Algérie

Le désenchantement du lendemain


Le désenchantement du lendemain
Les législatives du 10 mai dernier sont en train de tourner au «traumatisme cauchemardesque» pour les partis islamistes qui, une certaine auto-intoxication aidant, refusaient obstinément de se voir autrement qu'en vainqueurs du scrutin, et haut la main. Le propos n'est pas de les accabler, car ils avaient des raisons sérieuses de croire en leur victoire, la première d'entre elles étant ce vent favorable du «printemps arabe» malgré quelques ressemblances évidentes, par ses effets, avec le nuage de Tchernobyl. On leur concédera sans réserve que trop de conditions, objectives et subjectives, avaient déjà fait le lit à l'émergence d'une majorité par défaut de ce vieux FLN qui a même réussi -ou plutôt à qui on a fait réussir- le pari de se mettre hors champ des limites biologiques d'une vie, fut-elle celle d'un parti politique.Attention, toutefois, à ne pas croire que les perdants du 10 mai se laisseront aller au défaitisme et à la résignation. Le MSP, premier parti islamiste algérien et pivot de l'Alliance verte née à la veille des élections, ne fait pas mystère de ses intentions. Première décision de son instance dirigeante, réunie il y a deux jours, le parti se retire de l'Alliance présidentielle grâce à laquelle il siégeait au gouvernement en tant qu'allié du FLN et du RND. La leçon est bien apprise, c'est par 134 voix que son assemblée consultative s'est prononcée pour une non-participation au gouvernement, contre 35 voix seulement pour. Jouer sur deux tableaux, maintenir deux fers au feu, un pied dans le pouvoir un pied dans l'opposition, finit donc avec l'enfumage qu'entretenaient les ouailles de feu Nahnah et qui, il faut le reconnaître, a pu faire illusion un temps.L'incrimination de la fraude comme responsable de son désastre électoral ne suffira pas à reléguer au second plan la réalité incontestable d'une spécificité algérienne dans laquelle était inscrite par la force des choses le reflux de l'islamisme politique. De plus, la base électorale islamiste ne pouvait pas être plus longtemps dupe du double jeu d'un parti comme le MSP qui, d'un côté était partie prenante dans la mise en 'uvre exclusive du programme du président Bouteflika, et de l'autre s'évertuait à donner de la voix avec l'opposition, en tant que de besoin, pour faire croire qu'il était contre le pouvoir. En politique, cela s'appelle de la duplicité et le coût en est fatalement une sanction par les urnes.De là à croire que ce reflux de l'islamisme en Algérie est une tendance forte et durable, c'est un pas que seule une vision à courte vue ferait franchir. Bouguerra Soltani, Djaballah et Menasra en tant que leaders du courant défait, et tout en faisant de la fraude un point de fixation tactique, se sont immédiatement projetés, en des termes clairs, dans l'après législatives. Dans leur discours post-électoral, il y a cet invariant qui lui sert de trame et qui dit à peu près ceci : «Ce n'est que partie remise, car l'Algérie avait de toute façon rendez-vous avec le printemps arabe et, d'une manière ou d'une autre, ce printemps aura lieu.» Le courant démocrate -ou ce qu'il en reste- et la frange du pouvoir qui ose encore publiquement afficher son attachement aux valeurs républicaines de la modernité, auraient tort de parier sur un essoufflement de la mouvance islamiste. Elle se remettra à la vitesse de l'éclair de sa gueule bois, battra le rappel des troupes en un tournemain, réinvestira, si ce n'est déjà fait, ses traditionnels lieux et enceintes de mobilisation, les mosquées en premier' Dire que cette mouvance se prépare à livrer bataille, une bataille âpre, est un truisme au regard des données qui ont récemment fabriqué un nouveau contexte intra-muros et dans la proximité géographique et culturelle de l'Algérie. La seule interrogation concerne les formes que prendra la contestation qu'elle a déjà commencé à orchestrer et si elle va renouer avec l'investissement de la rue. Un mélange de volonté
présidentielle et un vote par défaut qui a signé le retour au parti unique ont bien dessiné une majorité parlementaire qui, dans le droit fil de la précédente, va fonctionner en «parfaite synergie» avec le pouvoir. Formellement, les islamistes n'y sont pas en force, mais dans les faits et les obédiences de ses membres, la surreprésentation de l'arrière-garde conservatrice et des tenants de l'islamisation de la société et des institutions y est bien réelle. A commencer par l'actuel chef du FLN, M. Belkhadem, qui n'a jamais fait mystère de son idéologie et de ses accointances, et présentement accusé par ses opposants au comité central de préparer une alliance avec les islamistes. Aux dernières nouvelles, ces derniers seraient majoritaires à réclamer sa destitution. Par quel miracle pourrait-il encore s'y maintenir ' Par le même qui l'a placé, dans des conditions rocambolesques, à la tête du parti-faire-valoir. On s'interrogeait, ici même, sur ce que le président Bouteflika allait faire du FLN et de sa majorité. Il n'est naturellement point besoin de chercher plus loin une réponse qui tient au sort d'une seule personne, celui de M. Abdelaziz Belkhadem dont le maintien ou l'éviction lèvera le voile sur les intentions politiques du chef de l'Etat sur l'Algérie qu'il voudra laisser.
A. S.
«Il attendait Grouchy, ce fut Blücher» (Bonaparte) Ils attendaient Blücher, ils ont eu Grouchy.


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