«Le débat doit être serein» Noureddine Benissad. Président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme

- Un débat, vrai ou faux, apparu récemment, insiste sur le rétablissement de la peine capitale pour condamner les personnes coupables de kidnapping et d'assassinat d'enfants. Quelle analyse faites-vous par rapport à cette nouvelle situation '

Le code pénal sanctionne sévèrement déjà l'enlèvement, a fortiori lorsque ces actes sont suivis de mort. Dans ce cas-là, la peine capitale est prévue. Les gens se trompent. La peine de mort existe toujours dans le code pénal algérien. La nuance est que l'Algérie a adhéré au moratoire de l'ONU sur le gel des exécutions (l'Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 18 décembre 2007, la résolution 62/149 appelant à un moratoire mondial sur les exécutions. La résolution, adoptée à une large majorité, n'est pas juridiquement contraignante mais a un poids moral et politique important, ndlr). Nous sommes donc en situation de suspension des exécutions de la peine capitale (depuis 1993 en Algérie, ndlr). Ce qui est malheureux est que nous ayons tendance à réagir à chaud. Jusqu'à preuve de contraire, l'Algérie est un Etat civil, régi par des lois civiques (Constitution, code pénal, code de procédure pénale, code civil'). Il faut travailler sur ce terrain-là et éviter de déborder sur un autre terrain qui n'est pas celui du droit positif. Force est à la loi, la justice suit son cours. Il faut attendre l'aboutissement du travail d'investigation de la police judiciaire et l'instruction. En matière criminelle, chaque cas est à part. Il y a des prédateurs sexuels et il y a des réseaux de prostitution, de drogue, de trafic d'organes et d'exploitation d'enfants. En tout cas, il faut aller vers le fond et parler de vraie politique publique sur les droits de l'enfant et sur sa protection. La première responsabilité est celle de la famille. En deuxième position, il y a la responsabilité de l'Etat. Il n'est pas normal qu'à n'importe quelle heure de la journée, les enfants soient dans la rue, en train de vendre des marchandises ou de travailler. C'est pour cela qu'il faut s'attaquer aux causes de tous ces phénomènes.

- Faut-il abolir la peine capitale en Algérie '

Le débat sur l'abolition de la peine de mort doit être serein. Un débat qui ne doit pas être mené dans ces conditions-là. Car il y a beaucoup de passion. Le débat doit aussi être démocratique et public. Il est important d'analyser les arguments «pour» et les arguments «contre». L'existence d'exécutions de la peine de mort dans certains pays n'a pas empêché l'augmentation de la criminalité. Par contre, l'abolition de la peine capitale dans d'autres pays n'a pas entraîné la multiplication de la criminalité. Donc il faut nuancer les choses.