Algérie

Le désespoir national



Notre vénéré football a, encore une fois, mis genoux à terre face à une adversité que nous pensions somme toute modeste. S?arrêter à ce simple résultat négatif pour tenter d?expliquer le mal qui ronge cette discipline sportive depuis plus d?une décennie serait privilégier le sentiment de déception (qui nous habite tous) à la place d?un recul serein, d?une analyse en profondeur de ce problème. En fait, la première question qu?on est tenté de poser est celle ayant trait aux responsabilités ayant mené à une telle descente aux enfers. Les yeux se braquent irrémédiablement sur les footballeurs, les techniciens et les gestionnaires de proximité qui n?ont pas su, à échéance, mener le bateau à bon port. Même si à la première lecture, les responsabilités des uns et des autres ne sont pas à écarter dans la dérive de notre football, l?Etat par le truchement de son gouvernement a aussi une grande part dans l?échec du sport en général. Pour redresser un tant soit peu la situation, les observateurs avertis n?hésiteront pas à vous décourager en vous disant que tout ce qui pourrait être entrepris à court terme ne peut être qu?une opération ponctuelle à la fin de laquelle nous nous retrouverions encore plus mal en point. Faut-il le rappeler, le football contemporain ne fait plus, depuis longtemps, dans l?amateurisme. Les footballeurs de talent sont devenus des demi-dieux et des sommes considérables gravitent autour de la discipline. Le chiffre d?affaires annuel de la FIFA avoisine les dix milliards de dollars et, il y a quelques années, lors d?une interview qu?il avait accordée à El Watan, son président de l?époque, Joao Havelange, avait estimé qu?environ 450 millions de personnes dans le monde vivaient directement en amont et en aval de l?activité ou des retombées du football. Cela pour dire qu?il avait atteint des connexions planétaires bien avant que l?idée de la mondialisation ne fasse son chemin... Bref, et pour revenir à nos soucis quotidiens, rappelons simplement que le football national ne s?est bien porté qu?à des périodes cycliquement identifiées. Au milieu des années 1970, les nouvelles générations d?Algériens ne savent peut-être pas que déjà le sport, le football en particulier, se trouvait au creux de la vague en se faisant piteusement éliminé de toutes les compétitions internationales. Le diagnostic étant alors cerné, le président Houari Boumediène convoquera, en 1977, un Conseil des ministres exceptionnel consacré à la réforme du sport en lui adjoignant les moyens structurels, humains et financiers. Le sport national et le football connaîtront un épanouissement merveilleux depuis cette date jusqu?en 1989, date du désengagement de l?Etat. A partir de là, et même si quelques bons résultats techniques épars ont pu faire illusion, il arriva un moment où l?arbre ne pouvait plus cacher la forêt : le sport algérien est non seulement en crise, mais est même menacé dans ses fondements. Le système hybride qui s?est substitué au parrainage de l?Etat a généré des clubs dirigés par des voyous et des trabendistes, des techniciens charlatans, des athlètes de type inférieur et de piètres footballeurs avec la tête en forme de tiroir-caisse et rien dans les jambes. Cette rupture brutale nous a fait passer d?une période dite du sport socialiste dominée par le « tout-Etat » (un peu à la manière des pays de l?Est) à un retrait total et sans transition pour ne pas dire une fuite éperdue des structures de soutien étatiques. La part que l?Etat consacre annuellement au secteur de la jeunesse et des sports atteint péniblement 1% du budget total et ce même ministère a vu défiler à sa tête une douzaine de ministres depuis 1993 sans qu?aucun d?entre eux ait eu ni le temps ni l?autorité pour imposer au gouvernement la nécessite d?une politique sportive cohérente. Un ministre (que nous ne citerons pas) a même eu l?audace de soutenir, lors d?une première réunion avec ses cadres, qu?il n?était là que pour un laps de temps très court. Trois mois après, il était désigné à la tête d?un autre ministère plus en vue. Un autre ministre fraîchement installé à la place du 1er Mai, dans une confidence à l?auteur de ces lignes, se demandait quelle mouche a piqué le décideur à le nommer à la tête de ce secteur « d?amuseurs de gamins » lui qui « n?a jamais couru de sa vie »... Ces anecdotes pour montrer combien le pouvoir exécutif se désintéresse de la chose sportive qu?il assimile sans doute à un genre d?amusement de gamins omettant au passage de constater que les amères défaites de nos équipes nationales portent souvent un coup sévère au moral national. Résumé : tant que l?Etat, détenteur des moyens colossaux et des compétences salvatrices, se désintéresse du sport et des sportifs, les choses iront en empirant. Tout autre argumentaire ne serait que littérature...


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