Algérie

Le dernier? des syndicalistes !



Osmane a levé le camp hier, terrassé par une crise cardiaque. Redouane Osmane, le syndicaliste qu?aucune autorité n?a pu réduire au silence ni corrompre, a mis un point d?honneur à son quotidien de résistant. Le seul ? peut-être bien l?unique ? à braver, sur cette scène déserte et désertée, le rouleau compresseur du régime. Dieu que la vie des hommes intègres est condamnée dans cette Algérie meurtrie à être toujours courte et furtive ! L?homme incarnait pour beaucoup courage, humilité et espérance. Rien ne semble l?user. Ni les procès en cascade intentés contre lui par ses adversaires (ou ennemis) ni la profonde léthargie dans laquelle était plongée une société aseptisée et pacifiée par le pouvoir. Il est ce que le syndicalisme algérien a produit de meilleur. Intraitable, digne, incorruptible et efficace. Par son très gênant franc-parler, son intelligence acérée et sa foi inébranlable en les idéaux (aujourd?hui grotesques) de justice sociale, l?homme a su imposer le respect. Il est sollicité, craint et respecté. Pourtant, il n?est « grand » que par sa très modeste condition. Militant trotskiste de la première heure, étudiant à l?université d?Alger dans les années 1970, il était déjà un trublion invétéré. Un fouteur de m? Ni la poigne impitoyable de Boumediène et de sa prétorienne Sécurité militaire n?avaient pu, à l?époque déjà, le faire taire. Il avait résisté encore sous d?autres, déclenché grèves, mouvements, acculera bien des durs à leurs derniers remparts. Résistance, résistance et encore résistance, c?est sa religion, ses maîtres mots, son programme de tous les jours. On le revoit encore, sous une pluie battante, debout face à la Maison de la presse. Il est venu soutenir les « causes perdues »? comme d?habitude, disent les confrères. Des enseignants de tamazight venus de Bouira faire la « réclame » de leurs pleins droits en se laissant, il y a quelques semaines, à l?envi de mourir de faim. Aucune « cause » n?est vraiment perdue pour ce syndicaliste de tous les fronts. Il « assume » que beaucoup d?autres viendront aujourd?hui à son enterrement par solidarité syndicale. Les enseignants du secondaire, les travailleurs du secteur public, le commun des Algériens restés encore fidèles à une Algérie meilleure, le pleureront certainement. Peut-être même que ses propres adversaires se laisseront gagner par quelques larmes hypocrites. Mais rien de grave, il est ce qu?il est : un enfant du peuple, enfant du peuple il le restera.


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