Algérie

«Le désir de casser le mythe...»



L'Expression: Tout d'abord pourquoi ce titre «Conversations méditerranéennes»'Ali Ghanem: Parce qu'il y a une grande partie des écrivains qui sont d'abord algériens, marocains ou bien francophones, qui sont rattachés à la Méditerranée. En plus, ca été difficile de choisir un titre. Un titre c'est quelque chose de très important pour un livre comme pour un film. Donc ce titre me convenait. Ce titre là, il ya longtemps que je l'ai choisi. Ce travail, j'ai mis plusieurs années à le faire. Ce sont des interviews que j'ai réalisées depuis pas mal de temps. Parmi eux, il y en a qui sont morts. Le titre cela fait dix ans que je l'ai choisi.
Ce livre réunit un ensemble d'entretiens avec d'innombrables personnalités, que ce soit du monde de la politique, la littérature, les médias, y compris la religion. Comment avez-vous fait pour réunir autant de monde et procéder à la sélection'
C'est quelque chose qui est très simple. J'ai choisi des gens qui m'intéressaient d'abord sur le plan humain et sur le plan littéraire. Je suis quelqu'un qui est intéressé par le mythe. On dit pour ces gens que «c'est un grand écrivain, un grand homme politique ou un grand artiste...», J'ai toujours été contre ce mythe-là. Je pense que ce sont des êtres humains comme nous. Chaque auteur que j'ai interviewé, j'ai lu ses oeuvres, les interviews qu'il a données. Il faut aussi que j'aie un faible pour cet auteur, soit pour ses romans ou son discours politique, je veux savoir plus sur ces auteurs. J'ai interviewé plus de 70 écrivains. J'en ai sélectionné 40.
J'ai interviewé Idir, mais je ne l'ai pas sélectionné car la plupart sont des gens qui ont écrit des livres. Je ne me sens pas journaliste, mais je suis quelqu'un de curieux. J'aime connaître les gens. Le travail a été entamé il y a dix ans. J'ai décidé de compiler ces interviews en un seul livre car on peut dire que j'ai des facilités. J'ai en France deux éditeurs qui sont Flamarion et La découverte. Cette fois, j'ai préféré proposer mon livre à Casbah Editions car la plupart de ceux que jai interviewés sont des auteurs algériens.
Au départ, c'était ma curiosité qui m'avait amené à interviewer ces gens-la. Je prends le cas de Jacques Berque. Quand on a fait l'entretien, il y a quelque chose qui s'est passé entre nous, on est devenu amis. Pour moi, c'est quelque chose d'exceptionnelle. Quand j'ai interviewé Ait Ahmed, à la fin, il m'a remercié et m'a pris dans ses bras. Pour moi, c'est encore quelque chose d'exceptionnel. Ait Ahmed, je voulais l'interviewer en tant que militant, d'autres, par rapport aux sujets qu'ils traitaient dans leurs livres, par exemple Bouelam Sansal, Rachid Mimouni, Rachid Boujedra etc. Ce sont des interviews que j'ai réalisées parce que ça m'apporte quelque chose.. Ce qui m'interesse, par exemple, chez Bouelam Sansal c'est l'auteur, pas sa vision politique. C'est un grand et bon écrivian.
Vos questions sont un peu incongrues...
Je déteste les questions traditionnelles. Le style «pourquoi vous écrivez' Qu'est-ce que vous avez à dire en tant qu'auteur' etc. Moi, je suis un provocateur dans mes questions, un peu dans le genre de Thierry Ardisson... Ce qui m'interesse est de faire découvrir un auteur aux lecteurs. C'est un être humain comme nous. Quand j'ai interviewé Rachid Boudjedra, j'avais beaucoup d'appréhension car il a l'image d'une personne dure. Je n'étais pas à l'aise durant l'interview, mais cela, s'est tres bien passé. Il était charmant. Il a été même tres content. Il est ce qu'il est.
Vous vouliez donc casser le mythe et tordre le cou aux préjugés pour certains'
Plus ou moins.. Je suis parti interviewer Rachid Boujedra en étant angoissé. Je me suis dit qu'il allait me rentrer un peu dedans alors que l'entretien s'est très bien passé. Il était heureux. D'autres écrivains telle Edmonde Charles-Roux qui m'a donné rendez-vous à 9h du matin dans un hôtel particulier où elle habite. Quand j'ai commencé à l'interviewer, je lu ai demandé qu'est-ce qu'elle avait hier soir, comment elle a passé sa soirée... elle était étonnée par mes questions et m'a dit: «Monsieur, si c'est possible de commencer l'interview» alors que l'interview avait déjà démarré. Je lui ai posé des questions sur sa vie professionnelle, privée, dans les limites bien sûr...j'ai essayé de faire des interviews différents des journalistes, sortir de leurs questions standard. Mes questions sortent du commun. Ait Ahmed, je lui ai demandé: «Est-ce que l'amitié existe entre les hommes politiques'». On ne lui a jamais posé cette question. J'ai demandé à Yasmina Khadra, je lui ai demandé «quand est-ce qu'il avait offert des roses à sa femme». Il m'a dit que «les roses sont faites pour être dans la nature pas dans un bocal».. C'est ça qui est intéressant. Sinon, côté projet, j'ai un nouveau livre en préparation qui a pour titre «Le bonheur, c'est de quel côté'». C'est un roman que je suis en train de relire pour correction.


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