Il est évident que toute nation est le produit symbolique de son intelligentsia. Censée doter la société du «background organique» nécessaire à sa survie, celle-ci constitue le vivier culturel ou idéologique dans lequel les masses citoyennes puisent leurs énergies pour évoluer et prospérer dans les meilleures conditions possibles. L'élite étant, en effet, cette force qui guide, structure, défriche et balise le terrain au peuple. Cette position au sommet de la hiérarchie sociale serait, si elle n'était pas détournée à d'autres fins bien sûr, plus que salutaire pour le pays dans la mesure où elle permet ce que le sociologue italien Alfredo Paretto appelle «la circulation du pouvoir et des connaissances».Autrement dit, une sorte de rampe de lancement pour «un mouvement cyclique» de renouvellement et de relève intergénérationnelle. Or, il se trouve, malheureusement, que cette rampe-là est tombée, si tant est qu'elle existe déjà, en panne chronique en Algérie. Un problème de fond sévissant en particulier chez cette ancienne génération coincée par ses multiples résistances au vent du changement. D'autant qu'elle ne croit guère à la relève, sous-estime la jeunesse et pense que tout bond en avant sans sa bénédiction serait un pari hypothétique. On dirait qu'elle prend ces jeunes-là, qui forment pourtant plus que les deux tiers de la société, pour des enfants en bas âge à qui il faut toujours une protection ou une tutelle. Ainsi constate-t-on, à grand regret, que la majorité de nos anciens parlent encore à leur place (les jeunes) et s'étonnent dès qu'ils voient quelqu'un d'entre eux oser prendre par exemple la parole en public, écrire, innover, militer ou résister mieux qu'eux. Ils oublient ou plutôt feignent d'oublier, ce faisant, que les petits oiseaux ont, eux aussi, des ailes et peuvent voler aussi loin sans l'aide de personne si ce n'est la loi de la nature, du reste vitale pour tous!Ce diagnostic ne s'applique pas seulement, il est vrai, à nos «politiques» aujourd'hui «hors piste» mais aussi à «nos élites culturelles» dans leur grand ensemble, berbérophones, arabophones ou francophones soient-elles. Force est d'admettre que ces dernières qui se sont disputé depuis des lustres les glorioles du «progressisme» ou du «modernisme» sur fond de divorce d'avec la société-mère, ont brillé par leur absence dans la construction de la personnalité algérienne sur des bases authentiques et solides, privant ainsi les générations montantes de leur identité réelle ou pur produit du terroir (made in Algeria).Tout au plus, elles n'ont pas poussé ces politiques enivrés par un legs révolutionnaire actuellement en voie de péremption, à ratisser large pour «confectionner» un levain idéologico-culturel consensuel à même de servir à nos jeunes de carburant pour libérer la nation du carcan du sous-développement et les aider à prendre leur autonomie à tour de bras (pensée, culture, politique, vie de tous les jours, etc.,) et reprendre confiance en eux-mêmes comme acteurs de leur destin. Sans doute, la responsabilité de nos anciens dans le désastre actuel est impardonnable devant l'histoire!
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Posté Le : 13/02/2017
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kamal Guerroua
Source : www.lequotidien-oran.com