges espérances. Il faudra nous convaincre que l'art d'une vie a un prix.