Algérie

Le dessalement : solution durable pour l'approvisionnement en eau potable



Par Dr Drouiche Nadjib
Alors que le changement climatique laisse présager des années plus sèches, de nombreux habitants de la planète revoient leurs attentes traditionnelles en matière d'approvisionnement en eau. La population et la demande augmentent également et de nouveaux approvisionnements seront nécessaires.
Cette situation est en train de changer, car le dessalement entre en jeu dans de nombreuses régions du monde. Plusieurs facteurs convergent pour permettre la mise en service de nouvelles usines. La population a explosé dans de nombreux endroits soumis à un stress hydrique, notamment dans certaines régions de Chine, d'Inde, d'Afrique du Sud et des Etats-Unis. En outre, la sécheresse ? dont une partie est due à l'évolution du climat ? frappe de nombreuses régions qui, il n'y a pas si longtemps, pensaient disposer de réserves suffisantes.
La réponse de l'Algérie aux défis posés par l'augmentation de la demande, le changement climatique et une croissance démographique élevée, de l'ordre de 1.9% par an qui, conjuguée à un processus d'expansion urbaine important doit être abordée pour faire face à la pénurie d'eau.
Au début des années 2000, l'Algérie a connu la pire sécheresse de mémoire d'homme (connue sous le nom de sécheresse du millénaire). Nous avons appliqué un certain nombre de techniques, notamment la conservation, le commerce de l'eau, le recyclage de l'eau, l'interconnexion du réseau AEP de la ville avec les barrages, le transfert de l'eau, le dessalement, l'organisation de la distribution de l'eau par camions-citernes dans les quartiers les plus touchés et la réalisation de forages artésiens. Cependant, la réponse la plus importante en termes d'investissement en capital a été, de loin, un programme de plusieurs milliards de dollars pour le dessalement de l'eau de mer.
Parmi toutes ces mesures prises en réponse, l'apport du dessalement à travers 11 stations implémentées le long du littoral algérien a permis de dégager une capacité de production cumulative de 2.1 millions m3/j. Ces stations produisent 17% de la quantité totale d'eau potable consommée au niveau national, soit l'équivalent de 770 M m3/an. C'est grâce à l'eau de mer dessalée que les villes côtières algériennes pourront donc assurer leur sécurité hydrique de manière durable sur le long terme. Dans cette perspective, les experts reconnaissent généralement l'importance des sources d'eau résilientes au climat offertes par le dessalement.
Malgré tous les bénéfices palpables liés au dessalement, les critiques sur ce choix se sont fait entendre. Cependant, les usines de dessalement fonctionneront pendant au moins 25 ans, période au cours de laquelle il y aura inévitablement plus de sécheresses, une demande croissante et un climat probablement plus sec et plus chaud.
En raison des conditions sèches de cet été, les stockages d'eau dans les barrages sont tombés en dessous de 50%, déclenchant le besoin du lancement de cinq nouvelles stations de dessalement d'eau d'une capacité de production de plus de
300 000 m3/jour chacune dans l'est, l'ouest et le centre du pays afin de préserver les réserves stratégiques nationales en eau et mettre fin au problème de pénurie d'eau qui persiste depuis des mois.
D'autre part, l'adoption du dessalement en Algérie comme mesure pour la sécurisation de l'alimentation en eau potable a permis non seulement de former un personnel qualifié et la création de filières académiques spécialisées dans le domaine, mais aussi de lancer une dynamique dans le volet de l'intégration nationale à travers le secteur industriel national ponctué notamment par la réalisation de plusieurs stations de déminéralisation en effort propre ou en partenariat, qui permettra indéniablement de réduire les coûts d'investissement et d'économiser des devises.
Cela a été notamment rendu possible grâce à la diminution des dépenses en capital (Capex) qui se subdivise en deux grandes catégories : les coûts directs et les coûts indirects.
Les coûts directs comprennent les équipements, les bâtiments et autres structures, les pipelines et l'aménagement du site, et représentent généralement entre 50 et 85% du Capex total. Les coûts indirects restants comprennent les intérêts et les frais de financement, l'ingénierie, les frais juridiques et administratifs, et les imprévus. En effet, l'intégration nationale a contribué à réduire substantiellement ce Capex.
Par ailleurs, un tel choix pourrait être motivé par le fait que les technologies de dessalement sont capables de traiter l'eau provenant d'une grande variété de sources, y compris, mais sans s'y limiter, les eaux souterraines saumâtres, les eaux de surface, l'eau de mer et les eaux usées domestiques et industrielles. Au fur et à mesure que les technologies de dessalement se sont développées et améliorées, le coût de construction des usines de dessalement a diminué. Cette baisse des coûts a été l'un des principaux facteurs d'acceptation, de croissance et de succès du dessalement. De nos jours, dans certains endroits, le coût du dessalement a diminué jusqu'à 20% par rapport à 2010 en raison du développement technologique lié à la diminution du prix des membranes et à l'augmentation de leur durée de vie. De même, les améliorations technologiques dans la conception des membranes et l'intégration des systèmes ont diminué le coût du dessalement.L'une des leçons importantes que nous avons apprises en Algérie est l'importance de développer un portefeuille de sources d'eau, certaines d'entre elles étant indépendantes du temps et du climat. Il ne s'agit donc pas d'avoir à choisir entre le dessalement et d'autres sources d'approvisionnement ou des instruments économiques ? il est sage de les considérer tous.
Sur le plan international, on estime que d'ici 2025, deux tiers de la population mondiale seront confrontés à des pénuries d'eau, pour lesquelles les gouvernements doivent établir des politiques fonctionnelles répondant aux préoccupations sociales sur l'accès à l'eau à la population, tout en garantissant la ressource à des fins industrielles et agricoles. L'agenda 2030 des Nations-Unies vise à «garantir la disponibilité et la gestion durable de l'eau et de l'assainissement pour tous». Différentes stratégies de gestion de l'eau, ainsi que le dessalement décarboné et l'amélioration des systèmes d'irrigation sont des éléments clés pour atteindre cet objectif de développement durable.
À l'échelle méditerranéenne, selon un rapport du PNUE/PAM et Plan Bleu 2020, dans le bassin méditerranéen, la capacité de dessalement a augmenté au cours des dernières décennies et la production d'eau de mer dessalée dans la région Mena devrait être treize fois plus élevée en 2040 qu'en 2014, les pays les plus avancés étant actuellement l'Algérie, l'Egypte, l'Italie et l'Espagne.
L'investissement dans des sources d'eau sûres comme le dessalement de l'eau de mer permettra d'apporter des solutions rapides et abordables sans impact environnemental négatif.
De tels approvisionnements sont toujours disponibles en période de sécheresse et de pénurie et garantiront que des générations de personnes vivant dans les villes côtières profiteront d'un mode de vie reposant sur un approvisionnement en eau sûr.
D. N.


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