Algérie

Le crétinisme ravageur nous fait mal



EL WATAN
14 FEVRIER 2019
Il était aux anges, Sellal, lors du show folklorique du FLN organisé pour mettre Bouteflika devant le fait accompli du 5e mandat. L'ancien Premier ministre, qui s'est imposé un silence drastique depuis son limogeage de la chefferie du gouvernement, est réapparu très joyeux, avec sa mine débonnaire, au milieu d'une cohorte de militants de fortune venus se prosterner devant le cadre du Président, sans trop savoir pourquoi ils s'adonnaient à ce rituel bizarre qui n'a jamais fait partie de nos m?urs politiques.
On aurait dit qu'il entamait une nouvelle carrière depuis qu'on lui a remis les clés de la campagne électorale du Raïs, et lui ne se gênait pas de le montrer dans cette ambiance de kermesse anarchique pour montrer à ceux qui l'avaient enterré trop vite qu'il était toujours là. Toujours présent à servir, malgré toutes les épreuves d'asservissement qu'il venait de passer sans rechigner.
Volubile, exubérant, le personnage paraissait ainsi renaître de ses cendres. Prêt à accepter les tâches les plus ingrates juste pour rebondir et oublier les affres de l'anonymat. Exactement comme Belkhadem lorsqu'on lui avait accordé, après une pénitence qui a duré des années, l'autorisation d'aller rencontrer le jeune intérimaire du FLN, pour l'exposer devant les caméras. En passant au JT de l'Unique, les images donnent la preuve d'un affranchissement qui a eu l'aval d'en haut. Belkhadem avait donc une certaine garantie qu'il allait retrouver la lumière.
On saisit dès lors pourquoi l'ex-chef du vieux parti débordait de bonheur. Il congratulait sans retenue tous ceux qui l'approchaient. Bousboussates et embrassades à gogo. Il serrait des mains par-ci, par là, échangeait des sourires, bref, il était heureux, et on sentait que visiblement ça lui manquait terriblement ces petits bains de foule qui le rendaient important.
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L'homme avait repris, en cet instant, des couleurs. Il avait l'impression de revivre, de redevenir quelqu'un qui ne laisse pas indifférent son entourage. C'est ce qui a fait dire à certains que son enthousiasme délirant ressemblait à celui d'un prisonnier qui venait d'être gracié et qui avait de la peine à retenir ses larmes de joie et ses émotions. Pourtant, il n'était pas question ici de retrouver une liberté, mais une sorte de réhabilitation politique circonstancielle qui suffisait à sa béatitude.
C'est à travers ces moments d'intense émotivité, qui interviennent après une longue période de solitude, que l'on arrive à mesurer combien est effroyable la mise en quarantaine par le sérail des hommes politiques appartenant pourtant à son giron, mais qui, à un moment ou à un autre de leur soumission, ont fait preuve de désobéissance ou d'une transgression jugée intolérable.
Bien sûr, on ne saura jamais pourquoi Sellal a été débarqué de son poste de Premier ministre, alors qu'il avait témoigné d'une loyauté sans faille au clan présidentiel. Même si lui a son idée sur cette destitution qui lui a coûté au plan de la crédibilité, il n'osera jamais la révéler à qui que ce soit, de peur de voir des sanctions encore plus dures tomber sur sa tête et qui ne lui permettront plus jamais de se relever.
Il en est de même pour Belkhadem et pour tous les autres proscrits (ils sont nombreux) du système qui, même dans l'hypothèse de n'avoir en leur âme et conscience rien à se reprocher en matière de fidélité aux engagements pris, ne pourront jamais contester de quelque manière que ce soit cette politique du bannissement qui est infligée aux réfractaires et qui doit être acceptée comme une règle de jeu intransigeante au profit exclusif de ceux qui détiennent le pouvoir de décision.
Ceci nous amène à mieux comprendre la vraie perception du système algérien, qui tire sa force et sa puissance de domination avant tout dans la dépersonnalisation de ses serviteurs. On sait que dans les pays non démocratiques, c'est la gouvernance despotique qui règne et qui régit la société en fonction de la loi du plus fort pour le partage des richesses.
En Algérie, on n'en est pas loin, mais c'est le système du clientélisme et de la bigoterie, supporté par la force corruptrice qui a droit de cité, depuis notamment que les Bouteflika se sont emparés du pouvoir. En ayant recours à l'antienne «Fakhamatouhou» théoriquement pour marquer une forme de respect envers le guide de la Nation, les affidés du Pouvoir et tous ceux qui gravitent autour de sa périphérie ne font, en fait, que s'adonner à un sacramentaire pour se couvrir contre d'éventuelles fausses notes préjudiciables à leurs carrières. Mieux vaut être dans la tonalité d'ensemble pour éviter les ennuis.
C'est devenu d'ailleurs presque une devise à la mode que de faire la révérence au premier magistrat pour montrer sa solidarité et sa soumission en toute circonstance, même si les événements ne demandent pas tant d'obséquiosité. La réalité à laquelle nous voulons arriver est que nos dirigeants inféodés au système, qu'ils soient dans la politique, dans l'administration ou ailleurs, semblent complètement désincarnés par ce système qui les oblige à être l'ombre d'eux-mêmes. Il n'y a que dans les monarchies féodales que ce genre de comportement peut s'expliquer par la relation d'allégeance.
Lorsqu'on voit les partis de l'alliance présidentielle, par exemple, s'incliner devant le programme du Président en effaçant de facto leurs propres intelligences (s'il en ont), leurs propres motivations, leurs propres convictions, il y a vraiment de quoi s'inquiéter sur la nature de la classe politique dite «majoritaire» qui, finalement, ne s'appartient pas en acceptant résolument d'être l'otage d'une force attractive qui fait d'elle une simple marionnette.
Lorsqu'aussi on relève le degré d'hypocrisie atteint par cette communauté de volontaires au statut de vassalité acceptant toutes les compromissions possibles et imaginables dans le seul but d'être visible, on se dit que l'ère du crétinisme ravageur a encore de beaux jours devant elle. Il n'y a qu'à regarder et analyser le comportement de ces acharnés du FLN, tous costumés durant le meeting de la Coupole, pour comprendre que le crétinisme algérien dans sa manifestation la plus brutale nous vaut aujourd'hui les dérisions les plus honteuses au-delà de nos frontières. C'est une marque de fabrique à laquelle n'échappent pas les sommités de ce système.


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