Algérie

Le désert audiovisuel



Ce fut le pot de fer contre le pot de terre : il y a six mois les deux chaînes satellitaires nationales, Canal Algérie et la 3, ne purent rien contre le tir groupé de dizaines de télés égyptiennes, publiques et privées, qui arrosèrent le ciel arabe d'invectives contre l'Algérie. Contre ce torrent de haine, la seule arme à portée des Algériens fut leur passion pour leur équipe de foot alors en plein firmament. La mise en danger de la sécurité nationale n'ébranla pas le pouvoir politique qui préféra faire le dos rond et laisser les choses en l'état, c'est-à-dire faire perdurer le désert audiovisuel. Avec une dizaine d'autres pays ' généralement totalitaires ' dans le monde, l'Algérie continue de partager le triste sort du verrouillage le plus absolu. Ne sont tolérées qu'une télé et une radio publiques clonées vouées à répercuter fidèlement le discours politique. Exprimé officiellement, sur lequel repose l'argument à ce choix est incroyable : « La société n'est pas assez mûre... »Ainsi donc l'Algérie qui a ému le monde par sa maturité en se levant comme un seul homme contre l'occupant colonial appuyé par l'OTAN est devenue incapable, cinquante années après, de discernement devant des... flux d'images. Et puis quels dégâts ont provoqué les trois millions de paraboles érigées depuis un quart de siècle sur les toits des maisons algériennes ' Ont-elles effrité la société algérienne ou entaché sa culture et ses valeurs ' Au-delà du ridicule, l'argument mis en avant, en haut lieu, cache en fait une lourde réalité : la peur du changement démocratique que pourraient susciter des images non contrôlées politiquement, des écrans tournés vers les luttes politiques et sociales. Une peur redoublée par la puissance de l'image dans un pays de tradition de l'oral et du visuel : une télé libre a infiniment plus d'impact qu'un journal indépendant, car en mesure de toucher les couches les plus profondes de la population. Bien des pays du tiers-monde et du voisinage maghrébin ont pris le risque d'assumer l'ouverture de leur audiovisuel. En ne le faisant pas, le régime algérien a choisi le silence et la censure : sur les mauvais actes de gouvernance, sur les luttes qui agitent la sphère publique et sur les alternatives politiques à la sienne. Pour se défendre et se survivre, il pénalise lourdement la société algérienne reléguée, dans ce domaine, à un siècle de retard sur la scène internationale.


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