Le défi de l'amour d'Ahmed Lagraâ

Ahmed Lagraâ a la particularité de toujours éditer ses ouvrages à compte d'auteur, ce qui risque d'en limiter la portée et l'impact. Les inconvénients de l'auto-édition sont bien réels. Parmi ses œuvres, un petit livre qui aurait pu passer inaperçu et dont le titre tranche avec le «sérieux» des publications précédentes...Le défi de l'amour, une histoire romancée que l'auteur a éditée en 2014, s'inscrit pourtant dans le prolongement des écrits sur Béchar et la région de la Saoura — histoire, société, particularités, problèmes et perspectives — et donne à lire beaucoup d'informations factuelles permettant de bien mieux connaître cette région de l'Algérie. Ici, l'avantage c'est de prendre du plaisir tout en s'instruisant, la lecture étant très digeste, rapide.Le défi de l'amour ou l'histoire de Bouquy et Photo, une version bécharoise de Kaïs et Leila. L'histoire commence ainsi : «Ils se sont jurés qu'un jour, il vivraient ensemble. Bouquy n'avait d'yeux que pour elle et inversement Photo ne pouvait vivre sans lui. Leur amour était tellement fort qu'ils se dandinaient des valeurs religieuses, morales de leur époque. Ils étaient décidés à défier les parents, les tribus, l'environnement ; bref, toute la société. Il est arabe, issu de la grande tribu des Ouled Ziad, d'essence hilalienne(...). Photo est berbère, d'origine ancestrale du Tafilalet, région marocaine frontalière du sud-ouest algérien. Tout les séparait.» Mais où l'auteur a-t-il été chercher des noms aussi bizarres ' «Le prénom de Bouquy lui a été donné par rapport au bouquet de fleurs que les Français aimaient acquérir le dimanche pour le foyer familial ou le cimetière. Les Arabes ne savaient pas prononcer le mot correctement. Ils disaient Bouquy. Ce mot lui a été donné parce que le voisinage de la gent féminine le touvait beau gosse. Quant à Photo, on l'appelait ainsi parce que pour les garçons elle incarnait la lune (...). On l'appelait Photo en référence à l'image, la belle image», lit-on plus loin.Un événement va changer le destin des deux jeunes gens. Cela s'est passé en août 1953, «àla veille du déclenchement de l'insurrection armée du 1er Novembre 1954. Bouquy est né en avril 1937. Il avait 16 ans au moment des faits. Photo avait 14 ans(...). Nous étions à Béchar au lieu- dit la Chaâba». Tout en montrant ses talents de conteur, Ahmed Lagraâ donne une radioscopie de la société bécharoise de l'époque, revient sur des faits historiques et des particularités locales. Par exemple, la constitution de l'état civil dans le sud-ouest, les différents quartiers de Béchar...Cet événement, c'est la découverte par «el-Berbéria» (la mère de la jeune fille) de «Photo drèlement enlacée avec Bouquy».A partir de là , il disparaît «pendant une longue durée sans jamais donner signe de vie». Très vite, la mère allait «trouver preneur pour sa fille, Miloud, fraîchement débarqué de Saïda à la recherche d'un emploi. Il trouva miraculeusement le gîte, le couvert et une belle jeune fille à peine âgée de 14 ans.Il était aux anges. Le couple se maria avec fracas».Deux ans après, réapparition de celui qui «a été englouti par la terre» (Bouquy). Nous sommes en 1955.L'insurrection armée voit aussi «l'éclatement de la cellule familiale». Photo et Bouquy vont vivre tous ces bouleversements. Le défi de l'amour sera même relevé, avec un courage obstiné... L'histoire des deux amoureux connaîtra d'autres rebondissements, en même temps que l'auteur décrit «la déliquescence des valeurs dans le Sud» et évoque la vie d'un couple pas comme les autres et que la société a voulu briser. La parenthèse du destin (sic) se refermera, certes, mais de manière vraiment inattendue.Hocine TamouAhmed Lagraâ, Le défi de l'amour, roman édité à compte d'auteur, août 2014,80 pages.