Algérie

Le détour bengali



Le détour bengali
Jusqu'à présent, on n'a trouvé que deux solutions pour se débarrasser de la sensation d'enfermement. La première, bien connue et si évidente, consiste simplement à se libérer. Mais cette évidence n'est pas toujours à portée de cavale. La seconde consiste, faute de libérer son corps, de laisser son esprit s'évader au-delà du règne de la contrainte.Pris dernièrement dans un terrible embouteillage, pare-choc contre pare-choc, et animosité contre animosité, j'ai dû mon salut mental à une information tirée d'Internet que j'avais eu l'idée géniale (sans le savoir) d'imprimer avant de sortir du bureau. J'ai donc sur le champ «quitté» l'autoroute et mes congénères automobilistes pour me rendre dans le Golfe du Bengale, plus précisément sur l'île de North Sentinel dans l'archipel des Andaman. C'est, sous ses dehors paradisiaques, est-il précisé, une des terres «les plus dangereuses au monde». Ses habitants, dénommés les Sentinelles, attaqueraient toute personne s'approchant de leurs rivages. Venus d'Afrique, explique-t-on, depuis plus de 60 000 ans ils «formeraient ainsi un des derniers peuples coupés du monde», un peuple de 250 personnes que les spécialistes rapprochent, au vu de leur mode de vie (chasse, pêche et cueillette avec une maîtrise insuffisante du feu) de la période prénéolithique ! L'Inde, dont dépend ce territoire, leur a accordé, dès 1947, le statut de région autonome. Après tout, une manière intelligente de les laisser en paix et de préserver un petit bout de la planète dans sa virginité première !De retour de North Sentinel, j'ai regagné la Rocade Sud d'Alger pour y constater qu'en exactement zéro mètre, j'avais réussi à franchir des milliers de kilomètres et des dizaines de milliers d'années, une performance louable qui mériterait au moins le Guinness Book et pourrait conforter la théorie selon laquelle la liberté réelle commence déjà par celle de l'esprit.Ce constat optimiste posé, il fallait cependant affronter les comportements agressifs de conducteurs adverses, pas si éloignés d'ailleurs du Neandertal. Mais le détour bengali m'avait convaincu de me placer au-dessus de ces trivialités pour réfléchir à la question de l'usage du temps passé dans nos automobiles. Hadj Miliani, distingué sociologue, a étudié divers aspects en Algérie de la «culture d'appartement» (télé, internet, DVD, home-cinéma?). Ne devrions-nous pas, maintenant, envisager une «culture automobile» ' Se munir, outre de bons plans radio, de revues, de recueils de nouvelles, de disques de musique, etc. Envisager des covoiturages à thèmes pour des petits séminaires mobiles à cinq participants, genre tables-roulantes au lieu de rondes? Bref, dans l'esprit du judo, retourner à son profit la force opposée en rentabilisant au maximum la contrainte de notre cholestérol routier. Nous deviendrions ainsi le peuple le plus cultivé au monde.




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